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Hypercrites !
Le dictionnaire m’apprend que le préfixe «hyper» veut dire «qui exprime l’excès». Il m’apprend aussi que le préfixe «hypo» veut dire «qui exprime la diminution, l’insuffisance». Alors pourquoi dit-on d’un individu qu’il est hypocrite et non pas hypercrite? À mon sens, l’hypocrite fait montre d’un excès et non pas d’une in- suffisance de fourberie. Cet individu mériterait selon moi l’adéquate appellation de «vrai-cul» plutôt que de faux-cul. N’est-ce pas une vraie hypercrisie que de traiter quelqu’un d’hypocrite? Personnellement je me considère comme un simple crite, ni hypo, ni hyper, mais à l’embonpoint légèrement hippo, ascendance potame. Il est à noter que l’hippopotame n’est pas moins potame que vous et moi, car son hippo n’est pas hypo ou hyper. Et si je vous balançais que j’avais été témoin de l’existence d’un hyperpotame, je vous ferais sans doute hyper marcher.
Reconnaissons-le, nous avons tous recours à l’hypercrisie.
Que deviendrait notre vie si nous distribuions à la ronde non pas une, mais quatre vérités. Selon mon grand savoir, il y a plusieurs degrés d’hypercrisie. En haut du tableau, nous trouvons l’hypercrisie mondiale où les grands pays riches polluent la planète avec leurs usines et leurs centrales à charbon et exonèrent sans vergogne le bétail pétomane de toute contribution à la fonte des calottes glaciaires. Il y a vraiment des calottes qui se perdent…
La COP26 est la réunion fantaisiste des nations hypercrites où la fin du monde est annoncée à répétition et durant laquelle des plans d’action sont proclamés pour les cinquante ans à venir. Les chefs d’État présents, sachant qu’ils ne seront plus là dans cinquante ans, peuvent affirmer ce qui leur chante sans risque de se faire taper sur les doigts dans un demi-siècle. Même les pays en passe de devenir prospecteurs d’or noir affirment qu’ils prennent fait et cause pour l’énergie verte. On dirait que les dirigeants des pays en question souffrent de daltonisme (je prends les devants pour démentir les mauvaises langues qui insinueraient que je fais ici référence aux bandits Joe, Jack, William et Averell.) Brassens en ferait presque une chanson :
Par le petit pays qui cherche l’or noir en mer, Tandis que ses enfants rêvent de se mettre au vert, Et par la tentation, du dollar encaissé… … je vous salue barils…
Chaque pays offre à sa population son lot d’hypercrisie. Si vous ne le saviez pas, la cigarette tue. Ce message est hyper- critement écrit sur les paquets de clopes. Les gouvernements hypercrites mondiaux, au lieu d’interdire cette drogue mortelle, préfèrent illustrer les paquets de cigarettes d’images morbides de poumons en décrépitude, de malades en réanimation et de ramollissement de membres, au risque même de tomber raide mort! On peut parler d’alcool à la télé ou à la radio à condition de rajouter que ledit arak est à consommer avec modération. Cette phrase est censée gommer les ravages de l’alcool et donner bonne conscience aux États. En suivant ce modèle, je suis d’avis que l’on écrit des avertissements sur les objets contondants, par exemple : les pioches – «bez kout pios provok lamor !» Cet avertissement pourrait ainsi conscientiser votre assaillant du fait qu’un coup de pioche de sa part pourrait causer préjudice à votre caboche.
Après les hypercrisies des grands de ce monde, viennent nos hypercrisies journalières. «Comment trouvez-vous ma robe?» «Elle vous va vraiment bien, ma chère et votre coupe vous va à ravir.» Pour ne pas froisser nos proches, nous avons recours à de «petits mensonges de la vie de tous les jours» qui font en sorte que nous puissions vivre en une relative harmonie. Sans cette hypercrisie nous dirions sans doute : «Non, votre robe et la tonsure qui va avec vous donnent des airs de cantatrice obèse et chauve…» Le mensonge est-il aussi important pour l’harmonie des amis, des couples, des pays et de la planète?
Il me semble bien que, sans le savoir, nous ayons prêté le serment d’hypercrite.
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