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Omicronomie monétaire
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Omicronomie monétaire
Un néologisme créé par contraction entre Omicron et économie, le mot «omicronomie» a une chance de faire son entrée dans les dictionnaires. Alors que l’île Maurice était bien partie pour la relance de son économie, la nouvelle souche de SARS-CoV-2 vient perturber la haute saison touristique et bouleverser la donne économique. Mercredi prochain, le comité de politique monétaire sera encore plus réticent à considérer l’inflation comme un problème et à hausser le taux directeur. Toutefois, l’omicronomie monétaire ne rend pas service à la politique accommodante de la Banque de Maurice.
Malgré une période prolongée de taux d’intérêt très bas, Omicron va faire fléchir notre croissance économique, dont l’objectif de 9 % pour l’année 2021-2022 est désormais hors d’atteinte. Car, avec les restrictions de voyage, les arrivées touristiques seront loin des 650 000 attendues, l’investissement étranger dans l’immobilier lèvera le pied, et la belle progression annuelle de l’exportation de biens va s’enrayer. La demande extérieure dans les limbes, l’économie mauricienne dépendra davantage de la demande domestique, ce qui laisse peu de place à un nouveau confinement national.
Tout cela pourrait justifier une nouvelle réduction du taux repo, d’autant que le cours du brut a reculé de 10 dollars, une telle chute étant souvent associée à l’imminence d’une récession mondiale. Mais une détente monétaire n’atténuera pas l’impact économique d’Omicron. C’est tout le contraire parce que ce variant est inflationniste pour Maurice.
D’abord, il est peu probable que les gains pétroliers soient répercutés sur les prix des carburants à la pompe, car ces derniers ne sont pas déterminés par les forces du marché, mais par un mécanisme compensatoire complexe. Puis, ceci expliquant cela, Omicron a raffermi le dollar, une devise en laquelle sont libellées 70 % de nos importations. En quatre jours, le billet vert a gagné 24 sous, et même l’euro a progressé de 47 sous, preuve que l’évolution du taux dollar-euro ne bénéficie pas à la roupie.
Aussi, Omicron peut retarder le rééquilibrage de l’économie en direction d’une plus grande consommation des services (lesquels représentent 40 % de la pondération totale du panier de notre indice des prix à la consommation). Alors que le variant déstabilise encore plus les chaînes d’approvisionnement, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud, qui sont nos plus grands fournisseurs (40 % de nos importations), prennent des mesures sanitaires très strictes qui augmentent le coût de leurs marchandises que nous importons. La Chine devient d’ailleurs une source potentielle d’inflation, et non plus de déflation, avec la robuste appréciation du yuan contre le dollar.
Ensuite, Omicron suscite chez les Mauriciens un engouement pour la troisième dose de vaccin contre le Covid et pour des produits médicaux et pharmaceutiques, ce qui va accélérer l’importation de ceux-ci (en hausse de 69 % pour les neuf premiers mois de 2021) ainsi que les dépenses sanitaires du gouvernement. Le déficit budgétaire et la dette publique vont se creuser, ce qui affectera les prix à la consommation. Accorder une compensation salariale dans ces conditions fera encore déraper les finances publiques et alimenter l’inflation, tout en asphyxiant les entreprises en difficulté financière.
Enfin, l’expansion marquée de la masse monétaire génère d’énormes pressions inflationnistes. La monnaie créée par la monétisation du déficit budgétaire, et distribuée via les subventions et les aides publiques, s’est propagée, tel un virus, pour arriver dans les poches des consommateurs. De même, les ménages sont emportés par le flot des liquidités qui ont inondé les grosses entreprises.
Omicron met à nu l’impasse dans laquelle se trouve la Banque de Maurice. Si elle continue à financer les dépenses publiques ou à assouplir le taux d’intérêt, elle courra le risque de provoquer un choc inflationniste et une grave crise de la dette publique, entraînant un nouvel abaissement de la note du pays par Moody’s, qui sera fatal. Si elle durcit les conditions du crédit ou fait apprécier la roupie, alors la surévaluation de la dette publique deviendra évidente, le surendettement privé sera intolérable, les banques s’affoleront devant une accumulation de créances douteuses, et même la banque centrale se retrouvera sous-capitalisée.
En fait, l’institut d’émission ne pourra pas relever son taux directeur sans d’abord réduire son bilan. Il lui faudra renoncer à jouer avec un bilan non conventionnel et à s’appuyer sur des prévisions d’inflation qui sont constamment révisées à la hausse.
Inévitable tôt ou tard, un resserrement monétaire devra être graduel. Mais il ne pourra qu’être brutal et durer plus longtemps si Maurice est en retard d’une guerre contre un ennemi invisible, l’inflation. Autrement, si le comité de politique monétaire se met sur le pied de guerre, il maniera mieux l’arme de la hausse des taux d’intérêt, qui est à même de vacciner l’économie contre Omicron.
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