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L’illusion monétaire
N’étant pas des magiciens, les économistes ne pratiquent pas l’illusionnisme. Cependant, les keynésiens croient dans l’illusion monétaire, c’està- dire que les travailleurs regardent le montant monétaire (nominal) de leurs revenus, et non leurs revenus réels, ajustés à l’inflation. Si le taux d’inflation est plus élevé que le pourcentage de hausse du revenu, on s’appauvrit à raison de la perte du pouvoir d’achat. C’est la mise en garde que l’opposition adresse à la population.
L’illusion, c’est l’impression que la montée des prix va influencer et transformer profondément le comportement des agents économiques. Si celle-ci ne fait que traduire un élément monétaire, ce n’est pas un événement s’inscrivant dans la réalité. Dans le fond, pour les économistes classiques, il n’y a pas d’illusion monétaire : la monnaie n’est qu’un voile qui ne change rien aux aspects réels des choses.
L’absence d’illusion monétaire signifie la prédominance de l’économie réelle sur le secteur monétaire : le niveau général des prix est indifférent pour le producteur ou l’investisseur qui sait discerner la réalité des rapports intimes de l’économie. Le réel, c’est la production et l’investissement pour générer des emplois et des revenus. L’État, lui, ne crée pas de richesses, mais prélève sous forme d’impôts une partie des richesses produites par le secteur privé.
C’est ainsi que le gouvernement peut accorder une aide directe au revenu de Rs 1 000 aux 350 000 salariés gagnant jusqu’à Rs 50 000. Si la mesure est fort louable, elle aurait dû être plus ciblée, en l’occurrence un seuil d’éligibilité réduit à Rs 25 000, pour accorder Rs 2 000. La subvention serait alors plus coûteuse certes, mais plus équitable.
Quoi qu’il en soit, elle ne peut qu’être ponctuelle parce qu’elle ne vient pas du secteur réel. Le développement durable, que promeut le ministre des Finances, ne saurait se faire à coups de subventions tirées de la taxation, de l’endettement et de la planche à billets. Cela n’est pas soutenable. Ce qui l’est, c’est l’accroissement des salaires à travers une hausse de la production marchande.
D’ailleurs, si l’offre ne suit pas rapidement la demande – ce qui bouleverse l’équilibre partiel des marchés individuels –, le revenu additionnel de Rs 1 000 sera englouti par l’inflation même s’il ne provient pas d’une émission monétaire. Plus on étend ce revenu, plus se renforcera la spirale prix-revenus. Pour les biens assujettis au contrôle des prix, les risques de pénurie seront encore plus grands.
À l’instar du marché des produits, le marché du travail est à l’abri de l’illusion monétaire. Sous ce mirage, l’offre de travail est supposée dépendre du taux de salaire nominal, lequel ne peut pas descendre en dessous d’un seuil minimum, étant rigide à la baisse. En vérité, c’est le salaire réel qui dicte l’équilibre du marché du travail. Avec la prise de conscience de l’inflation (absence d’illusion monétaire), les travailleurs exigeront des hausses salariales, et le salaire de réserve (le salaire en deçà duquel un chômeur n’accepte pas de prendre un emploi) augmentera. D’où la difficulté de résoudre le chômage par des politiques inflationnistes.
Une alternative est la politique sociale de l’emploi. La prime à l’emploi peut être une solution au chômage structurel et de longue durée à condition qu’elle ne soit pas une aubaine pour les entreprises qui auraient recruté sans la prime. Son objectif doit être de faire revenir sur le marché du travail ceux qui n’ont plus la motivation de chercher un emploi.
D’abord, priorité doit être accordée aux activités qui manquent cruellement de main-d’oeuvre, telles que l’agriculture, la manufacture et la construction. Puis, considération doit être donnée à ceux qui sont au chômage pendant plus d’une année, de préférence aux gens sans expérience ni qualification. Le problème est que des employés expérimentés et qualifiés sont payés à moins de Rs 15 000 et seront frustrés. Aussi, il n’est pas logique de rémunérer pareillement un jeune de 18 ans sans expérience, un diplômé de 35 ans et une femme de 50 ans avec expérience. Il faut obliger l’employeur à apporter un complément de salaire.
Reste le marché monétaire. La monnaie est d’une importance fondamentale pour les variables nominales, tels les prix. Elle a peu d’influence sur les variables réelles, comme la production ou l’emploi, suivant la thèse de la neutralité à long terme de la monnaie. Il y a dichotomie entre le secteur réel et le secteur monétaire.
Une stimulation monétaire artificielle sans commune mesure avec la production des biens, avec pour résultat que l’offre de monnaie excède la demande de monnaie, est source d’inflation, car les gens se débarrasseront de leurs encaisses excédentaires sur les marchés des produits. Il n’y aura de retour à la stabilité des prix qu’en limitant la création de monnaie. Comme lors du choc pétrolier et de la stagflation des années 70, la distribution du pouvoir d’achat ne fera pas illusion.
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