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Quand un chien renifleur expose la fratrie des loups…
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Quand un chien renifleur expose la fratrie des loups…
Qu’on ne s’y trompe pas, la révélation est d’une gravité absolue. Qu’un Premier ministre appelle le CEO de la compagnie de téléphonie d’État – la plus grande du pays avec un million d’abonnements mobiles, 400 000 lignes fixes et abonnements internet et 200 000 clients d’IP TV – pour lui demander de permettre à un tiers d’illégalement installer un logiciel renifleur sur ses serveurs (voir l’explication du sniffing ici) est aussi inconcevable que révoltant dans toute société qui se veut «démocratique».
Le CEO démissionnaire de Mauritius Telecom doit sans doute savoir qu’en formulant une telle allégation contre le chef du pays, il risque de se jeter dans la gueule du loup alpha qui ne cherche qu’à lancer sa meute affamée sur ceux qui viennent de la trahir. Spécialiste de la communication qu’il est, Sherry Singh doit connaître ce principe du journalisme d’investigation qui veut que l’on ne peut pas toujours rapporter ce qui est vrai. La liberté et la faculté de révéler ne dépendent que de la capacité de l’auteur à prouver ses dires. Pour le moment, c’est sa parole contre celle du Premier ministre. Certes Pravind Jugnauth n’a pas formellement démenti cet appel téléphonique et son contenu se contentant une seule fois de dire «li koz menti» – sans expliquer ce qui est précisément faux – et invitant Sherry Singh à aller rapporter cet appel à la police et de le menacer de poursuites. La posture de Pravind Jugnauth est suspecte, mais pas encore autodestructrice. À ce petit jeu, Pravind Jugnauth est bien rodé. Il est passé maître dans l’art de noyer le poisson. Son refus de répondre aux questions documentées de l’express sur le scandale Angus Road est un exemple récent. Entre-temps, Loganaden Govinden, le témoin clé et présumé complice, est mort emportant dans la tombe tout ce qui aurait pu incriminer le Premier ministre.
Sherry Singh n’aura donc pas gagné aussi longtemps qu’il n’aura pas prouvé son allégation. Et là encore, s’il prouve d’une manière ou d’une autre qu’il ne ment pas, Sherry Singh doit encore expliquer pourquoi il s’est tu en mai 2021 quand l’État songeait à changer les lois pour avoir un accès légal à encore plus de données personnelles et privées que celles que lui offrirait un vulgaire sniffer. Le silence approbateur de Sherry Singh sur le consultation paper de l’ICTA à l’époque était complice. Il avait alors les mêmes intentions que Pravind Jugnauth. Leur visée commune de faire pire que «renifler» les données était publique. Son départ aujourd’hui à cause d’un sniffer comporte donc une certaine absurdité. Il a cautionné et il est resté pour pire que ça.
Cette façon de voir, et de ne pas prendre la version de Sherry Singh pour argent comptant, ne dilue en rien la gravité de la demande du Premier ministre à un CEO d’une compagnie d’État pour une action illégale. Ajoutez-y son malaise apparent face aux questions des journalistes, hier, et l’absurdité de sa demande pour que Sherry Singh se rende à la police, celle-là même qui a failli réussir à transformer l’assassinat de Kistnen en suicide.
Pravind Jugnauth, pour l’heure, se défend mal. Mais aussi longtemps que Sherry Singh n’aura pas entièrement convaincu en prouvant que le renifleur a bien provoqué son départ, le Premier ministre peut se le permettre. Il peut aussi entre-temps compter sur ses jeunes louveteaux comme Maneesh Gobin pour dépeindre l’ex-ami de son couple comme un capricieux qui s’est révolté car il n’avait plus les faveurs du chef de la meute.
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