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Transition énergétique
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Transition énergétique
Loin de se délecter de l’expression «transition à toutes les sauces», pour reprendre le titre d’un éditorial, on ne sait pas à quelle sauce on sera mangé en matière de transition énergétique. Depuis 20 ans que les gouvernants nous rebattent les oreilles avec la «transition économique», l’économie mauricienne est demeurée dans un état transitoire, et elle est même entrée en transe avec l’inflation. Maurice ayant accompli sa transition démographique, ses dirigeants actuels semblent se soucier peu du vieillissement de sa population. Or la démographie, l’économie et l’énergie sont… transitives, ayant en commun le pouvoir d’achat.
Il ne faut pas se leurrer : la transition énergétique conduira à une énergie plus chère en raison de l’intermittence de la production d’électricité solaire ou éolienne. Pour se convertir aux énergies renouvelables, le pays doit pouvoir en fournir une production qui s’étale sur toute l’année. Il doit considérer les jours sans soleil ou sans vent qui affectent la capacité de charge de base du réseau électrique national. Aucun pays au monde n’a pu devenir industrialisé avec 100 % d’énergies renouvelables.
S’il était possible de bannir la production d’électricité avec des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) pour utiliser exclusivement de l’électricité d’origine renouvelable, il faudrait une capacité de production trois fois égale au niveau de la demande afin de stocker une quantité suffisante d’électricité : le coût d’investissement et de stockage augmenterait alors sensiblement le prix de l’électricité. En outre, la transition énergétique entraînera des hausses de taux d’intérêt dues à l’inflation, de nouveaux impôts pour subventionner l’utilisation d’énergies renouvelables, la destruction d’un grand stock de capital non encore amorti, et plus de chômage structurel avec la suppression d’emplois dans les activités touchées par la décarbonation de l’économie.
Une accélération de la transition énergétique, qui mènerait vers l’élimination des émissions nettes de dioxyde de carbone, requiert un développement soutenu des énergies renouvelables, un passage plus rapide à des transports moins polluants, et l’isolation thermique des bâtiments. Celle-ci devrait viser en premier lieu les logements en location, mais comme une telle rénovation baisserait la rentabilité économique du patrimoine immobilier, les propriétaires relèveraient les loyers.
Le recours aux énergies fossiles a permis aux politiques monétaires de soutenir le pouvoir d’achat et la consommation grâce à des taux d’inflation raisonnables. En revanche, une insuffisance d’approvisionnement en énergies fossiles, qui n’est pas comblée par de l’électricité renouvelable, engendrera un coût économique (perte de production nationale) et social (perte de pouvoir d’achat avec une hausse violente du prix de l’énergie).
C’est pourquoi il convient de privilégier une transition énergétique par la demande, avec des politiques qui font diminuer la demande d’énergies fossiles et, par ricochet, la production à base d’énergies fossiles. Pour y arriver, on doit d’abord imposer, pour tous les secteurs d’activité, un prix du CO2 qui soit suffisamment élevé pour faire grimper les prix relatifs des biens dont la production émet du CO2. Puis, il faudra réduire les taux autorisés des émissions de CO2 des voitures, voire interdire les moteurs thermiques. Enfin, une méthode douce de politique publique («nudge») est nécessaire pour provoquer un changement de comportement des consommateurs en termes d’habitudes alimentaires et de voyage par transport en commun.
Le gouvernement peut très bien avoir recours simultanément à une stratégie de transition énergétique par l’offre, mais ce sera au prix d’une déstabilisation de l’économie productive. Il s’agit de limiter les financements des investissements dans la production d’électricité (mais aussi de ciment, d’acier, d’engrais) à base du pétrole, du gaz naturel ou du charbon. Or la bancabilité des projets d’énergie renouvelable à grande échelle n’est pas assurée, faute de garanties suffisantes des promoteurs en cas de défaut du Central Electricity Board. Il faut tenir compte des risques que la consommation d’électricité croît plus vite que la production, et que le pays ne produit pas assez d’électricité verte. Personne n’aime des coupures de courant ni des rationnements d’électricité !
Agir sur la demande plutôt que sur l’offre rend un gouvernement impopulaire, car il est très difficile de responsabiliser les gens pour qu’ils adoptent la sobriété énergétique et des produits écologiques plus chers. Mais la stratégie énergétique du pays doit reposer sur la même base que celle de lever les restrictions sanitaires, à savoir que «chacun assume ses responsabilités», suivant le mot du Premier ministre.
Selon le rapport sur la situation mondiale des énergies renouvelables 2022, malgré leur croissance inédite, «la transition énergétique n’a pas lieu». Maurice est sur un long chemin de transition.
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