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Les leçons de la grand-messe de Davos
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Les leçons de la grand-messe de Davos
Pourfendu par des altermondialistes comme le sommet des élites mais défendu par les puissants de la planète comme un haut lieu privilégié pour partager leur vision du monde, le Forum économique de Davos demeure néanmoins un happening incontournable, chaque année, pour les décideurs économiques et autres dirigeants d’entreprises de forger les relations d’affaires et nouer les réseaux avec les grands de ce monde. Celui qui vient de se tenir du 16 au 20 janvier, après deux années d’absence à cause du Covid et celui de l’année dernière tenu exceptionnellement en mai, se veut l’occasion pour les participants d’analyser aujourd’hui la coopération dans un monde fragmenté.
Avec plus de 50 chefs d’État et de gouvernement, 19 gouverneurs de banques centrales, 30 ministres du Commerce et autant de ministres des Affaires étrangères, sans oublier les dirigeants des Nations unies, du Fonds monétaire international, de l’Organisation mondiale du commerce, ainsi qu’une cohorte de dirigeants d’entreprises mondiales, la petite station de ski huppée de Davos était prête pour être le coeur des débats, voire des décryptages des grands enjeux économiques et sociétaux. Du changement climatique à la fracture sociale, des tensions géopolitiques aux incertitudes économiques, tout y était pour préparer la transition d’un monde confronté à de redoutables défis, alors même qu’il est nécessaire d’instaurer le dialogue entre toutes les parties prenantes et mener parallèlement une action collective en vue d’un changement positif.
Certes, on peut s’interroger sur l’intérêt d’un tel rassemblement, si ce n’est l’endroit, selon le patron de JPMorgan Chase, où «les milliardaires disent aux millionnaires ce que ressent la classe moyenne». En même temps, on ne peut en faire l’impasse, en sachant qu’il a été à la base dans le passé de certaines grandes décisions, dont la sensibilisation dans les années 2000 autour d’une alliance mondiale pour la fabrication des vaccins. Pour autant, les spécialistes à Davos ne pourront pas rester insensibles au déclenchement de la crise pandémique de Covid-19 et des effets économiques de la guerre russo-ukrainienne, qui, après presque une année, ont visiblement ébranlé un système mondial déjà fortement fragilisé.
Pourtant, le rapport économique accompagnant le sommet de Davos est catégorique : la crise du coût de la vie est classée comme le risque mondial le plus inquiétant à l’horizon des deux prochaines années. Dès lors, faut-il balayer d’un revers de la main des conclusions des discussions expertes, qui se sont multipliées en Suisse, et qui sont susceptibles d’éclairer les lanternes des principaux dirigeants de ce monde quant à la voie à emprunter pour une sortie de crise sans grands dégâts économiques ?
Or, c’est là où le bât blesse. Car il est clair que les discours à Davos n’ont pas la même résonance que dans certains États et sont loin d’intéresser, comme à Maurice, nos décideurs, tant de l’establishment public et privé. Qui, enfermés dans leur tour d’ivoire, ne veulent pas quitter leur zone de confort. Faut-il s’étonner alors que l’Inde, qu’on tente ici d’entraîner dans toutes les sauces, érigée en Mother India de Maurice, joue à fond sur les réseaux des élites de ce sommet pour faire du business et attirer des investissements. Comme c’était d’ailleurs le cas lors des précédentes éditions, où les grosses pointures du monde corporate indien et des Union Ministers ont régulièrement fait le déplacement pour vendre l’Inde. Une démarche somme toute légitime pour faire entendre la voix indienne avec force, face à un État qui deviendra la troisième puissance économique mondiale.
La forte présence indienne avec l’expatron de la Reserve Bank of India, Raghuram Rajan, quatre Union Ministers et des business leaders, ceux considérés comme les «movers and shakers» de l’industrie indienne, comme Gautam Adani du groupe Adani, une des grosses fortunes indiennes, Sanjiv Bajaj, Kumar Birla, Nadir Godrej, Sunil Mittal ou encore Adar Poonawallah, milliardaire indien qui dirige le Serum Institute of India, pour ne citer que quelques-uns, a certainement marqué l’esprit des participants. Des dirigeants d’entreprises qui ont conversé avec les grands de ce monde, qu’ils s’agisse d’Elon Musk, Chief Executive Officer (CEO) de Tesla, SpaceX et Twitter, de la patronne de l’OMC, Ngozi Okonjo- Iweala, de Kristalina Georgieva du FMI et de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, pour chercher à internationaliser l’industrie indienne.
Et Maurice ? Manifestement, nous sommes loin des grands enjeux de Davos, nos dirigeants politiques comme ceux de nos conglomérats n’étant pas encore convaincus que de tels frottements avec ces magnats de la finance et des affaires peuvent donner une nouvelle dimension à leurs entreprises après la crise pandémique. Il suffit d’avoir de l’ambition.
Quelques années de cela, Davos intéressait les dirigeants du pays et ceux du monde des affaires, qui s’appuyaient sur les habitués de la station pour établir des contacts et développer des contrats. Sans doute, certains n’ont pas compris que le réseautage reste un excellent moyen pour multiplier ses connaissances car les contacts individuels et les conférences sont autant d’occasions d’élargir des carnets d’adresses.
Aujourd’hui, le champ d’intérêt d’une bonne partie de la population se résume aux faits divers de la société, ceux-là mêmes qui inondent les réseaux sociaux et qu’affectionnent les internautes. On a eu droit ces derniers mois à l’épisode Bruneau Laurette et tout le débat autour de son arrestation. Actuellement, c’est l’affaire Franklin qui prend le relais avec son lot de révélations, s’ajoutent une blague qui devient une affaire nationale ou encore la construction d’une plateforme religieuse qui fait débat. Et demain, probablement, une énième affaire d’infidélité qui tournerait au drame.
Visiblement, on est loin des discours de la grand-messe suisse.
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