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Ça pue ! Qui donc blâmer ? : Ceux qui ouvrent la poubelle ou ceux qui la remplissent ?
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Ça pue ! Qui donc blâmer ? : Ceux qui ouvrent la poubelle ou ceux qui la remplissent ?
L’odeur de pourriture semble être partout. On ne parle plus d’odeur suggérée en toile de fond, ou d’une vague impression captée sur la brise, qui évoque des cadavres ou des mensonges en amont. Le choc est de plus en plus brutal, frontal et violent.
Prenez le cas de Franklin. Il n’y a pas ici lieu d’évoquer la présomption d’innocence puisqu’il a été formellement condamné en juillet 2021 dans un jugement circonstancié comme le «commanditaire» d’un important trafic de zamal entre La Réunion et Maurice, ce trafic ayant débuté à la mi-2017 déjà. Le jugement ne provient pas d’un pays douteux comme le Nicaragua ou le Myanmar. On notera, par ailleurs, que le zamal n’est pas aussi toxique, voire aussi dévastateur, que le synthétique ou l’héroïne. Mais jusqu’à preuve du contraire, la loi reste la loi, n’est-ce pas, dans un État qui se veut être un État de droit !
Comment se fait-il alors que le sieur Franklin n’ait pas été du tout inquiété par les autorités locales, depuis au moins 2017 et, encore plus depuis 2021, dans ce pays dont le PM se dit pourtant engagé dans un combat total et sans relâche contre le trafic de drogue et la mafia qui va avec ?
Dans son coin modeste et non spécialisé, il semblait pourtant clair à chaque Mauricien que le pays possédait déjà toutes les lois nécessaires et tout l’arsenal institutionnel approprié pour repérer ce qui se passait et agir ! Et pourtant, la police et ses unités spécialisées, dont l’ADSU et la Special Striking Team, ainsi que leurs informateurs ; l’unité qui se dit spécialisée en détection de richesse suspecte, soit l’Integrity Reporting Services Agency (IRSA) ; l’Independent Commission against Corruption (ICAC) elle-même ; la Financial Intelligence Unit (FIU), jusqu’au 1er février courant ; les réseaux professionnels supposés rapporter des transactions suspectes à cette dernière ; les scrutateurs de radar spécialisés au bureau du Premier ministre (PMO) ; les Coast-Guards (qui étaient, par contre, apparemment présents à Grand-Bassin…) ; le Passport and Immigration Office (PIO), qui émet à Franklin un nouveau passeport alors qu’Interpol le recherche et qu’il y a un mandat d’arrêt international contre lui ; personne, je le répète, PERSONNE n’a apparemment trouvé de quoi être émoustillé par le parcours et les activités de Franklin jusqu’au début de cette année ? Il a pourtant déjà été arrêté, une fois au moins…
S’il ne s’agissait que de repérer ce qui était suspect, de faire une enquête et d’agir, le cas Franklin aurait déjà été passablement embarrassant pour les autorités qui auront été bien plus agissantes dans les cas Akil Bissessur et Bruneau Laurette, par exemple, même si ces interventions fracassantes sont, jusqu’ici, encore très entachées de doutes. Mais dans ce cas, LES AUTORITÉS SAVAIENT que Franklin avait été condamné à La Réunion ; ils SAVAIENT aussi qu’il y avait un mandat d’arrêt contre lui et qu’une demande de commission rogatoire avait été diligentée, il y a déjà plus de 18 mois! Comment se fait-il que personne ne se soit senti interpellé à agir jusqu’à l’initiative de la FIU de geler ses comptes le 1er février, quelques semaines après que l’express ne soit poursuivi par Franklin pour Rs 50 millions, pour avoir révélé ses modestes dessous d’enquête à elle ?
Si le cas franklin sent mauvais, il prend d’autant plus de relief qu’il est loin d’être isolé et qu’il s’affiche sur une toile de fond tant désolante qu’inquiétante !
La seule tentative d’explication officielle jusqu’ici est venue de l’Attorney General qui, dans une conférence de presse relayée à toute la population par vidéo, est venu surtout expliquer qu’il ne pouvait… pas dire grand-chose sans permission de la partie française, qui elle-même restait terriblement muette. Tant pis donc pour la souveraineté nationale, le devoir de transparence et le droit de la population à être informée correctement, je suppose ?
Il ne fait aucun doute que des explications demeurent requises pour tant de désinvolture et de cécité professionnelle ! Dans un État qui est supposé protéger la population de trafiquants de toutes sortes, a fortiori, de trafiquants de drogue déjà condamnés, l’épisode Franklin fait vraiment craindre le pire. Pas de quoi rassurer les citoyens honnêtes et assurer la crédibilité du pays et de ses institutions, si vous me le demandez !
Si le cas Franklin sent mauvais, il prend d’autant plus de relief qu’il est loin d’être isolé et qu’il s’affiche sur une toile de fond tant désolante qu’inquiétante !
Les dénonciations du conseiller Kishore Ramkhalawon sur les contrats de drains du conseil de district de Moka-Flacq indiquent de l’affairisme puant aussi. Or, plusieurs semaines sont maintenant passées et ni le conseil de district ni l’ICAC, ni la police ni personne ne semble avoir pris l’affaire en main. Cela n’étonnerait d’ailleurs guère que la seule personne sous pression à l’heure qu’il est… soit le whistleblower lui-même, victime de sa conscience ! Mais dans l’actualité troublante qui déferle constamment, vague après vague, les puanteurs que la population a été invitée à humer au cours de ces derniers mois, et que l’on n’a pu ni expliquer ni évacuer, s’articulent aussi autour du rapport Wakashio jamais publié, comme d’ailleurs celui de Mauritius Telecom qui devait clouer le bec au whistleblower Sherry Singh sur l’affaire SniffGate, comme d’ailleurs celui de la brave magistrate Mungroo-Jugurnath sur la mort du soldat orange, Kistnen…
Ajoutez-y, parmi tant d’autres, les délices troublants de l’enquête interminable de l’ICAC sur les terrains d’Angus Road ; le cas Molnupiravir ou celui de Pack & Blister ; le mystère qui demeure entier sur la provenance des Rs 220 millions du coffre-fort de Navin Ramgoolam et l’absence totale des politiciens de tous bords sur la nécessité de rendre plus transparent le financement des partis politiques ; la grâce présidentielle pour le moins inconvenante du fils du commissaire de police Dip (et l’opacité qui demeure pour tous les autres cas de «grâce» qui défont régulièrement le travail du judiciaire, selon on ne sait quels critères) ; les manœuvres nauséabondes qui se répètent jusqu’à maintenant pour avoir la peau du Mauritius Turf Club, l’organisateur historique des courses ; l’affaire Bet 365 ; les nombreux cas de népotisme flagrant ; la honteuse manipulation du board du Mauritius Standards Bureau et de ses règlements pour permettre la nomination de Sandhya Boygah comme nouvelle general manager – aux dépens de la personne de carrière qui faisait l’intérim ; la sidérante histoire que l’on veut nous faire avaler sur Agalega où l’Inde dépenserait jusqu’à Rs 13 milliards pour, entre autres, une piste d’atterrissage de 3 km et une jetée de 255 m pour essentiellement… mieux «connecter» nos amis Agaléens. Je m’arrêterai là pour aujourd’hui.
Mais il faut quand même rappeler, avec prudence, que si l’on ne dépendait que du Government Information Service (GIS) et de la MBC, on sentirait bien moins d’odeurs et on aurait une bien meilleure impression du pays! L’alternative, évidente pour ceux qui ont bien des choses à cacher, n’est-elle donc pas alors de rêver de pouvoir se dispenser des médias libres et indépendants pour ne plus avoir de mauvaises nouvelles, même au prix de ne plus voir clair ? Ainsi, les boycotts, le black listing et les punitions administratives diverses pour tenter d’étouffer et idéalement de «convaincre» à plus de bienveillance «patriotique»…
La vérité, il est vrai, n’est pas toujours belle à voir quand elle est révélée et, quand c’est le cas, elle va inévitablement offenser quelqu’un ou quelque intérêt. En autocratie, on contrôle cette vérité embarrassante et on la fait disparaître ! Si on fait le choix d’être en démocratie, comme apparemment ici, on ne devrait, en aucun cas, éviter la lumière tonifiante de la vérité ! Et le citoyen qui privilégie ses libertés devra donc constamment rechercher les moyens de se les préserver, notamment en soutenant ses médias libres qui éclairent. Car il ne faut surtout pas se tromper entre ceux qui remplissent les poubelles de pourriture dans l’espoir qu’on les oubliera ; et ceux qui ouvrent, de temps à autre, ces mêmes poubelles pour révéler ses puanteurs et ses commanditaires.
À chacun d’assumer ses responsabilités !
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