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Sanction contre l’Afrique du Sud, opportunités pour Maurice
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Sanction contre l’Afrique du Sud, opportunités pour Maurice
Minée par les scandales politiques, les problématiques sécuritaires et la corruption, l’Afrique du Sud – au même titre que le Nigeria – vient d’intégrer la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) en raison des défaillances dans son mécanisme de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML-CFT). D’aucuns y voient plutôt des représailles contre Pretoria qui, pas plus tard que la semaine dernière, s’est livré à des exercices militaires conjointement avec la Russie et la Chine dans son espace maritime. Quoi qu’il en soit, c’est une première étape avant que le géant africain n’intègre la liste noire de l’Union européenne.
C’est évidemment un coup terrible pour le secteur financier sud-africain qui pourrait bien voir un exode des investissements directs étrangers. Désormais, c’est un travail colossal que devra abattre l’administration Ramaphosa sur le plan réglementaire et législatif pour remettre à niveau le mécanisme anti-AML-CFT du pays. Un plan d’action qui devra être complété au plus tard en janvier 2025. À Maurice, on en sait déjà quelque chose. Les pouvoirs publics de concert avec les acteurs de la finance avaient pu adresser en un temps record les cinq déficiences stratégiques relevées par le GAFI en mars 2020. À la suite de quoi Maurice était rayé de la liste noire de Bruxelles en mars 2022.
L’Afrique du Sud fait aujourd’hui face au même test. Le gendarme financier qu’est le GAFI veillera de près à ce que les huit déficiences inhérentes au mécanisme anti-AML-CFT sud-africain soient dûment adressées point par point par le biais de réformes réglementaires et législatives avant d’envisager une sortie de sa liste grise. Autant dire que l’administration Ramaphosa a du pain sur la planche pour démontrer qu’elle est résolue à promouvoir la bonne gouvernance à tous les étages dans les institutions publiques et privées.
Le centre financier sud-africain, connu comme étant un mastodonte dans la région, est aujourd’hui clairement en pleine crise. Et pourtant, il s’en était très bien sorti depuis l’éclatement de la pandémie. D’ailleurs, sa résilience a été maintes fois louée, notamment par le Fonds monétaire international (FMI). Dans leur dernier Financial Sector Assessment Program (FSAP) sur l’Afrique du Sud rendu public en février 2022, les analystes de Bretton Woods soulignent, en effet, que le système financier du pays est demeuré robuste tout au long de la pandémie, mais que les risques sont orientés à la baisse. Tout comme dans le cas de Maurice, la force du secteur financier sud-africain repose en grande partie sur les banques, dont les actifs représentent près de 120 % du PIB (celui-ci était calculé à 419 milliards de dollars en 2021). Les fonds de pension et d’investissement constituent également une part importante du système financier, avec des actifs sous gestion représentant près de 140 % du PIB.
Même s’ils reconnaissent que dans l’ensemble, la capitalisation des banques reste comparable aux niveaux d’avant la Covid-19 malgré l’augmentation des risques de crédit, les analystes du FMI n’écartent pas la possibilité qu’en cas de stress, les banques sud-africaines soient confrontées à des déficits de liquidité. Par ailleurs, ils insistent sur la nécessité d’améliorer la mise en œuvre de l’approche fondée sur le risque en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et d’intégrer tous les secteurs couverts par les normes du GAFI concernant l’AML-CFT.
Au vu de l’interconnexion de son secteur financier bancaire et non bancaire, l’Afrique du Sud va être soumise à un stress énorme du fait de son inclusion sur la liste grise du GAFI. Pendant les prochains mois, son secteur financier se retrouvera avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête. Un éventuel exode des investisseurs étrangers entraînera sans nul doute un affaiblissement des activités des fonds de pension et d’investissement et du secteur bancaire. La situation risque d’être encore plus problématique pour l’Afrique du Sud, qui pourrait rester sur la liste des juridictions à risques élevés au-delà de 2025 si elle n’améliore pas son système de gouvernance au plus haut de l’État et ne corrige pas cette perception que la triste période de «State capture» sous le règne de Jacob Zuma est définitivement révolue. Un tel scénario serait hautement préjudiciable pour l’économie sud-africaine.
Conscient des enjeux, le ministre des Finances sud-africain, Enoch Godongwana, a réagi aussitôt après l’annonce du GAFI, vendredi dernier. Il s’est appesanti sur l’importance pour les autorités de travailler «rapidement et efficacement» tout en soutenant que le gouvernement est résolu à reconstruire les institutions qui ont été affaiblies pendant la période de capture de l’État.
Pour l’Afrique du Sud, la course contre la montre a déjà commencé. Le malheur des Sud-Africains fait toutefois nos affaires. Étant pleinement conforme aux 40 recommandations du GAFI en matière de lutte contre les crimes financiers, Maurice est désormais reconnu comme une juridiction de substance ; une plateforme financière idéale pour la structuration des investissements à destination de l’Afrique. La sanction à l’encontre de l’Afrique du Sud pourrait signifier que des investisseurs internationaux risquent de prendre leurs distances de ce centre financier et, pourquoi pas, se tourner vers Maurice.
Il y a définitivement une belle carte à jouer pour Maurice dont le centre financier est aujourd’hui le mieux coté dans la région et en Afrique en termes de transparence. Nous vivons dans une ère où les investisseurs sont devenus extrêmement précautionneux. Outre une fiscalité légère, ils recherchent une juridiction stable et transparente et où le risque politique et sécuritaire est faible. Rester dans une juridiction fichée sur la liste grise du GAFI pose une série de contraintes. Ainsi, au niveau des banques correspondantes, les procédures de due diligence sont renforcées à chaque fois qu’une transaction est effectuée à partir d’un pays figurant sur la liste grise. Ce qui n’est pas pour encourager l’investissement. De plus, la présence sur cette liste honnie accroît le risque associé au pays, avec pour conséquence une hausse des primes de risque et, par conséquent, des taux d’intérêt. Cela veut dire que les investisseurs internationaux devront supporter des coûts plus élevés. Autant de contraintes qui pourraient pénaliser lourdement le centre financier sud-africain lors des mois à venir. À Maurice de savoir mener une campagne promotionnelle intelligente.
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