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Secteur d’exportation: Les défis pour une nouvelle reprise
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Secteur d’exportation: Les défis pour une nouvelle reprise
Sans doute pour un pays à revenu intermédiaire, tourné vers l’exportation, l’importance d’un secteur manufacturier, financièrement solide et largement diversifié, s’impose. Tant comme un générateur d’emplois et de revenus, mais aussi comme un vecteur de croissance et d’innovation. Plus largement, il a été un ascenseur social favorisant la prospérité de dizaines des milliers de jeunes, hommes et femmes, dans les années 80 et 90, qui ont trouvé refuge dans le textile, devenu pendant plus de deux siècles le fer de lance de ce miracle économique tant vanté par les dirigeants de l’époque et même aujourd’hui.
Peut-on en dire autant aujourd’hui de ce secteur, dont la filière textile a connu des périodes de croissance négative avant même l’avènement du Covid-19, fortement affectée dans le sillage de la pandémie et enregistrant depuis une légère reprise. Pour autant, la réussite de ce secteur reste tributaire de plusieurs défis, tant endogènes qu’exogènes, alors que d’une année à l’autre, il parvient difficilement à attirer la main-d’oeuvre locale, les jeunes ayant pendant longtemps mis une croix sur ce créneau d’activité pour chercher d’autres opportunités ailleurs.
Le rapport économique sur le secteur d’exportation, rendu public par la MEXA lors de son assemblée générale le 15 avril, a certainement le mérite de se livrer à un état des lieux, soulignant son positionnement dans l’ère post-Covid et proposant une feuille de route pour une sortie de crise avec en perspective un nouveau départ pour une croissance durable. Réalisé par la société de service-conseil Straconsult d’Amédée Darga, ce rapport, statistiquement détaillé, rappelle le poids économique de la manufacture dans les économies européennes et émergentes.
Ainsi, si en Italie, il contribue à 25 % de son Produit intérieur brut (PIB), idem pour la Suisse, alors qu’en France il est à 19,5 % de son PIB, on relèvera qu’en Malaisie et à Singapour, il est respectivement à 23 % et 20 %. En revanche, le poids de ce secteur dans l’économie mauricienne est presque la moitié, soit à 12,1 % alors que dans les années 2000, sa performance lui donnait une meilleure contribution au PIB, près de 20 %. Évidemment, plusieurs raisons expliquent ce déclin. Les spécialistes diront que les produits Made in Mauritius sont moins compétitifs et ont perdu des parts de marché face à ses concurrents traditionnels en Asie du Sud-Est. Résultat des courses : des pressions sur les exportations. Entre-temps, on saura que la barre des Rs 50 milliards d’exportations a été franchie pour la première fois.
Partant du postulat que les exportations sont cruciales pour une petite économie insulaire comme Maurice, disposant d’une capacité de consommation intérieure limitée en raison de sa démographie et de sa forte dépendance aux importations, il va de soi, insiste ce rapport, que les exportations de biens à valeur ajoutée sont essentielles pour assurer un bon équilibre commercial, contribuant ainsi à une balance des paiements positive.
Il y a eu certes au fil des années une diversification dans la catégorie des produits exportés. Aujourd’hui, force est de constater que la filière dominante qu’était le textile il y a une vingtaine d’années, plus particulièrement la composante vêtement-habillement avec 36 % des exportations totales, n’a été réduite qu’à à seulement 23 %. Et que, dans la foulée, le cluster textile et filature, à forte intensité de capital et de technologie, a gagné en revanche du terrain, pour augmenter sa part d’exportation, passant de 4 % en 2010 à 10 % aujourd’hui. Le rapport ajoute que d’autres produits à plus forte valeur ajoutée, tels que les dispositifs médicaux, connaissent une croissance rapide, les exportations ayant plus que doublé dans les huit dernières années de Rs 697 millions à Rs 1,9 milliard.
Diversification
Quid de la diversification des marchés ? Jadis très Europecentric avec des exportations dépassant les 60 % en 2012, les opérateurs ont diversifié leurs marchés, privilégiant d’autres pays. Elles sont à 50 % en 2022 alors que la part de l’Afrique est passée de 20 % à 27 %, et celle de l’Asie de 3 % à 11 % pour la même période. Il va sans dire que l’Afrique ou plus largement les pays de la région gagneront davantage en parts de marché sur la base de nouveaux accords commerciaux couplés aux percées commerciales des entreprises dans cette partie du monde. Reste toutefois l’épineuse problématique de l’emploi des expatriés. Le président sortant de la MEXA, Arif Currimjee, a été catégorique. Le secteur d’exportation, et plus largement le pays, dépend de l’apport des travailleurs étrangers qui assurent souvent la croissance dans certains secteurs d’activité. Une rhétorique que les opérateurs se plaisent à raconter. Sans doute, il y a une part de vérité à un moment où la valeur du travail est remise en question et que, dans certains pays européens, les travailleurs sont disposés à travailler moins pour gagner moins.
L’habillement et le secteur alimentaire étant le principal employeur d’expatriés avec 75 % et 12 % respectivement, suivi du textile avec 10%, est-ce un indicateur que la main-d’oeuvre expatriée est plus requise dans des secteurs dotés d’une technologie moins intensive que ceux à forte intensité de main-d’oeuvre. Ce que l’étude a d’ailleurs prouvé. Toujours est-il que l’emploi de la maind’oeuvre étrangère comprend son lot des risques avec ceux qui décident de quitter subrepticement leur employeur pour disparaître dans la nature. Aujourd’hui, on dénombre 3 000 travailleurs étrangers qui se trouvent en dehors du radar des autorités. MEXA a plus d’une fois tiré la sonnette d’alarme.
Face à une conjoncture économique mondiale qui reste compliquée avec les risques de récession se profilant à l’horizon, suivi d’une inflation qui n’est pas près de baisser malgré la politique de resserrement monétaire, la demande sera sous la pression d’une baisse à l’échelle mondiale. Sans compter qu’avec dépréciation de la roupie qui se poursuivra en 2023, les importations des matières premières deviendront financièrement plus chères. Ce sont les défis que le secteur d’exportation sera appelé à surmonter.
Tout compte fait, les opportunités pour rebooster les exportations, insiste ce rapport, sont aujourd’hui réelles si, en contrepartie, des efforts massifs sont déployés pour attirer des investissements étrangers basés sur les marchés préférentiels qui sont déployés à travers les multiples accords commerciaux négociés par les autorités mauriciennes avec, dans le collimateur, plus de 2 milliards de consommateurs. Et les produits ciblés vont du textile à l’agro-industrie en passant par des biens de consommation ainsi que des produits d’ingénierie légère pour le marché régional.
> La vision d’Arif Currimjee
<p><img alt="" height="370" src="/sites/lexpress/files/images/arif_currimjee.jpg" width="300" /></p>
<p><em>«Je ne sais pas à quoi ressembleront nos industries d’exportation à l’avenir. Mais je sais que les changements nécessaires pour rester pertinents et compétitifs seront importants et déchirants. Cela nécessitera que de nouvelles idées soient comprises, défendues, financées et réalisées. Malheureusement, je ne nous vois pas nous diriger délibérément vers un avenir où l’innovation est la bienvenue. Bon nombre de nos institutions ont peu de compréhension du nouveau monde qui se déroule devant nous et des opportunités qu’il offre. Ils préfèrent le confort de modèles connus du passé plutôt que de travailler dur pour comprendre de nouveaux modèles d’affaires et d’opportunités, imaginer comment ceux-ci peuvent être attirés à Maurice et créer les conditions qui leur permettent de prospérer. </em></p>
<p><em>En tant que pays, passer au niveau supérieur nécessitera de mobiliser nos meilleurs esprits. Cela commence par s’assurer qu’ils ne partent pas et inciter les autres à revenir. Pour ce faire, les institutions publiques et privées doivent avoir la vision de placer les meilleures personnes dans les postes qui peuvent apporter des changements, faire confiance à leurs choix et les soutenir avec les ressources nécessaires. Alors oui, regarder en arrière sur les années passées apporte de la satisfaction quant à nos réalisations car MEXA a certainement aidé notre secteur à se consolider et à mieux se préparer pour l’avenir. Mais il y a aussi la prise de conscience de la pente du chemin à parcourir.»</em></p>
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