Publicité
Craquer le code pour libérer l’investissement
Par
Partager cet article
Craquer le code pour libérer l’investissement
Au plus fort de la crise, les entreprises étaient dans une logique de survie. Avec raison, elles se sont retranchées dans leur coquille, se bornant seulement à des investissements de remplacement afin de maintenir leur niveau de productivité et d’éviter tout décrochage pouvant mener à des pertes de marché. Quand elles se sont tournées vers les banques pour obtenir du crédit à un faible coût, c’était surtout pour avoir suffisamment de trésorerie afin d’être en mesure d’honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs salariés et de leurs fournisseurs.
Trois ans plus tard, l’économie mauricienne est à nouveau dans une phase de croissance. Les bilans des entreprises sont en nette progression depuis le second semestre. Cette reprise de l’activité économique donne du baume au cœur des entrepreneurs et des investisseurs. S’ils sont conscients que nous restons empêtrés dans un cycle de crise et que l’environnement international demeure volatil, complexe et difficile à appréhender, ils comprennent tout aussi bien que ce monde est en pleine transformation et que leur compétitivité future dépendra de leur capacité à s’adapter aux enjeux de ce siècle, notamment le verdissement de l’économie et le déploiement de l’intelligence artificielle.
S’adapter signifie adopter une posture plus offensive par rapport à l’investissement. Mais, qu’on se le dise, il n’y a pas d’investissement sans risque. D’où la nécessité d’avoir une stratégie bien pensée en considérant les paramètres financiers et les gains de productivité.
D’un point de vue financier, il est important de considérer l’environnement de politique monétaire. Pour le moment, il n’y a pas de clarté sur la fin du cycle de resserrement des conditions de crédit. Pour tout entrepreneur, ce manque de visibilité fait poser la problématique du coût de l’investissement. Déjà, le relèvement du taux directeur depuis mars 2022 a considérablement alourdi les charges financières des entreprises. Donc, avant de se lancer dans tout nouvel investissement, il est essentiel d’anticiper sur tout mouvement futur des taux d’intérêt dans le Financing cost.
Outre l’option classique du prêt bancaire ou du crédit-bail, le marché de la dette offre aujourd’hui une panoplie d’autres options parfois moins coûteuses que les start-up, PME et grandes entreprises se doivent de considérer. Le crowdfunding est l’un de ces modes de financement alternatif rencontrant un certain succès auprès des start-up et PME ces dernières années. Des plateformes comme FundKiss, Olive Crowd, Crowfund.mu et Small Step Matters ont permis aux petits entrepreneurs de lever plus d’une centaine de millions de roupies à ce jour.
Pour les grandes entreprises, les options qu’offre le marché de la dette sont plus sophistiquées et parfois moins coûteuses que le financement traditionnel. Des conglomérats comme le Groupe Cim ont, ces derniers temps, eu recours à des instruments complexes comme les obligations d’entreprise pour leur montage financier. À l’avenir, des instruments plus spécifiques comme les obligations vertes ou bleues devraient permettre aux entreprises non seulement de diversifier leurs activités, mais aussi de participer à la vision d’une économie bas-carbone, ainsi qu’à la protection et à l’exploitation du potentiel de notre zone économique exclusive.
À une échelle microéconomique, l’investissement donne les moyens à l’entreprise d’accroître sa capacité de production, de rester en phase avec les grandes mutations de l’économie et de maintenir sa compétitivité. À un niveau macroéconomique, l’investissement est cette force qui tire la croissance vers le haut. Légèrement au-dessus des 20 % du PIB il y a encore une quinzaine d’années, l’investissement national a stagné, voire a sensiblement reculé depuis. Et ce, malgré les réformes fiscales et réglementaires enclenchées depuis 2006 qui ont permis au pays de grappiller des points et de se hisser à la 13e place du classement sur la facilitation des affaires de la Banque mondiale en 2020.
En termes d’investissements directs étrangers (IDE), Maurice avait réalisé des progrès considérables dans l’ère pré-pandémique, attirant des capitaux considérables dans l’immobilier de luxe, les Tic, l’hôtellerie, les services financiers, le secteur manufacturier et l’enseignement supérieur principalement. Avec la reprise de l’économie, l’on constate parallèlement une augmentation des IDE ces deux dernières années, ceux-ci totalisant Rs 18,4 milliards en 2021 et Rs 27,7 milliards en 2022. Ici, il convient d’ouvrir une parenthèse pour souligner que la performance serait moins flatteuse si elle était ajustée au taux de change de l’euro ou du dollar.
Par contre, là où le bât blesse, c’est au niveau de l’investissement privé. De 15,5 % en 2021, l’investissement privé n’a augmenté qu’à 15,8 % en 2022, selon les derniers comptes nationaux de Statistics Mauritius. S’agissant de l’investissement public, qui est en grande partie financé par les dettes contractées par le gouvernement central auprès des institutions multilatérales, il a enregistré une hausse de 0,5 % en 2022 contre une contraction de 0,1 % en 2021. Globalement, le taux d’investissement national, mesuré en termes de formation brute de capital, était de 19,7 % en 2022 contre 19,6 % l’année précédente.
«Il est difficile d’envisager des niveaux de croissance élevés si l’on n’arrive pas à créer ce climat propice au foisonnement de l’investissement privé»
Étant donné le rapport intrinsèque entre l’investissement et la productivité, l’on peut déduire qu’il est difficile d’envisager des niveaux de croissance élevés si l’on n’arrive pas à craquer le code ; à créer ce climat propice au foisonnement de l’investissement privé. Un niveau d’investissement national autour de 20 % est trop faible si, dans cinq ou dix ans, l’on ambitionne de générer une croissance solide de 6 % ou 7 %, ce qui positionnera alors le pays durablement comme une économie à haut revenu. Pour atteindre un tel objectif, il faudra un taux d’investissement national d’autour 25 % ou 26 %.
L’un des moyens à mettre en œuvre pour craquer le code, c’est peut-être de revoir la fiscalité, comme l’a souligné Business Mauritius dans son mémoire budgétaire soumis aux autorités il y a quelques semaines. L’organisation patronale plaide pour une refonte du régime fiscal. Depuis l’introduction du Solidarity levy en 2020, Maurice a perdu son attrait et sa compétitivité du point de vue de la fiscalité. Au niveau de l’Income tax, nous avons l’une des fiscalités les plus lourdes par rapport à nos compétiteurs. Tout cela ne joue pas en notre faveur, surtout lorsqu’on sait que les autorités prônent une stratégie d’ouverture et entendent attirer les investisseurs, professionnels et grosses fortunes, d’une part, pour consolider nos piliers traditionnels comme le secteur financier et les nouvelles technologies et, de l’autre, pour développer les secteurs émergents, à l’instar des biotechnologies, de l’économie bleue ou de la Silver economy.
Publicité
Les plus récents