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Un Budget porteur d’espoirs
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Un Budget porteur d’espoirs
C’est la dernière ligne droite avant le grand oral de ce vendredi. En avance sur son calendrier, ayant enclenché le processus des consultations pré-budgétaires depuis le 14 mars, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, entend capitaliser sur la dynamique de reprise. Il se fixe l’objectif de créer les conditions pour permettre à l’économie mauricienne de générer une croissance solide de 5 % en moyenne lors des prochaines années. Mais ce n’est pas à coup d’artifices ou d’annonces politiques tonitruantes qu’il insufflera la confiance aux agents économiques. Pour fédérer les décideurs autour du programme socio-économique gouvernemental et les inciter à investir dans la nouvelle économie, il faudra agir simultanément sur les leviers de l’offre et de la demande au travers de mesures structurelles et conjoncturelles, tout en veillant de près aux paramètres financiers, c’est-à-dire garder la dette publique autour des 80 % du PIB et ramener le déficit budgétaire au plus près des 3 %.
Ayant laissé pantois plus d’un à la suite de son annonce qu’il avait réussi un budget en équilibre lors de l’exercice budgétaire 2020-21 à la faveur d’un transfert de Rs 60 milliards de la Banque de Maurice vers le Consolidated Fund, Renganaden Padayachy a certainement gagné en sagesse. Dans le fond comme dans la forme, son Budget devra faire preuve de sérieux.
Sur le plan de la philosophie budgétaire, le Grand argentier a le mérite de rester cohérent d’un budget à l’autre. Pétri des idéaux socialistes de Michel Rocard et de Pierre Mendès France, Renganaden Padayachy est un homme de conviction. Aujourd’hui, il épouse pleinement la conviction de Jacques Attali selon laquelle il faut réinventer le libéralisme économique et promouvoir un modèle de développement plus inclusif et plus durable. C’est ce que l’éminent économiste français appelle l’économie de la vie, une approche au progrès humain et économique, plaçant en première ligne la santé, la gestion des déchets, la distribution d’eau, l’alimentation, l’agriculture, l’éducation, l’énergie propre, le numérique, le logement, la culture, entre autres. Un leitmotiv repris par Renganaden Padaychy pour qui la prospérité durable est une prospérité partagée et qui n’a pas manqué une occasion de critiquer la théorie du ruissellement portée aux nues par Rama Sithanen.
Son dernier discours budgétaire intitulé «Avec le peuple, pour le peuple» traduit d’ailleurs cette volonté de placer l’homme au cœur du développement. La loi de finances 2022-23 reposait sur un triple objectif : le renforcement de la croissance et de la résilience face aux chocs futurs ; l’accélération de la transition vers un modèle durable et inclusif ; et l’investissement dans la population.
«Le ministre des Finances devra trouver le bon équilibre entre les mesures structurelles nécessitant l’affection de dotations budgétaires et les mesures conjoncturelles pour stimuler l’environnement des affaires»
Pour le pénultième budget de cette mandature, le ministre des Finances ne va sans doute pas départir de sa philosophie. Pour placer l’humain au centre du développement, il pourrait utiliser à fond le levier de la demande. Autrement dit, il s’agira de recourir à l’arme fiscale pour rétablir le pouvoir d’achat du Mauricien. À quoi s’attendre ? Est-ce que le ministre des Finances va ponctionner des fonds de la trésorerie publique pour renflouer le Price Stabilisation Account de la State Trading Corporation, qui accuse un déficit de Rs 4,7 milliards pour permettre une baisse du prix des carburants ? L’adoption d’une telle mesure est tout à fait plausible. Parallèlement, il faudrait revoir la structure du Price Stabilisation Account.
Le gouvernement pourrait également jouer pleinement la carte populiste en décidant de concrétiser dès l’exercice 2023-24 sa promesse de porter la pension de vieillesse à Rs 13 500. Envisager une telle perspective est tout sauf une ineptie. Car le procès en appel de Suren Dayal contestant l’élection de Pravind Jugnauth, de Leela-Devi Dookun et de Yogida Sawmynaden sera entendu par le Privy Council à partir du 10 juillet. Si les Law lords donnent gain de cause à Suren Dayal, cela signifiera que l’élection du Premier ministre sera invalidée, ce qui implique des élections législatives anticipées. Une telle éventualité ne saurait être occultée. Le calendrier judiciaire pourrait ainsi pousser le ministre des Finances à précipiter l’augmentation de la pension de vieillesse. Cette mesure, qui grèvera considérablement les finances publiques, aura le mérite d’influer sur la demande et participera à la politique de relance par la consommation. Mais elle est surtout électoraliste. Les personnes âgées représentent environ 18 % de la population. C’est un bassin électoral dans lequel le gouvernement compte puiser en vue des prochaines échéances électorales. Jusqu’où ce Budget sera exploité comme un instrument politique ?
La relance de l’économie passera aussi par des mesures de court terme et de long terme pour dynamiser l’appareil productif. Pour activer le levier de l’offre, le ministre des Finances devra trouver le bon équilibre entre les mesures structurelles nécessitant l’affection de dotations budgétaires et les mesures conjoncturelles pour stimuler l’environnement des affaires.
Après trois années de crise mondiale, l’économie mauricienne a été considérablement amoindrie. Si les secteurs traditionnels, à l’instar de l’industrie manufacturière, du tourisme et des services, affichent une belle santé, il n’empêche qu’ils doivent être soutenus pour améliorer leur compétitivité à court terme. Dans le même temps, l’on doit leur donner les moyens de se réformer et de se diversifier, que ce soit en termes de produits ou de marchés.
Quand on parle de vision sur le long terme, cela concerne également les investissements dans les pratiques durables en vue de renforcer notre résilience alimentaire et énergétique. À ce sujet, la décision du gouvernement de donner enfin son feu vert au National Biomass Framework est à saluer. Ce mécanisme est appelé à jouer un rôle crucial dans la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Grâce à un prix garanti comme rémunération pour la bagasse pendant la coupe et pour d’autres formes de biomasse comme la paille de canne pendant l’entrecoupe, les Independent Power Producers pourront envisager d’investir dans leurs centrales thermiques. Le National Biomass Framework va activement participer à la stratégie nationale d’éliminer le recours au charbon et de produire jusqu’à 60 % de nos besoins en énergie à partir d’énergies renouvelables à partir de 2030. Le ministre des Finances donnera certainement plus de clarifications sur la formule de rémunération aux petits planteurs et usiniers dans le Budget.
Les attentes du secteur privé portent également sur le solutionnement de la pénurie de main-d’œuvre. Un problème qui touche aujourd’hui tous les secteurs économiques et qui résulte du fait qu’un certain nombre de Mauriciens rechignent à occuper des postes vacants. La solution réside dans le recours à la main-d’œuvre étrangère. C’est un sujet sensible auquel le gouvernement doit avoir le courage de s’attaquer.
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