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Problèmes d’image
La déferlante sur le pays, de scandales et d’affaires diverses, est évidemment inquiétante en elle-même puisqu’elle révèle une dérive constante par rapport aux normes sociétales auxquelles l’opinion publique locale est en droit de s’attendre.
Que l’on puisse, par exemple, faire acheter du Molnupiravir à des prix dopés par un facteur de dix est déjà indigeste. Que l’enquête bifurque en route de manière irrationnelle pour trouver un unique bouc émissaire et exonérer – c’est le but apparent de la manœuvre – les véritables responsables, relève de l’inacceptable. La seule saving grace en la circonstance, c’est qu’une magistrate, s’accrochant heureusement au bon sens et à la raison, refuse de suivre et de faire l’apologie d’une enquête qui ne sent décidément pas la rose…
Il y a dans le sillage de cet exemple, des habitudes à remettre en question au ministère de la Santé, des leçons à tirer sur les dangers des high-powered committees et des high-powered people, surtout en situation d’«urgence» ; et il y a sûrement des claques à donner sur la façon de conduire une enquête à l’ICAC. Tout cela étant clairement nécessaire pour ne pas récidiver et ainsi espérer préserver un tant soit peu de ce qui reste de notre dignité face à la probabilité d’un nouveau scandale.
Mais le propos du jour est ailleurs et concerne l’image qui s’en dégage pour le pays, ses habitants d’abord, pour sûr, mais aussi pour ceux avec qui nous avons des relations à l’étranger.
Quand un pays décide d’accueillir un Sobrinho ou un Agliotti les bras ouverts, c’est que quelqu’un, quelque part, prend la décision que ce que cela pourrait rapporter au pays (et à certains, en particulier !) à court terme, l’emporte sur ce que cela pourrait en coûter au pays en termes d’image ! Or, on a généralement tort de privilégier le gain à court terme en risquant sa réputation et son prestige à plus long terme !
Ainsi, après l’erreur de l’accueil initial, notre pays a eu le mérite de faire comprendre à ces deux-là de ne plus revenir, ce qui passe un message clair et net aux pourris de la planète qui auraient pu prendre l’exemple d’un accueil chaleureux et prolongé pour n’importe quel avatar de Sobrinho, pour une véritable bande annonce…
La dénonciation publique des pourris, qu’ils soient mauriciens ou expatriés, est nécessaire si l’on veut aspirer à être une icône de probité. Il n’y a pas de compromis possible quand les faits sont établis beyond reasonable doubt !
Prenez le cas de JPMorgan Chase qui va bientôt devoir aligner quelque 290 millions de dollars (ce qui fait 13,3 milliards de nos roupies !) pour arrêter les procès qui lui sont intentés par les victimes de Jeffrey Epstein (à ne pas confondre avec Brian Epstein, le génial manager des Beatles…). Ces victimes étaient, à l’époque de belles jeunes filles, très souvent encore imberbes ou presque, que l’on dévoyait au profit des amis d’Epstein, ce qui a mené à des accusations de pédophilie, à sa deuxième arrestation, après celle de 2008, et à son suicide en prison en 2019. Sa rabatteuse principale, Ghislaine Maxwell, fille de Robert Maxwell qui s’est lui aussi probablement suicidé après avoir pillé le fonds de pension de son groupe de presse le Daily Mirror, a, quant à elle, été condamnée à 20 ans de prison pour son ‘travail’ au profit d’Epstein et de ses amis qui comprenaient, entre autres, Donald Trump, Bill Clinton, le prince Andrew et même, étonnamment… Stephen Hawking.
«Cette île, la nôtre,qui se croit souvent être le centre et le modèle du monde, accumule depuis un certain temps déjà, une abondance de comportements dissonants qui fait que nos ‘amis’ de par le monde, rejoignent la majorité de nos citoyens ; interloqués, stupéfaits, catastrophés !»
JPMorgan avait pourtant été prévenue du style de vie d’Epstein tant à l’interne que par des clients, mais elle avait choisi de privilégier les gains à court terme d’un client fortuné qui, à sa mort, alignait des actifs de 600 millions de dollars et qui avait accès à des douzaines d’autres multimillionnaires influents. Ce n’est qu’en 2013 que JPMorgan se fera chiper son client par la Deutsche Bank qui, de son côté, finira aussi par payer 75 millions de dollars aux victimes ainsi que 150 millions de dollars de plus aux régulateurs de New York pour ne pas avoir sévi contre M. Epstein plus tôt ! Voilà deux banques sérieuses dont la réputation a été entachée à tout jamais, pour des gains à court terme marginalement juteux… et finalement coûteux
L’image du Qatar ou de Dubaï est aujourd’hui au moins partiellement ancrée sur l’exploitation éhontée de la main-d’œuvre importée dont on saisit les passeports et qui vivent dans des conditions sous-humaines. L’image des États Unis a été graduellement érodée ces dernières années par les outrances de Trump. Les Ouïghours et Hong Kong écornent l’image reluisante d’une Chine forte qui a émancipé de la pauvreté, plus de 800 millions de ses citoyens en 40 ans. Les Émirats Arabes Unis, dont Dubaï, vont certainement souffrir de se retrouver maintenant sur la liste grise du GAFI*, comme nous-mêmes il y a peu. Le Myanmar évoquera, pour de nombreuses personnes et pour longtemps encore, le viol de la voie démocratique incarnée par Aung San Suu Kyi. Qui croit que les Britanniques ne vont pas ‘perdre des points’ après la cacophonie de Johnson, de Truss et du Brexit ? L’Inde, pour tout le progrès qu’elle concrétise, va trouver difficile de se dépêtrer de son image d’héritière du RSS et du Jana Sangh avec sa persécution et son refus répété de protéger des minorités.
De même, quels que puissent être les gains à court terme de vouloir maquiller l’assassinat de Kistnen en suicide ; ou de farfouiller pendant des mois avant d’arrêter Franklin, pourtant déjà condamnéà la Réunion pour trafic de drogue ; ou de renvoyer, une fois encore, les élections municipales ; les dégâts causés à notre image nationale, tant immédiatement qu’à terme, sont substantiels, vont nous coûter et vont perdurer ! Quand, de plus, on peut trouver chez un policier des mandats d’arrêt pré-signés par un de ses supérieurs (!) ou que l’on peut voir des vidéos de torture policière ou de planting, que la tentative soit réussie ou pas ; ou encore entendre des échanges apparemment avisés sur l’existence de policiers ripoux ; ou encore lire d’une autre arrestation d’un ‘mal-vu’ sous une ‘charge provisoire’ un peu tirée par les cheveux ; on peut commencer à craindre le pire pour nous aussi ! En sus de cela, quand les enquêtes que l’on commandite sont souvent incestueuses (comme celles de la police enquêtant sur ellemême) ou que les rapports de commissions d’enquête ne sont pas publiés (dialysés, Wakashio, remorqueur SGD…) ; ou que les enquêtes traînent anormalement (Angus Road, par exemple) ; on passe le message que nous privilégions l’opacité, voire les ténèbres, plutôt que la lumière !
Pour compléter notre image, citons aussi l’opinion de VDem ou du département d’Etat américain, même si l’EIU insiste toujours pour nous cataloguer comme l’unique full democracy d’Afrique, nous déclarant même la 21e meilleure démocratie du monde, avant – tenez-vous bien – les États-Unis (31e ) ou la France (22e ) ! On perd quand même deux places dans leur classement 2022…
Car il y a une discordance majeure entre les faits décrits ci-dessus et nos prétentions d’île paradisiaque, disant ne pas comprendre pourquoi nos jeunes veulent émigrer (et que l’on tente de retenir avec Rs 20 000 en cadeau à l’âge de 18 ans ?), d’île bénie des dieux souhaitant attirer des touristes de qualité, des retraités paisibles et sans histoire, des acheteurs vertueux d’IRS ou de nouveaux investisseurs productifs et kasher. Cette île, la nôtre, qui se croit souvent être le centre et le modèle du monde, accumule depuis un certain temps déjà, une abondance de comportements dissonants qui fait que nos ‘amis’ de par le monde, rejoignent la majorité de nos citoyens ; interloqués, stupéfaits, catastrophés !
Le déficit d’image, cela se paie comptant, malheureusement !
Quels que puissent être nos succès passés ou la beauté de nos paysages ou encore les ambitions et les illusions de nos budgets annuels !
* https://www.icij.org/investigations/ pandora-papers/pandora-papers-reveal-emiratiroyal-families-role-in-secret-money-flows/
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