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Léker fer mal !
Me Akil Bissessur a été arrêté avec sa compagne, Mlle Moheeputh et son frère Avinash, le mardi 20 juin. Ils ont, tous les trois, été maintenus derrière les barreaux jusqu’au lundi 26 juin quand, peut-on maintenant présumer après la conférence de presse des Avengers de mardi, le Directeur des poursuites publiques (DPP) n’a pas objecté à leur remise en liberté sous caution, au vu des éléments de preuve que Rama Valayden et ses collaborateurs ont soumis directement au bureau du DPP.
Nous ne connaissons pas encore, à ce stade, ce que contient le dossier de la police qui, soit dit en passant, ne semble pas s’être pressée pour, ne serait-ce que prendre une première déclaration des trois accusés… d’importation de pilules d’ecstasy.
Mais le scénario de départ est qu’un facteur, arrivé sous les fenêtres de Me Bissessur, insiste pour lui remettre un colis venu d’Allemagne et qu’il refuse cependant, mordicus, d’en prendre livraison. Les colis postaux, on va les chercher à la poste généralement, n’est-ce pas ? Ce colis contenait apparemment 1 022 pilules d’ecstasy évalué par la police à Rs 2 millions. Or la controlled delivery, qui pourrait désormais prendre un tout autre sens dans ce pays, n’a pas eu lieu et ne comportera donc, ni empreintes, ni ADN des trois protagonistes, ce qui, dans une cour de justice, pourrait ne pas être terriblement efficace pour épingler, faire maintenir au frais, et faire condamner ! D’autant que, nous révèle Rama Valayden ce mardi, Me Bissessur aurait déjà reçu dans le passé, au moins 17 avis de réception d’un courrier postal de l’étranger et dont, rendu méfiant depuis ses dernières arrestations et la déclaration du PM qu’il se trouve clairement «sur son radar», il refuse obstinément d’en prendre livraison aussi, n’ayant apparemment jamais rien commandé !
En passant, une petite recherche sur l’Internet (*) indique qu’une pilule d’ecstasy, la pilule de l’amour, dit-on, parce que quand on l’avale on aime tout le monde qui passe, y compris ses ennemis, vaudrait en 2023, seulement 10 euros (environ Rs 51). La marchandise du colis ne représenterait donc pas Rs 2 millions, mais quatre fois moins ?
« On aime ou on n’aime pas mes Valayden et Teeluckdharry et le travail un peu théâtral des Avengers, mais ce qui est certain, c’est que ce sont des hommes de courage qui s’investissent au prix de leur propre confort et éventuellement de leur sécurité personnelle. »
Le téléphone «cloné» représentait dès lors une pièce à conviction absolument clé.
Cependant, selon l’enquête de Valayden et des siens, une vidéo existe qui montre que l’on retrouve, de manière étonnante et presque magique, ce téléphone dans un tiroir pourtant déjà minutieusement fouillé quelques minutes plus tôt, ce qui laisse évidemment planer un doute horrible de planting… Cette vidéo serait déjà aux mains du DPP et a été maintenant proposée à la police en échange de celle que dit avoir fait celle-ci lors de sa perquisition. On se souviendra toutefois que la vidéo filmée par la police lors de l’avant-dernière arrestation de Me Bissessur en octobre 2022 au domicile de sa compagne à Palma, pourtant promise, n’a cependant, sauf erreur, jamais été remise aux avocats de la défense. On se souviendra aussi que les charges provisoires d’octobre 2022, soit celles de possession de drogue pour vente ultérieure, dans ce cas du «synthétique», ont été rayées le 28 mars dernier par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, qui a pris d’ailleurs la peine de critiquer sévèrement les méthodes d’enquête de la police. Le DPP a un point de vue indépendant et différent de celui de la police sur ce dossier et quelques autres ? La magistrature aussi, semble-t-il…
On aime ou on n’aime pas Mes Valayden et Teeluckdharry et le travail un peu théâtral des Avengers, mais ce qui est certain, c’est que ce sont des hommes de courage qui s’investissent au prix de leur propre confort et éventuellement de leur sécurité personnelle pour rassembler les faits et trouver «la vérité» ! À ce titre, il faut leur rendre hommage car, sans eux, leurs clients pourriraient encore en cellule et le pays, bien trop généralement atone et raseur de mur, conclurait qu’il faut définitivement plier le genou et subir… Même la théâtralité est excusable, la mobilisation de l’opinion publique étant souvent cruciale, quand on combat pour les libertés fondamentales et une démocratie que l’on souhaite vivante.
On aime ou on n’aime pas, on vote ou on ne vote pas pour Xavier-Luc Duval, mais voilà un chef de parti, membre d’une coalition gouvernementale qui a eu la vertu de mettre de côté les sucres d’orge du pouvoir et de démissionner pour que l’on ne puisse PAS voter le Prosecution Commission Bill de décembre 2016 qui aurait éviscéré le DPP, dont l’indépendance de décision est devenue, depuis et aujourd’hui, encore plus vitale pour le pays !
On aime ou on n’aime pas, on suit ou on ne suit pas Paul Bérenger, mais il est à la base du changement constitutionnel qui garantit, depuis 1982, que l’on ne puisse plus renvoyer les élections générales, comme on le fait allègrement pour les élections régionales, quand on est au pouvoir (**)
Ce qui se passe dans ce pays est plus que seulement troublant. C’est effrayant ! Léker fer mal, mo dir ou ! Aucun pays démocratique qui se respecte ne peut se permettre des incartades policières au point où l’on n’a plus confiance en eux ! De deux choses l’une, a priori. Soit la Special Striking Team est capable d’étayer son acte d’accusation contre Bissessur et de répondre à Valayden rapidement ; soit ses chefs – le commissaire de police et le ministre de l’Intérieur – la jugeant trop compromise et capable de les entraîner en enfer, la lâchent. Mais il existe malheureusement un troisième scénario possible, vraiment alarmant celui-là : ils sont tous compromis, s’arrêteront à peu et se porteront donc mutuellement secours jusqu’au bout !
***
La vérité, c’est qu’il y a de bonnes et de mauvaises personnes, partout et chez tous les peuples. Ainsi, quand l’on cite en exemple des expatriés qui sont «près de leurs sous», nous n’apprenons rien de nouveau. Il y a des Mauriciens aussi comme ça. S’il y a des étrangers escrocs ou trafiquants, nous avons aussi notre lot de ceux-là ! Malheureusement ! Si des expatriés préfèrent se retrouver entre eux sans aucun désir d’ouverture sur la population locale, cela n’étonnerait guère, puisque certains Mauriciens sont tout aussi tribalistes, préférant le confort ou le refuge de leur famille, leur religion, leur parti ou leur communauté.
Ces expatriés auraient cependant tort de se couper des relations conviviales possibles avec des citoyens du pays qui leur seraient compatibles. Car leur vie, rapidement factice, deviendrait probablement insupportable à la longue… Pour vivre dans un pays étranger, il faut tout de même faire un petit effort, s’investir, s’ouvrir aux autres, chercher au moins quelques atomes crochus, s’ancrer dans au moins quelques-unes des réalités du pays d’accueil, plutôt que de choisir de vivre en épiphyte parfait…
« Alors que l’ouverture de ce pays sur les étrangers devient de plus en plus nécessaire et évidente, tant économiquement que pour désenclaver nos mentalités parfois trop insulaires, il faudra nous appliquer pour nous assurer que ce relationnel soit authentique et de bénéfice mutuel. »
C’est vrai aussi à l’envers de ce décor, évidemment. De nombreux Mauriciens bien intentionnés font déjà des pas sincères d’ouverture et d’accueil vis-à-vis des étrangers et c’est tant mieux. La peur de l’autre, la critique en vase clos, l’absence de passerelles, c’est ce qui suscite souvent des incompréhensions, des caricatures et de faux procès qui peuvent mener à des accusations non avérées, à l’invective, voire pire. Vivre ensemble, tous que nous sommes, ici, comme Mauriciens, c’est déjà une belle réalité, même si imparfaite, et cela devrait nous permettre d’offrir une hospitalité bienveillante à qui la mérite et qui la recherche.
La plupart des expatriés que je rencontre sont très corrects. Qu’ils soient Français, Sud-africains, Russes ou Indiens, ils sont comme nous, même si généralement plus riches, ce qui ne devrait en aucun cas nous mener à les percevoir comme des poulets à plumer, comme le font malheureusement certains ! Qu’ils soient résidents depuis peu ou touristes d’ailleurs. Un contact établi entre deux êtres humains, qu’ils soient étrangers ou autochtones, ne peut pas fructifier s’il y a un désir cynique d’exploitation, d’un côté comme de l’autre, et donc une absence évidente de sincérité.
Alors que l’ouverture de ce pays sur les étrangers devient de plus en plus nécessaire et évidente, tant économiquement que pour désenclaver nos mentalités parfois trop insulaires, il faudra nous appliquer pour nous assurer que ce relationnel soit authentique et de bénéfice mutuel. Et je ne parle évidemment pas que d’argent.
(*) https://sante.journaldesfemmes. fr/fiches-sante-du-quotidien/ 2583068-ecstasy-composition-effetsdrogue-de-l-amour/ (**)https://lexpress.mu/article/ le-msmmmm-veut-amenderla-constitution-pour-%C3%A9viterle-renvoi-des-%C3%A9lectionsr%C3%A9gionales
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