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Bodha avant Valayden

25 novembre 2023, 08:44

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Bodha avant Valayden

Sept petits partis politiques ont décidé de se regrouper afin de se muer en un bloc national qui ambitionne d’élargir ou de diversifier l’offre politicienne aux électeurs pour les prochaines législatives. Il leur reste pratiquement un a pour sillonner le pays et sortir du confort des salles climatisées où se tiennent des conférences de presse tous azimuts. Du cadre glamour des C2P à la réalité cahoteuse et chaotique du terrain politique, il y a un fossé réel qu’il leur faut combler, des réflexes à développer, des fonds (perdus) à trouver eu égard au clientélisme dominant.

Ces partis qui se rallient derrière Linion Moris ont choisi de miser sur l’expérience relative de Nando Bodha mais aussi sur le fait qu’il est de la même caste que Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam, en forçant donc une lutte à trois au sommet de la pyramide dans une tentative de combattre les deux patronymes simultanément. Quand Nando Bodha, qui ne hérisse pas de manière épidermique les électeurs des circonscriptions 4-14 (33 sièges sur 62), se serait mesuré à la fois au Premier ministre et au leader des rouges, il passerait, si jamais il sort victorieux de cette joute inédite, la main à Rama Valayden, un politicien qui n’a pas froid aux yeux, qui n’a pas pu s’adapter au sein des partis dits mainstream, et qui est surtout populaire dans les régions urbaines.

S’il faut saluer le regroupement autour de Linion Moris, force est de constater que ce n’est pas encore Mauritius United contre les partis traditionnels ou nationaux. Roshi Bhadain n’a pas souhaité se joindre au mouvement car il veut être le leader, comme il l’est au sein de son Reform Party. On note aussi l’absence de Rezistanz ek Alternativ (ReA), dont les membres ne savent pas encore s’ils seront candidats aux prochaines législatives ou pas.

Tout dépendra en fait du «mini-amendement» pour invalider l’obligation de révéler son appartenance ethnique qui avait été voté en 2014, mais pas en 2019. Comme le gouvernement mauricien ne respecte pas la prise de position des Nations unies, et que la justice prend tout son temps pour trancher la question au niveau terminal (Cour suprême, puis Privy Council) le sort immédiat et électoral de ReA se retrouve entre les mains de... Pravind Jugnauth. Cependant, les gauchistes-écolo pourraient soutenir un bloc même si ses membres ne sont pas eux-mêmes candidats...

Manque aussi à l’appel : le tandem de One Moris qui se fait de plus en plus discret, Sherry Singh et Bruneau Laurette. Le gel des avoirs de Singh est, peut-être, une des raisons de leur mise en veilleuse, outre les intimidations de la police et les incarcérations.

Le dernier sondage Synthèses-l’express a certes révélé que 68 % des Mauriciens rêvent d’un nouveau leader. Mais l’étude note aussi que les nouveaux partis extraparlementaires n’obtiennent pas plus de 4 % des intentions de vote, bien loin des partis traditionnels et des brand names dynastiques. Si les élections s’étaient tenues pendant la période du sondage (20 septembre au 15 octobre de cette année), une majorité des électeurs auraient voté pour l’entente de l’opposition PTr-MMM-PMSD (36 %) contre 24,8 % pour l’alliance au pouvoir (MSM/ML/Ganoo/Obeegadoo).

Il importe de s’attarder sur le MSM qui demeure le parti politique préféré des sondés malgré les scandales et les décisions impopulaires (prix des carburants et des denrées alimentaires), même si son score est passé de 24,4 % à 19,7 %. Le MSM mène pour l’instant la course devant le PTr (11,0 %) alors que les autres partis demeurent des forces d’appoint, qui apportent quelques sous pour compléter la roupie du parti dominant.

En février 2021, dans le sillage de la démission de Nando Bodha du gouvernement de Pravind Jugnauth – car, expliquait-il, «les idéaux et principes fondamentaux qui m’ont guidé depuis mon engagement avec sir Anerood Jugnauth ne sont plus là, à ma grande déception» – notre journal faisait alors ressortir : «Certes, Nando Bodha n’est pas Roshi Bhadain ou Sudhir Seesungkur, encore moins Avinash Teeluck ou Vikash Nuckcheddy, car il est dans les travées depuis le début des années 80, à la naissance du MSM – et ce, après avoir négocié un ticket, en 1982, avec le MMM au n° 4 ; ticket qu’il n’avait pas eu à l’époque – et qu’il est devenu, au fil des alliances et des mésalliances, des départs et des arrivées, une colonne de l’empire Jugnauth (...) Mais la vérité politicienne, qu’il n’est pas convenable de dire ou d’écrire, c’est que Nando Bodha, outre ses qualités intrinsèques, est un Vaish, caste qui fait ou défait les Premiers ministres de notre pays. C’est la principale raison pour laquelle on l’a éloigné du centre du pouvoir, de peur qu’il ne fasse de l’ombre au fils soleil ; ou que ce dernier n’en prenne ombrage. Si le Vaish Bodha était écrasé au sein du MSM, en revanche, dans l’opposition, on l’accueille à bras ouverts...» Mais c’était à un moment où Navin Ramgoolam était au creux de la vague. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Et Bodha a donc été obligé de se rapprocher de Valayden, Sunnasy, et consorts de Linion Moris pour pouvoir aspirer au poste de PM.

Bodha, qui est passé cette semaine à l’express pour nous expliquer le sens de son combat, mise sur ceux qui ont de «bonnes intentions» et qui en ont marre de la dichotomie Ramgoolam-Jugnauth. Pour lui, il faut rassurer l’électorat avant d’entreprendre les changements constitutionnels pouvant nous mener vers une IIe République. D’où la raison de présenter Bodha avant Valayden au titre suprême...