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Budget 2024-25: Le FMI s’invite dans le débat
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Éclairage
Budget 2024-25: Le FMI s’invite dans le débat
À 48 heures de la présentation du Budget 2024-25 par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, le pays s’agite autour de cet événement phare de la vie économique du pays alors que la population, comme les années précédentes, fidèle à une habitude bien ancrée, se demande si elle peut légitimement s’attendre à une plus grosse part du gâteau national le 7 juin. Ses attentes sont devenues visiblement plus grandes cette année, face à un gouvernement sortant qui s’est déjà lancé dans une opération de charme, prêt à faire mieux pour séduire le plus grand nombre en vue des prochaines élections générales.
Cependant, cet exercice budgétaire a eu droit à un invité surprise : le rapport du Fonds monétaire international (FMI) au titre de l’Article IV, dont certaines observations sont largement exploitées, voire récupérées par le Grand argentier et accessoirement par les autres membres du gouvernement. Sans doute, à première vue, le constat peut paraître élogieux pour les décideurs économiques mais il faut se demander s’il faut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Car il faut le lire entre les lignes, savoir sentir le ton et… déceler s’il y a des critiques, voire des gifles magistrales, élégamment – ou diplomatiquement – administrées.
Le Grand argentier et ses collègues du cabinet, nommément le DPM et ministre du Tourisme Steven Obeegadoo, et celui de la Santé, le Dr Kailesh Jagutpal, ont parfaitement le droit de commenter l’état des lieux de l’économie mauricienne tel que dressé par les experts du FMI, même s’ils se sont appesantis sur les observations positives, comme la reprise économique postpandémique assortie d’une croissance de 8,9 % du PIB en 2022, tirée par la bonne performance du tourisme et du secteur manufacturier.
Personne ne conteste le fait que le FMI ait pu trouver en Renganaden Padayachy l’architecte de ce redressement économique à travers des mesures de relance dans les quatre derniers Budgets. Valeur du jour, si le timing de la publication du rapport l’arrange dans le buildup médiatique autour de son dernier Budget, tant mieux ! Et qu’il puisse dans la foulée s’en inspirer pour faire son bilan à la tête du Trésor public et rappeler les key issues qui viennent, dit-il, «valider la politique socioéconomique du gouvernement».
Aujourd’hui, à la faveur de ce rapport et de certaines recommandations, le ministre lance le débat sur la trajectoire du PIB d’ici cinq ans, soit en 2029, où il devrait franchir la barre de Rs 1 trillion. Un objectif duquel Renganaden Padayachy se rapproche et qui pourrait trouver une place de choix vendredi dans son dernier Budget et se réaliser si l’alliance gouvernementale passe le test électoral. Des économistes, comme Eric Ng, ne voient pas cela comme un exploit économique. Cela, compte tenu du fait qu’une hausse nominale moyenne de plus de 7 % du PIB chaque année, estimée en 2024 à Rs 722 milliards par le FMI, est techniquement réalisable pour atteindre ensuite mille milliards de roupies sur un horizon de cinq ans. Le hic, dit-il, est que calculer le PIB en valeur nominale ne veut absolument rien dire car il inclut l’effet inflationniste sur les produits et services, d’autant plus que le montant de cet important indicateur national est tiré à plus de 80 % par la consommation et l’endettement.
Autant le gouvernement peut se réjouir du dynamisme retrouvé de l’économie mauricienne notée par le FMI dans ce rapport, autant il ne faut pas occulter les avertissements de ce dernier ! Il y a par exemple l’urgence d’une consolidation fiscale pour reconstituer les marges budgétaires prépandémiques tout en réduisant la dette publique à travers une révision des dépenses hors-budget et en protégeant les plus vulnérables à travers une politique de ciblage. À cet effet, l’ex-ministre Sushil Khushiram a raison d’attirer l’attention du gouvernement, dans une tribune publiée hier dans l’express, qu’une «overtly expansionary fiscal stance in the forthcoming budget could have far-reaching consequences». L’économiste Rajeev Hasnah va plus loin en affirmant que «le FMI ne croit pas que la trajectoire de la réduction de la dette promise par ce gouvernement soit réaliste et qualifie le pays au contraire comme une High Sovereign Risk and Debt Sustainability».
D’ici vendredi, la population tentera de mettre un nom sur les mesures sans doute populistes que le ministre Padayachy dévoilera vendredi. Celui-ci, qui a déjà étudié dans les moindres détails les propositions de l’opposition, est condamné à lâcher du lest. Dans ses récentes déclarations publiques, il s’est fixé comme priorité un Budget qui apportera de la résilience économique, sociale et climatique. Un triptyque autour duquel graviteront les principaux axes de son Budget. S’il faut prévoir des mesures pour affronter les défis climatiques, en revanche il faut espérer d’importances annonces sur le front social et oublier les grandes réformes économiques à la veille des élections.
Pour avoir sillonné le pays, Pravind Jugnauth et son ministre des Finances ont dû entendre la détresse humaine face à la cherté de la vie. Ainsi, il est fort à parier que le Budget viendra apporter du réconfort à ces familles avec des mesures de soutien et l’intention d’aller plus loin sur le terrain social pour créer ce feel-good factor si nécessaire pour booster sa campagne électorale. De plus, le tandem Jugnauth-Padayachy s’assurera que le Budget soit électoralement vendable pour engranger des dividendes politiques le moment venu.
Quid de la marge de manoeuvre du Grand argentier ? Elle est visiblement loin d’être étroite. Deux leviers sur lesquels le ministre s’est appuyé ces dernières années pour financer ses dépenses et équilibrer son Budget, à savoir les revenus fiscaux en hausse chaque année estimés à Rs 176 milliards au 30 juin 2024 et l’endettement. Ce sera encore le cas cette année. Pour le reste, attendons le 7 juin.
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