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Budget 2024: le tandem Jugnauth- Padayachy joue son va-tout
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Éclairage
Budget 2024: le tandem Jugnauth- Padayachy joue son va-tout
C’était la dernière chose à laquelle le Premier ministre pouvait s’attendre. La démission du ministre Vikram Hurdoyal – après sa révocation – est venue enflammer la marmite politique avec des dommages collatéraux pour Pravind Jugnauth. Lui qui, depuis des mois, se plaisait à clamer sur tous les toits qu’il dictait l’agenda électoral, se retrouve subitement au pied du mur, devant composer avec un autre calendrier imposé par la commission électorale.
Visiblement, le coup de tête de Vikram Hurdoyal pousse le Premier ministre et son équipe à changer de braquet en vue de s’engager pleinement dans une nouvelle campagne électorale avec, à la clé, la conquête d’un troisième mandat. Mais en même temps, en forçant les trois partis du regroupement de l’opposition à passer à l’offensive, avec ses principaux lieutenants descendant sur le terrain, convaincus que le compte à rebours législatif a commencé et que l’Hôtel du gouvernement est potentiellement prenable.
Pour autant, la bataille sera rude avec la machinerie électorale qui n’a pas réellement été lancée dans les deux camps. Du coup, la décision de l’alliance gouvernementale de multiplier d’une part les inaugurations tant au niveau du gouvernement central qu’au niveau des collectivités locales et d’exploiter politiquement d’autre part tous les événements à caractère social et religieux, susceptibles d’engranger des dividendes politiques, s’inscrit dans cette logique électorale. À partir de maintenant, rien ne sera laissé au hasard.
Toutefois, c’est incontestablement sur l’outil budgétaire que le tandem Jugnauth- Padayachy compte s’appuyer pour faire la différence et mettre, espère-t-il, l’opposition K.-O. Certes, on dira que ce n’est pas nouveau vu que dans le passé, les gouvernements qui se sont succédé ont joué à fond cette carte avec toutefois des résultats mitigés et bien souvent, elle n’était pas nécessairement gagnante.
D’ores et déjà, les grandes manoeuvres ont commencé au bureau du Trésor public pour décider comment on va choquer l’imaginaire avec les mesures populaires, voire carrément électoralistes. Cela sans doute avec l’arbitrage de Pravind Jugnauth, qui a plus d’une fois répété qu’il va jouer les «Bolom Nwel», même après le 25 décembre et faire «labous dou». Il y a ainsi fort à parier que le couloir reliant le bâtiment du Trésor à celui des Finances vit déjà des moments d’une grande intensité, avec les équipes identifiant les mesures qui vont toucher directement le porte-monnaie de la population, toutes classes sociales et économiques confondues.
Il ne faut pas être un grand politologue pour savoir que, comme les années précédentes, les prestations sociales, plus particulièrement le quantum de la pension de vieillesse, seront une fois de plus mises en avant et exploitées comme un argumentaire de campagne. Sans doute les Rs 13 500 ou même plus, remises depuis janvier de cette année à ceux de 75 ans et au-delà, pourraient être accordées à ceux âgés de plus de 65 ans. Une manière d’honorer une promesse électorale de 2019. Mais il y aura peutêtre mieux ; des annonces qui toucheraient plusieurs segments de la population.
La gratuité de la connexion Internet, une baisse de la TVA sur certains produits, comme proposée par certains syndicats ou encore une extension des subsides sur certains articles de grande consommation, pourraient y figurer. Cependant, bien malin celui qui, à quelques semaines avant la présentation du dernier Budget, annoncera la mesure phare qui pourrait faire tiquer la population et influencer les comportements de vote.
Dans les jours à venir et à la faveur des propositions budgétaires, les revendications, les unes plus farfelues que les autres, tomberont sur la table de Renganaden Padayachy, une manière pour certains de pousser la surenchère jusqu’à l’extrême limite. Même les opérateurs privés ne se priveront pas de profiter de la générosité excessive du gouvernement et du timing de l’exercice budgétaire cette année pour défendre leur paroisse en réclamant eux aussi leurs cadeaux… fiscaux.
Jusqu’où ira Renganaden Padayachy au terme de son mandat ministériel dans la distribution des cadeaux et autres demandes, sans toutefois remettre en cause l’équilibre budgétaire et autres paramètres économiques ? Cela, d’autant plus que les économistes ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur l’impact des largesses économiques et sociales sur les dépenses publiques, voire sur la dette publique, plus particulièrement pour un gouvernement en fin de mandat. Car la propension à dépenser est grande, laissant souvent une caisse relativement vide – s’il se voit botter hors du pouvoir par la population – au détriment d’un prochain gouvernement qui devra recoller les morceaux.
Le ministre des Finances peut légitimement rappeler dans son bilan la reprise économique après le Covid en 2020 et la croissance de 8,9 % en 2022 et de 7,1 % en 2023 après une contraction de presque 15 % en 2020. Et souligner aussi que les mesures prises au début de la crise ont favorisé la confiance dans les entreprises qui, dans certains secteurs, génèrent des milliards de profits et de chiffre d’affaires aujourd’hui. Mais certains se demanderont à quel prix alors que la roupie s’est dépréciée de presque 27,5 % depuis 2019 vis-à-vis du dollar et que la dette publique a dépassé la barre de Rs 500 milliards, soit 78,6 % du PIB…
Dans son rapport rendu public au début de ce mois, Moody’s invite à la prudence et affirme que «la perspective de notation stable reflète notre attente selon laquelle le profil de crédit de Maurice restera aligné sur la note souveraine Baa3 et que les paramètres budgétaires et de la dette s’amélioreront encore, malgré les risques pour la consolidation budgétaire découlant du choc inflationniste mondial».Tout ou presque est dit dans l’analyse des experts de l’agence de notation américaine.
À l’approche de l’échéance, le débat politique prendra le dessus sur l’économie avec toute la passion, voire l’agressivité qui anime les politiciens lors d’une campagne électorale où tous les coups sont permis. Mais il ne faut surtout pas perdre de vue que Maurice n’est pas coupé du reste du monde et que des institutions internationales nous surveillent comme le lait sur le feu et que tout dérapage économique pourrait coûter cher au pays.
Ce qui n’empêche pas pour autant l’effervescence autour du prochain Budget et sur lequel le tandem Jugnauth-Padayachy s’appuiera pour jouer son va-tout lors des prochaines élections.
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