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Scrutin sous haute tension
«Bulletins déjà imprimés» et autres magouilles : Paranoïa ou craintes fondées ?
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Scrutin sous haute tension
«Bulletins déjà imprimés» et autres magouilles : Paranoïa ou craintes fondées ?
Il le répète sans cesse depuis le début de la campagne. À chaque sortie, à chaque rassemblement, à chaque meeting, à chaque congrès, le leader de l’Alliance du changement prévient, met en garde, martèle. «Li pou sey fer tou pou kokin sa eleksion-la», lance Navin Ramgoolam face à la foule. Des craintes qu’expriment également des partisans de la coalition Parti travailliste-Mouvement militant mauricien-Nouveaux Démocrates-Rezistans ek Alternativ sur les réseaux sociaux et dans la rue, car selon eux «pena sime Sanzman pa gagne si pa trik eleksion ek sa vag kinn leve-la. Morisien inn araze». Des craintes quant à d’éventuelles élections truquées, est-ce dès lors de la paranoïa ? Ontils raison de céder à la psychose ?
Il est judicieux de rappeler que, dans le sillage des élections de 2019 – marquées notamment par l’épisode T-Square et celui des votants morts mais «vivants» –, au moins trois bulletins volants avaient été retrouvés dans la nature, dans les circonscriptions n°ˢ 3 et 4 notamment. L’un d’eux avait atterri entre les mains de Shakeel Mohamed, qui avait alerté l’opinion publique. Un quatrième avait même «débarqué» au sein de la rédaction de l’express. Il venait du n°19 (Stanley–Rose-Hill), portait trois croix en faveur du MMM et avait été remis par un individu à deux journalistes, le vendredi 29 novembre 2019. Jenny Adebiro, candidate mauve, avait par la suite réclamé un recount dans cette circonscription où elle avait été devancée – pour la troisième place – d’une étroite marge par Ivan Collendavelloo ; elle avait obtenu 8 867 votes contre 8 959 pour son adversaire, soit une différence de 92 voix.
Un des bulletins de vote retrouvés dans la nature en 2019.
Ainsi, lors du recomptage en 2022, elle avait finalement obtenu 8 865 votes, contre 8 945 pour le leader du Muvman Liberater, soit cette fois un écart de 80 voix. Faits étonnants, dérangeants : comment se fait-il que les deux candidats aient obtenu moins de voix lors du recount ? En fait, on a «découvert» qu’il y avait 28 096 bulletins de vote au lieu de 28 169, soit 73 de moins. Deuxièmement, un bulletin de vote de la circonscription n°1 avait été retrouvé parmi ceux de la circonscription n°19. Enfin, deux bulletins ne portant pas le sceau du bureau du commissaire électoral avaient été retrouvés dans les urnes… Jusqu’ici, aucune explication plausible n’a été donnée à ce sujet.
Retour en 2024, cette fois avec les révélations de Missie Moustass. Dans une des vidéos postées il y a trois jours, lors d’une conversation entre Pravind Jugnauth et la voix attribuée à Rakesh Gooljaury – présenté comme «Judas promax» dans la bande sonore –, on entend ce dernier dire : «Mehdi inn call mwa yer, linn dir mwa sinial ou. (…) Li ek Seebaluck ek Wendy pe get bann recount-la, zot pou tir kominike lindi, sipa mardi. (…) Zot pou fer count-la dan SSR Porlwi, kot Champ-de-Mars (…).» Il faut savoir que le recomptage s’était tenu le samedi 29 octobre 2022, au collège G. M. D. Atchia, à Port-Louis. L’exercice avait été conduit par l’Acting Master and Registrar, Wendy Rangan. Elle était assistée de Raj Seebaluck et Mehdi Manrakhan. Il s’agissait du recomptage réclamé par Jenny Adebiro…
Le message sur la page Facebook Mauritius Labour Party No. 5 dit ceci : «250 000 bulletins déjà votés inn rant Maurice depuis l’Inde et escortés par la police dans 1 lieu secret (…).»
Un autre saut dans le passé s’impose pour mettre en lumière d’autres faits troublants relayés par notre journal dans divers articles. Le 15 janvier 2020, Roshi Bhadain s’attelait à «tir lafime dan lizie» des électeurs. Il avait démontré – sans faire exploser la calculette – que dans les circonscriptions n°ˢ 3, 5 et 18, il y avait davantage de votes validés que le nombre de votants. Se basant sur un calcul précis, le leader du Reform Party, avocat et expert-comptable, avait totalisé le nombre de voix obtenues par chaque candidat. Chiffre qu’il a divisé par trois – puisque chaque votant désigne trois candidats. Il a ensuite comparé le résultat obtenu au nombre de votants officiellement déclarés par la commission électorale le jour du scrutin.
Anomalies
Résultat des courses : dans les circonscriptions n°ˢ 3, 5 et 18, il n’y avait pas de votes invalides – fait exceptionnel en soi – mais le nombre de votes comptabilisés dépassait la formule (nombre de votants x 3), ce qui démontrait qu’il y avait plus de bulletins que de votants annoncés par la Commission électorale… Cette dernière n’a jamais répondu aux arguments de Roshi Bhadain. Après avoir publié de nouveaux chiffres sur le nombre de votants – qui «corrigeaient» les anomalies relevées par ce dernier, elle avait choisi de livrer bataille sur la forme du procès en arguant que la formule de Judicial Review qu’avait choisie le leader du Reform Party n’était pas appropriée. C’est sur ce point précis que le leader du Reform Party a perdu deux fois en cour et il n’a pas fait appel au Privy Council.
Un avion-cargo sans hublot est arrivé à Maurice à 15 h 05, le dimanche 3 novembre, et il a décollé plus tard, à 17 h 15.
On en vient à 2024 et on y reste. Parmi les allégations faites par des internautes : «Bannla pe aste kart idantite Rs 20 000 pou al vot dan plas elekter, pa vann zot konsians!» Puis, avant-hier, apparaissait sur la page Facebook du Mauritius Labour Party N°5, le message suivant : «Breaking News – 250 000 bulletins déjà votés inn rant Maurice depuis l’Inde et escortés par la police dans 1 lieu secret… fer sa vinn viral.» Est-ce qu’il y a vraiment matière à crier au loup ? Pour tenter de contrer d’éventuelles fraudes ou magouilles, l’Alliance du changement a mis en place une unité de surveillance spéciale… «Ena pou dir parano, me ou krwar si enn boug kapav ralenti internet ek blok rezo sosio, li pa pou rod trike? Nou pe fer tou pou zot pa kapav triyange. Nou pe form bann azan, pe reget tou bann landrwa kot bizin vey bwat, kouma pou fer pou swiv kamion tousala», confie une source qui travaille au sein de ladite unité. D’autres mesures ont été mises en place, mais elles ne peuvent être divulguées, «sinon bann-la pou fini konn nou bann taktik». Notre source demande en outre aux électeurs d’alerter la presse ou les agents sur le terrain s’ils détectent une anomalie le jour du vote ou du dépouillement. «Pa lapolis!» De plus, certains internautes allèguent que trois boîtes seraient gardées à Résidence Tôle, Quartier-Militaire (n°8).
Quid des craintes autour des 250 000 bulletins «pré-imprimés» ? S’il n’y a pas de preuves tangibles à ce propos pour l’instant, une source nous informait, vidéos et coordonnées à l’appui, il y a quelques jours, de ceci : «Cet avion est un avion-cargo qui n’a ni fenêtre ni hublot. Il est arrivé à Maurice à 15 h 05, le dimanche 3 novembre, et il a décollé plus tard, à 17 h 15. Il existe une application appelée Radar 24 qui permet de suivre les mouvements de tous les avions dans le monde sur le radar. Mais celui-ci n’est apparu sur aucun radar. Je demande donc aux autorités concernées ce que cet avion est venu faire à Maurice et pourquoi il n’est pas apparu sur le radar.» Sous-entendant par-là que c’est à bord de cet avion que lesdits 250 000 bulletins auraient débarqué à Maurice… À ce propos, une autre source répond : «Il n’y a rien de suspect ; c’est un vol habituel en provenance de Durban. Soit il transportait des fruits, soit des chevaux. Il a effectué deux vols, un samedi et un autre dimanche, et des ground handlers ont géré l’opération. Donc, tout est en règle sur le plan administratif. S’il y avait eu quelque chose de suspect, il n’aurait pas atterri en plein jour et n’aurait pas été pris en charge par un gestionnaire au sol.»
Mais alors, les bulletins sont-ils arrivés par bateau ? Si tentative de fraude il y a, de quelle manière les malfrats pourraient-ils procéder, par exemple, pour insérer les faux bulletins de vote dans les urnes ? «Ena zafer plim mazik-la, me sa inn fini dir dimounn amenn zot plim. La pe tann dir zot pou koup kouran…» De quoi péter un fusible ? Le bureau de la Commission électorale a-t-il prévu des générateurs en cas de pannes d’électricité ? Qu’en est-il de cette autre info – ou intox – selon laquelle 56 000 bulletins du n°10, déjà imprimés, auraient été détruits car des noms de candidats y étaient mal écrits ?
Rabin Bhujun, préposé auprès de l’instance, a affirmé que des groupes électrogènes sont en stand-by dans certaines circonscriptions en cas de panne de courant, par exemple au n°5, où le dépouillement pourrait finir plus tard. Concernant les 56 000 bulletins du n°10, ils ont été «wrapped», scellés et cadenassés dans les locaux du Government Printing Department, a-t-il précisé. «Ils n’ont pas été détruits au cas où il y aurait des rumeurs ou contestations après et on pourra vérifier.» D’ajouter qu’il ne s’agit pas de noms mal écrits, mais qu’en fait, il y a eu un cafouillage au niveau des symboles de deux candidats indépendants.
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