Publicité

Santé publique

Cauchemar en cuisine à l’hôpital de Flacq cette fois

10 novembre 2023, 13:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Cauchemar en cuisine à l’hôpital de Flacq cette fois

Il ne se passe pas un jour sans que le secteur de la santé ne soit ébranlé par un scandale. Après la mise en lumière des conditions d’hygiène dans au moins deux hôpitaux régionaux, c’est au tour de l’hôpital de Flacq d’être au cœur de la polémique…

Il semble que les fonctionnaires en aient plus qu’assez de se taire face aux nombreux problèmes qui surgissent dans les hôpitaux régionaux à travers le pays. Après les révélations des deux députés du Parti travailliste (PTr), Ehsan Juman et Shakeel Mohamed, concernant les hôpitaux Dr A. G. Jeetoo et Brown-Séquard, qui ont même fait l’objet d’une Private Notice Question mardi par Xavier-Luc Duval, les dénonciations, photos à l’appui, se multiplient. Il en va de même pour ces photos provenant de l’hôpital Dr Bruno Cheong, à Flacq.

Selon de nombreuses sources avec lesquelles nous avons échangé, la situation était identique hier dans la cuisine de cet hôpital de l’Est, qui est utilisée pour la préparation des repas des patients et du personnel. «Le manque d’hygiène est encore plus grave ici, et nos collègues d’autres hôpitaux comme ceux de Mahébourg et de Souillac nous ont informés que ce n’était guère mieux chez eux. Malgré toutes les dénonciations, presque rien ne semble être fait pour améliorer les conditions d’hygiène», confient nos sources.

flacq 2.JPG

Tout d’abord, il y a ce seau d’huile (voir photo) d’environ 12 litres qui fait beaucoup parler. Cette huile est utilisée pendant quatre jours successifs, même si le seau est couvert de peinture (quelques retouches de peinture ont été effectuées récemment). «Ces 12 litres d’huile ont été utilisés pour la friture de près de 40 kilos de poisson chaque jour sur une durée de trois à quatre jours. Ainsi, elle est utilisée au moins quatre fois avant d’être jetée. Cependant, le problème réside également dans la manière dont elle est stockée. Ek mem si éna lapintir, zot pé kontinié servi li», indique-t-on. D’ajouter que cette pratique est courante depuis quelque temps déjà.

De plus, ce qui suscite également l’attention et le dégoût, ce sont les paniers bleus (voir photo) qui servent à stocker le pain. «Il ne s’agit pas seulement de pain destiné aux patients, mais aussi au personnel. Quand nous voyons tout cela, nous n’osons même plus manger au travail. Lapéti koupé net…»

Nos sources indiquent en outre qu’en ce qui concerne les légumes, «il est totalement vrai de dire qu’ils ne sont pour la plupart pas frais. Éna fwa telma légim-la pa bon, nou gagn per pou trap li. Ce sont surtout les patoles qui sont en souffrance !» D’expliquer, preuves à l’appui, que les différents équipements destinés à l’épluchage des légumes sont en panne depuis plus d’un an, sans être réparés. Las d’attendre, les équipements sont désormais utilisés comme des poubelles improvisées (voir photo).

Absence de détergents appropriés

Nos interlocuteurs affirment que ce grave problème d’hygiène et cette cuisine en piteux état sont dus à un problème majeur de nettoyage. Alors que lakwizinn devrait normalement être nettoyée au moins deux à trois fois par semaine par des personnes désignées, ce sont les cuisiniers (au nombre de 18 au total) qui s’attellent eux-mêmes à cette tâche. «Ce n’est pas à nous de nettoyer, mais cela se passe ainsi depuis quelque temps déjà. De plus, nous ne disposons pas des produits nécessaires, tels que les détergents appropriés. En outre, dans une cuisine, nous n’avons qu’un seul seau essoreur pour la chambre froide, la section poisson et toute la partie cuisine. Il aurait fallu avoir deux cuisines, une pour la partie non-végétarienne et une autre pour la cuisine végétarienne.»

Ehsan Juman, sollicité, affirme être au courant de la situation, car lui aussi reçoit de nombreuses photos. «Effectivement, cela ne concerne pas uniquement Jeetoo, Brown-Séquard et Flacq. C’est un problème généralisé. Malheureusement, Kailesh Jagutpal refuse d’admettre qu’il y a un problème ; donc il n’y aura pas de solution à cela. Il est dépassé, et le plus tôt il se retirera, mieux ce sera. Nous demandons également aux fonctionnaires de ne plus avoir peur de venir de l’avant quand il le faut…»

Nous avons sollicité la cellule de communication du ministère de la Santé hier au cours de la journée, concernant l’état de la cuisine à l’hôpital de Flacq. Toutefois, nous n’avons obtenu aucun retour à l’heure où nous mettions sous presse.

Des transferts déjà en cours ?

Est-ce que ce transfert fait suite à la polémique qui ronge le secteur de la santé depuis plusieurs jours ? L’on ne sait pas. Toujours est-il qu’hier, il y a eu un «change in posting» du Hospital Administrator, Veekram Gokool, qui a été muté de l’hôpital Brown-Séquard à celui de Rose-Belle, et du Hospital Administrator, Karishma Devi Munboth, qui a quitté son poste à Rose-Belle pour exercer à l’hôpital Brown-Séquard. Certains parlent d’exercice normal au sein des ministères. Le timing fait, cependant tiquer…

Le maulana Khodadin, un tout autre son de cloche

Sollicité par *l’express& hier, au sujet de la rencontre que le ministre de Santé, deux autres religieux et lui avaient eue le mardi 31 octobre, le maulana Shameem Khodadin nous a donné une tout autre version de celle de Kailesh Jagutpal. «C’est le ministre qui, par le biais d’Ismaël Rawoo, nous a convoqués pour une affaire urgente. Et nous nous sommes rendus en effet à cette ‘invitation’.» Cela, alors que Kailesh Jagutpal avait, lors de sa conférence de presse de mardi, parlé d’une «emergency», avant de déclarer que «kan dimounn vinn pou so problem personel lor la santé, mo dévwar sé resévwar zot». Cependant, le maulana Khodadin n’a pas voulu nous informer de la teneur de cette conversation. «Je parlerai le moment venu.» En tout cas, cette rencontre n’avait rien d’une consultation médicale. Quant à Ismaël Rawoo, sollicité, il a simplement rétorqué : «Je n’entrerai pas dans ces bassesses. Que chacun assume sa responsabilité.» Nous avons aussi essayé d’avoir une réaction de Kailesh Jagutpal sur les dires du maulana, mais n’avons pas obtenu de réponse de sa part.


Mauvaises conditions d’hygiène : le rapport parle de lui-même

Kailesh Jagutpal persiste et signe. Il n’y a pas eu de plainte concernant la nourriture servie dans les hôpitaux. Or, un draft de l’Internal Audit Report brandi par le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, au Parlement mardi, vient peindre un tout autre tableau de la situation dans trois hôpitaux, Dr A. G. Jeetoo, S. Bharti Eye Hospital et Brown Séquard Hospital…

Voici les points saillants de l’Internal Audit Report, en date du 11 juillet 2023. Une des observations : au moment de servir les repas, la «feuille de régime quotidien» n’était pas disponible. Par conséquent, chaque patient a alors été invité à indiquer s’il souhaitait prendre de la nourriture et le type de nourriture à servir en fonction de sa demande, et le régime du patient n’a pas été respecté. Cette simple tâche aurait justement évité la grande quantité de nourriture gaspillée dans les hôpitaux, a soutenu Xavier-Luc Duval en conférence de presse, mardi, après sa Private Notice Question sur le sujet.

Une enquête menée le 9 mars 2023 à la Catering Unit de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo a permis de découvrir que si la nourriture récupérée à partir de 11 heures était chaude, les chariots utilisés pour la distribution n’ont aucun dispositif pour la maintenir chaude jusqu’au patient. Raison évoquée : les chariots sont trop lourds à pousser. Les patients se sont aussi plaints de thé et de repas froids. Des contenants en plastique sont utilisés bien qu’ils puissent être une source de contamination de la nourriture. Un retard de 15 minutes ou plus a aussi été observé dans la collecte de la nourriture. Quelques membres du personnel ont expliqué qu’ils ont d’autres tâches à effectuer en chemin vers l’unité de restauration et qu’il y a une pénurie de personnel.

Il y avait une odeur de cigarette dans certains couloirs ou à l’entrée du service de l’hôpital Jeetoo. Les patients se sont plaints que les draps de lit n’étaient pas régulièrement changés et sentaient mauvais. Les taies d’oreiller n’étaient pas disponibles dans certains cas. Dans un cas, un drap de lit était taché du sang d’un patient.

Des plaintes de la part des patients concernant la présence d’insectes ont également été formulées. Un insecte a même été vu par les inspecteurs dans l’assiette du patient. Au moment de l’audit, aucune mesure de lutte antiparasitaire n’a été prise. Les séparateurs de parois ont aussi été endommagés par les termites.

Double souci à Brown-Séquard

À l’hôpital Brown Séquard, le 21 avril, vers 7 h 45, le fournisseur est venu livrer du chouchou, des fruits à pain, des haricots verts, des oignons et de la coriandre, mais leur qualité n’était pas conforme aux exigences du contrat attribué. Les produits qui n’étaient pas acceptables ont été renvoyés aux fournisseurs. Cependant, lors de l’inspection de la chambre froide de la Catering Unit, des légumes pourris ont été trouvés. Il y avait des lalos, des margozes, des aubergines et des concombres pas frais, voire avariés. Les oignons avaient germé. De même, le 17 mai, 9,5 kg de lalos de très mauvaise qualité ont été trouvés lors de l’inspection.

«Les patients de Brown-Séquard ne sont pas en bonne santé mentale ; ils ne peuvent donc pas s’exprimer sur la qualité de la nourriture qui leur est servie. L’utilisation de légumes de qualité inférieure pourrait passer inaperçue», fait d’ailleurs ressortir le rapport. Des brèdes-songes cuits pesant 16,5 kg ont aussi été trouvés dans la chambre froide à -18 °C.

De plus, 21 morceaux de poulet cuits, un plateau de poisson cuit, un plateau de thon frit et un plateau de riz cuit ont également été trouvés dans la chambre froide. Selon un officier, certains de ces restes de nourriture seraient utilisés pour la préparation du «canjee» (une sorte de porridge de riz semiépais) pour les patients. Par conséquent, aucun aliment frais n’a été utilisé pour la préparation du «canjee» destiné aux patients.

Le manque de personnel au niveau de la gestion et de la supervision est décrié dans le rapport. Cela augmente le risque de vols, de gaspillage de denrées alimentaires et de retard dans la mise à jour des enregistrements. Une exit meeting présidé par le secrétaire permanent du ministère de la Santé, Dhanraj Conhye, en présence de plusieurs hauts cadres, s’est tenue le 29 septembre. Les nombreux points avancés dans l’Internal Audit Report ont bel et bien été au centre des discussions.