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Émeutes de février 1999

Ce qui a (pas) changé en 26 ans

21 février 2025, 16:04

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Ce qui a (pas) changé en 26 ans

Scènes d’émeutes et de pillage après le décès du chanteur Réginald Topize, alias Kaya, en détention policière à la prison d’Alcatraz, le 21 février 1999

Cela fait maintenant 26 ans que Kaya a été tué en cellule policière. Dans le sillage de son décès le 21 février 1999, Navin Ramgoolam alors Premier ministre pour la première fois avait institué une commission d’enquête pour relever les failles qui avaient mené aux émeutes de février 1999. Le rapport, publié en octobre 2000, a fait plusieurs recommandations portant sur la classe politique, la force policière et la société en générale. Plus d’un quart de siècle après, où en sommes-nous ?

Le juge Kheshoe Parsad Matadeen n’avait pas été tendre envers la force policière. Une des raisons qui avait permis à la situation de crise de dégénérer était le manque de communication et de rigueur de la police, et l’incompétence sur le terrain. Dans le rapport de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen qui avait fuité en 2022, soit 22 ans après le rapport Matadeen, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath avait utilisé les mêmes termes pour décrire la force policière. Elle avait parlé de comportements odieux de la police et avait dit que l’enquête avait été conduite de manière tellement bancale que cela représentait un nouveau niveau d’incompétence.

Toujours concernant la force policière, le rapport Matadeen faisait ressortir que la criminalité était en hausse et que la population ne s’était jamais sentie autant dans l’insécurité. Selon Statistics Mauritius, en 1999, il y avait 38 666 cas d’infractions, excluant les contraventions, qui avaient été rapportés à la police. L’année dernière, le chiffre était de 58 794. Concernant l’insécurité, en 2022, le scandale de tortures de détenus par la police avait ébranlé le pays. Sept policiers avaient été identifiés et les affaires sont toujours en cours.

Il était aussi question de réforme de la force policière depuis cette époque. Le juge Matadeen avait évoqué des verbiages faits sur la réforme de la force policière et la population attendait des résultats concrets de ces réformes. Pendant les années qui ont suivi, il n’y a pas eu de grandes réformes de la police. Le Police and Criminal Evidence Bill, qui obligerait les forces de l’ordre a vérifier toutes les preuves avant de procéder à une arrestation, entre autres, rédigé avant 2014, n’a jamais eu de suite et les arrestations arbitraires sont toujours dénoncées.

lexp - 2025-02-21T200709.552.jpg À Roche-Bois, confrontation entre des habitants et des policiers en 1999.

Autre chose qui avait été dénoncée dans le rapport du juge Matadeen était les relations incestueuses entre la politique et la religion. «Nous vivons dans une société où les prêtres se déguisent en politiciens et les politiciens en prêtres.» La promesse de l’Alliance Lepep en 2014, qui devait prohiber la prise de parole des politiciens lors des rassemblements religieux, n’a jamais été respectée. Durant les dernières années, les associations socio-culturelles de tout bord n’ont pas hésité à faire ouvertement de la politique et à afficher leur proximité avec les politiciens.

Un autre point qui avait aidé la situation à se dégrader était les forces occultes qui guettaient pour semer les graines de la division, selon le juge. L’année dernière, en pleine campagne électorale, les révélations de Missie Moustass ont mis en lumière la nébuleuse gravitant autour du pouvoir qui, à coups de conversations téléphoniques, s’affairaient à creuser les divisions communales.

Quant à la communication, le juge avait recommandé à la police d’abandonner ses réactions négatives aux requêtes de la presse afin que le public soit informé de ce qui se passe. La communication avec la police a été complexe ces dernières années. Sauf dans les high profile cases, la communication officielle avec la force policière et les autres instances enquêtrices se limitant souvent à dire qu’il n’y pas d’informations disponibles.

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