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Kronik KC Ranzé

Ce qui nous occupe et qui nous guette…

14 avril 2024, 08:15

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Ce qui nous occupe et qui nous guette…

La planète tourne et de nombreux événements importants, inquiétants et parfois stimulants s’y égrènent et s’y épellent.

Tout en haut de l’agenda, la possibilité d’une escalade de la guerre de Gaza. En effet, le 1er avril dernier, Israël lançait un missile sur le consulat iranien à Damas en Syrie, tuant sept ‘gardes de la révolution’, dont deux généraux iraniens. Ali Khamenei, le dirigeant suprême de la théocratie qu’est l’Iran, est depuis monté au créneau pour déclarer qu’Israël «doit être punie et sera punie» pour cette agression, ajoutant qu’aucune ambassade israélienne n’était désormais à l’abri…

Le ministre des Affaires étrangères de Netanyahu, Israël Katz, pour ne pas être en reste, a prévenu de son côté que si l’Iran l’attaquait à partir de son territoire, Israël attaquerait l’Iran !

Les invectives pleuvent. Les menaces aussi. Les conséquences d’une escalade de la guerre sont telles que la Russie, les pays arabes, l’Allemagne et les États-Unis, entre autres, se mettent en quatre pour essayer de calmer le jeu et de désamorcer. Dans une atmosphère surchauffée, le président Biden réaffirmait, mercredi, le soutien ferme des États-Unis à Israël face à l’Iran, alors même qu’il mettait une pression grandissante sur son allié pour un cessez-le-feu, la libération des otages encore aux mains du Hamas et l’établissement d’un nouveau corridor d’aide humanitaire via Israël. Si Israël dit avoir éliminé «plusieurs milliers» de militants du Hamas, en réplique aux massacres du 7 octobre 2023, cela s’est fait avec des dégâts considérables et inacceptables sur la population civile de Gaza. En effet, on proclame 33 000 morts à Gaza, dont deux-tiers de femmes et d’enfants, alors qu’on estime à 57 % les bâtiments détruits ou abîmés par les bombardements israéliens (75 % à Gaza City). La famine rôde.

Un des dangers très particuliers de la situation est que, même si Netanyahu est de moins en moins populaire (seuls 15 % des Israéliens souhaitent le voir demeurer comme PM après la guerre contre le Hamas), ceux qui pourraient lui succéder (le ministre de la guerre Benny Gantz ?) ne vont rien changer de fondamental, la solution de deux États étant particulièrement mise à l’écart et les implantations de colonies juives en Cisjordanie s’étant poursuivies sous tous les récents gouvernements. Gantz serait plus à l’écoute des Américains et penserait plus en tant que «militaire» qu’en termes de «survie politique», à l’exemple de Netanyahu, mais l’opinion publique israélienne reste fermement en faveur de l’élimination du Hamas et ne croit plus en la sincérité des dirigeants palestiniens. Ça promet !

À l’Ouest de l’Atlantique, la première des puissances mondiales qui, avec l’Europe, défend un pré-carré de démocraties de plus en plus restreint, fait face à des défis grandissants venant d’autocraties enracinées (Chine, Russie, Iran, Corée du Nord…) ainsi qu’à des défis internes troublants. L’ex-président Trump se donne continuellement en spectacle ; affirme toujours que les dernières elections ont été «volées» ; ne veut pas être contraint même par la Constitution ; demande à la Cour suprême de confirmer son immunité totale en tant qu’ex-president ; promet, s’il est élu, d’être un dictateur dès le premier jour ; et il est même prêt (après avoir diablement miné la credibilité des élections américaines) à détruire l’État de droit de son pays en proclamant que les 91 charges criminelles pour lesquelles il est poursuivi sont «orchestrées» par le président Biden dans une vaste chasse aux sorcières et sont sans pertinence légale ! D’autant que même s’il a mal agi selon les lois, il est, bien sûr, dans sa tête, au-dessus de celles-ci…

La pagaille qui s’ensuit est réelle et très inquiétante d’autant que jusqu’à tout récemment, Trump et Biden, les candidats à la présidentielle de novembre, étaient au coude à coude dans les sondages (*). L’influence chaotique de Trump va, entre maintenant et novembre, mettre les institutions démocratiques du pays sous une pression intense. Si Trump gagne, il a déjà dessiné les conditions de son deuxième mandat et ce ne sera sûrement pas très gai sur le plan des libertés et des principes démocratiques. Si Trump perd, il a déjà signifié que ce sera «inévitablement» parce que les élections auront été truandées et il a littéralement promis un «bain de sang».. Il a d’ailleurs déjà demontré ce dont il serait capable le 6 janvier 2021, quand ses partisans attaquaient le Congrès, pour essayer de bloquer l’élection de Joe Biden.

L’influence néfaste de Trump à la Chambre des représentants aggrave la situation du jour. La très courte majorité républicaine (aujourd’hui réduite à une seule voix après la démission de quelques républicains qui en avaient assez…), les rend extrêmement vulnérables à l’influence du Freedom Caucus d’environ 15 républicains MAGA, d’obédience trumpiste absolue et souvent des conspirationnistes irrépressibles.

Marjorie Taylor Greene, par exemple, une républicaine avec une grande gueule et moins grand esprit, est de celles-là. Elle ne s’en est jamais cachée d’ailleurs depuis qu’elle représente un district de Géorgie et qu’elle se fait régulièrement le relais des théories de QAnon…

C’est elle qui, plus récemment, fut l’instigatrice de la mise à pied du speaker de la Chambre des représentants, McCarthy. Son reproche ? Que McCarthy ait négocié un accord avec les démocrates pour voter un budget de compromis qui évitait aux États-Unis de ne plus être en mesure de payer ses factures ! Elle fut, par la suite, à la manœuvre pour barrer la route à plusieurs remplaçants possibles et finissait par soutenir le plus conservateur des républicains, Mike Johnson, qui dit ouvertement être prioritairement guidé par sa Bible !

Depuis deux semaines, pourtant, elle veut lui faire la peau à lui aussi, pour exactement les mêmes raisons, car il a proposé et soutenu un budget bipartisan qui évitait de bloquer le pays ! Pire ! Il a aussi prévenu qu’il va honorer le soutien des États-Unis à l’Ukraine après des mois de tergiversations au Congrès et Mme Greene n’est pas d’accord ! M. Johnson et Mme Greene s’abreuvent pourtant à la même mamelle, soit celle de Donald J Trump…

Cette semaine, elle demandait à la nation de se repentir devant les «messages» indéniablement envoyés par Dieu : un petit tremblement de terre de force 4,2 au New Jersey (personne de tué, aucun bâtiment écrasé) et… l’éclipse totale qui, en effet, passait prioritairement sur l’Amérique MAGA – même si cette éclipse était prévue depuis plusieurs siècles déjà !

Greene, d’abord élue en 2020, fut réélue en 2022 avec une majorité améliorée, malgré ses accusations non étayées que les vaccins anti-Covid avaient «tué beaucoup d’Américains» et malgré sa théorie que les incendies de forêt avaient été causés par des lasers dans l’espace appartenant… à la famille Rothschild !

Greene aurait pu être le symbole flamboyant d’un législatif libre de ses décisions face à l’exécutif. Malheureusement, elle n’a ni la sagesse, ni la perspicacité d’un John McCain ou d’un Joe Lieberman et elle marche invariablement aux ordres de Trump, le pouvoir exécutif alternatif… et sa partisannerie aveugle l’aura installée dans le camp de ceux qui affirment, jusqu’à maintenant, que les présidentielles de 2020 ont été «volées».

Autres exemples de partisannerie aveugle : Trump a demandé aux républicains de ne pas renouveler la Foreign Intelligence Surveillance Act 702 (FISA) qui arrive à expiration le 19 avril prochain. Cette loi permet pourtant la surveillance de tous les ennemis de l’Amérique à l’étranger ! «KILL FISA», écrivait Trump aux républicains, «THEY SPIED ON MY (2016) CAMPAIGN», ajoutait-il, ramenant typiquement toute l’affaire à sa seule personne ! Trump demandait aussi il y a trois semaines de ne pas voter une loi bipartisane pour mieux contrôler l’immigration à la frontière sud, parce que le chaos actuel l’arrangeait mieux politiquement ! La corruption de certains juges à la Cour suprême ; le trafic d’influence de Hunter Biden, mais encore plus, celui de Jared Kushner ; le pouvoir dévergondé du gros capital, sont autant d’autres problèmes qu’il faudra régler dans ce qu’ils se plaisent pourtant toujours à décrire comme le «shining city on the hill» de Reagan.

Et pendant ce temps-là, on s’occupe à quoi ici ? À réformer l’Éducation ? À rendre le port productif ? À améliorer notre démocratie ? À lire et comparer les promesses électorales ? À assurer la transparence sur Agaléga ? À publier le rapport Wakashio ? Ou celui des dialysés morts à Souillac ? À tenir pour responsables ceux qui, par incompétence, ont accablé le pays de lourdes factures (**) ?

Oh que non ! On est ici suspendu aux états d’âme d’Adrien et de Richard Duval. C’est pathétique et tellement plus dérisoire…

(*) La plupart des récents sondages donnent maintenant Biden devant Trump. Le dernier, de Reuters-Ipsos, donnant 41 % à Biden face aux 37 % de Trump, dans un ‘swing’ de 9 % depuis janvier.

(**) L'express.mu l Arbitrages et dommages: les lourdes factures des décisions gouvernementales