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Questions à… Anil Gayan, Senior Counsel, ancien ministre et membre du Muvman Liberater

«Ce seront les premières législatives où le MSM se présentera en l’absence de SAJ»

29 août 2023, 22:00

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«Ce seront les premières législatives où le MSM se présentera en l’absence de SAJ»

Anil Gayan, Senior Counsel, ancien ministre et membre du Muvman Liberater

Intégrité douteuse des nominés politiques, silence du président de la République, enquêtes concernant des affaires financières impliquant des proches du pouvoir qui s’éternisent, SST engagée dans un processus autodestructif… autant de sujets abordés par Anil Gayan. L’ancien MSM ne peut s’empêcher de comparer le fils Jugnauth au père.

Vivons-nous une crise institutionnelle comme jamais auparavant ?

Absolument. Là où l’application de nos lois et de notre Constitution arrive à ses limites et dépend de la capacité d’homme d’État, du respect des principes hérités du Royaume-Uni comme le fairplay et la générosité, il y a au contraire des abus. Jamais il n’y a eu autant de litiges judiciaires ou autres contre le commissaire de police, l’ICAC ou le speaker, entre autres. À tel point que la population commence à avoir de sérieux doutes sur l’intégrité et le professionnalisme de ces nominés politiques ou ceux sous contrat. Ces derniers ne semblent même pas intéressés à paraître indépendants. Tous recherchent leurs intérêts personnels. Seul le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) fait de la résistance et avec succès. L’ICAC est l’exemple contraire de ce que fait le bureau du DPP et voilà qu’elle est en voie d’être poursuivie par Bruneau Laurette.

En tant qu’avocat, que nous diriez-vous de la démarche du commissaire de police (CP) de contester les libérations conditionnelles de certaines personnes et, d’une façon générale, de contester les prérogatives du bureau du DPP ?

C’est du jamais-vu ! Au lieu de protéger la population contre les fléaux de la drogue, des accidents etc., la police dépense beaucoup de ressources à cibler les opposants politiques. Le CP a même eu l’audace de s’en prendre au judiciaire. Tout cela menace dangereusement notre démocratie et notre liberté. On attend toujours l’intervention du président de la République, le gardien de notre Constitution, qui à son tour protège nos institutions comme le DPP ou un individu contre toute arrestation arbitraire.

Pourquoi cet état de choses maintenant ?

Il y a une guerre d’influence motivée politiquement et personnellement. Je n’ai pas à vous donner plus de détails. En passant, on doit se demander pour quelles raisons certaines enquêtes concernant notamment des affaires financières impliquant des proches du pouvoir prennent autant de temps pour atterrir à la Financial Crimes Division et pour quelles raisons tant de renvois sont demandés. L’ICAC en particulier fait preuve d’une lenteur qui se mesure en dizaines d’années quand il s’agit d’enquêter sur les proches du pouvoir.

Pourtant, son directeur aura probablement une promotion…

Pour continuer sa tâche commencée à l’ICAC? S’il est nommé à la prochaine Financial Crimes Commission, soyez assurés qu’il en sera perpétuellement redevable envers le Premier ministre. C’est la récompense que celui-cilui offre pour ses bons services.

Votre avis sur la fameuse Special Striking Team (SST) ?

La SST s’est engagée dans un processus autodestructif. En attendant, c’est l’image de la police en entier qui en prend un coup. Et celle du gouvernement MSM qui en paiera chèrement le prix électoral. Je saisis l’occasion pour lancer un appel aux policiers et autres fonctionnaires: soyez vigilants sinon ce sera vous qui aurez, après un changement éventuel de régime, à répondre et à payer des décisions qu’on vous fait prendre.

«J’AI UN PROBLÈME AVEC LE LEADERSHIP D’IVAN COLLENDAVELLOO, SURTOUT APRÈS QU’IL A CHOISI DE DEMEURER AU PARLEMENT ET DANS LE GOUVERNEMENT MALGRÉ SA RÉVOCATION COMME MINISTRE…»

Parlons-en, des élections. Votre avis sur l’erreur de l’Electoral Supervisory Commission sur le registre électoral ?

Comment est-il possible qu’une institution constitutionnelle comme la Commission électorale n’ait pas effectué la due diligence nécessaire avant de rendre publiques ces informations ? Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de polémiques au sujet de ces salles informatiques lors des élections ? Comment voulez-vous que la population n’accepte jamaisle vote électronique ?

Votre opinion sur la politique, vous qui avez été au MMM et puis parmi ceux qui ont fondé le MSM aux côtés de feu SAJ ?

Jamais feu Anerood Jugnauth se serait abaissé à ces tracasseries que le présent gouvernement fait subir à l’opposition pour la tenue de ses congrès. Et comment le CEB a-t-il pu se laisser instrumentaliser pour couper le courant à Vacoas! En tout cas, aux prochaines législatives, le MSM se présentera pour la première fois à la population en l’absence de sir Anerood. Celui-ci avait le flair politique qui lui indiquait les limites à ne pas dépasser. J’ai écouté le discours de Pravind Jugnauth lors du congrès du MSM à Rivière-du-Rempart. Il n’a parlé que de lui en négligeant ses autres ministres. Il a aussi beaucoup invoqué feu son père. Malheureusement, ce dernier ne pourra plus rien pour lui là où il est.

Mais il faut bien qu’il y ait une relève, non ? Les vieux sont très vilipendés en ce moment d’ailleurs…

La sagesse et l’expérience sont oubliées par ceux qui demandent que les vieux prennent leur retraite politique. On a tendance à oublier l’autorité d’un vieux routier comme SAJ, dont la présence rassurait toujours. Je ne vois personne incarner cette autorité actuellement au MSM. SAJ, lui, avait le mérite de faire passer l’intérêt du pays avant des intérêts personnels quand il le fallait. Pravind Jugnauth a fait le vide autour de lui et il ne reste que des jeunes aux dents longues dans ce cercle. Vous avez vu le résultat ?

Puisque l’on parle justement de Roshi Bhadain sans l’avoir nommé, que pensez-vous de lui ?

Il parle beaucoup et seul sans avoir personne pour le remettre en question. Dans son parti, c’est un one-man show. Je pense qu’il a des ambitions démesurées. De plus, il semble faire peur à la population. Il a le temps de se ressaisir.

Et Sherry Singh, un autre jeune ?

Je ne sais pas ce qu’il a fait de mal et s’il l’a fait lorsqu’il était Chief Executive Officer de Mauritius Telecom. Ce qui est sûr, c’est que ses malheurs ont commencé lorsqu’il a quitté son poste et Lakwizinn. En raison de tous ces doutes quant à la véritable motivation des autorités à le persécuter ainsi, qu’il soit jugé le plus vite possible par une cour de justice et non par la police et les porte-voix de cette dernière venant d’une partie de la presse. En fait, tous ces high-profile cases devraient être jugés le plus vite possible, au lieu de laisser leurs dossiers tourner en boucle ou dormir dans des tiroirs à la police, à l’ICAC ou à la Financial Intelligence Unit (FIU). Sinon, la population conclura que ces affaires ne sont juste que de la manipulation de l’opinion.

Vous avez parlé de la FIU. La mettez-vous dans le même sac que la police et l’ICAC ?

La FIU peut geler les avoirs de n’importe qui sur un simple soupçon, sans même un commencement de preuve. J’ai eu un client dont les biens ont été gelés alors qu’il les a obtenus en héritage. Il existe en tout cas des velléités à abuser de ses pouvoirs, qui représentent une arme redoutable aux mains du gouvernement qui veut endommager la réputation de certains et les priver de ressources pendant de longs mois.

En Angleterre, le gel des avoirs s’accompagne automatiquement de mesures de sauvegarde permettant aux accusés de vivre normalement. À Maurice, il faut à chaque fois faire la demande au judiciaire pour des Variations Orders. Tout cela, sous les feux des projecteurs de la presse discrètement invitée à couvrir ces audiences. Vous comprenez maintenant pourquoi l’on a retiré l’Asset Recovery Agency du bureau du DPP ? Avec un changement de régime éventuel, ce pouvoir pourra être utilisé contre ceuxlà mêmes qui en ont abusé.

Changeons de sujet. Que pensez-vous de votre leader Ivan Collendavelloo? Êtes-vous toujours membre du Muvman Liberater ?

J’en suis un membre fondateur et le suis toujours. Mais j’ai un problème avec le leadership d’Ivan Collendavelloo, surtout après qu’il a choisi de demeurer au Parlement et dans le gouvernement malgré sa révocation comme ministre à la suite du scandale St-Louis et probablement aussi de l’affaire Sobrinho. Quel membre sera fier de ce genre de leader qui a fait preuve d’une soumission et d’un manque de courage extraordinaires ?