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Centre financier : la menace de GIFT City
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Centre financier : la menace de GIFT City
Une information de l’agence britannique Reuters du 9 février annonce que «DSP Mutual Fund, qui brasse USD 20 milliards d’actifs en Inde et à l’étranger, prévoit de transférer ses opérations basées à Maurice, avec USD 450 à 500 millions d’actifs, à GIFT City (Gujarat International Finance Tec- City) d’ici mars». Elle ajoute dans sa dépêche qu’aujourd’hui «il est nettement plus rentable de gérer un fonds à GIFT City qu’à Maurice et à Singapour en raison du coût de la vie, des loyers et du coût de la maind’oeuvre inférieurs». Des propos tenus par Sachin Samant, président du groupe des institutions bancaires et financières de Kotak Mahindra Bank, qui gère un bureau à GIFT City et aide les fonds à y implanter leurs opérations.
Sans doute, il ne faut pas surdramatiser cette démarche et y voir l’écroulement du centre financier mauricien, même si la menace est sérieuse et nombreux sont les spécialistes du secteur qui ont déjà tiré la sonnette d’alarme. «On l’avait anticipé déjà car the ‘writing was on the wall’. Plus particulièrement pour les sociétés qui se sont installées au début de l’offshore dans les années 90 et qui ont bénéficié du traité de non-double imposition fiscale. Avec l’amendement de ce traité et l’abolition des allégements fiscaux, il n’y a aucune attraction particulière pour ces sociétés de demeurer dans la juridiction mauricienne», analyse Ben Lim, Chief Executive Officer d’Intercontinental Trust Ltd, qui opère dans le Global Business à Maurice.
Certes, la concurrence de GIFT City ne frappe pas uniquement le centre financier de Maurice car d’ores et déjà plusieurs gestionnaires d’actifs indiens ont, selon Reuters, déclaré qu’ils proposeraient de déplacer leurs fonds offshore de centres financiers tels que Dubaï et Singapour pour le centre du Gujarat, à l’ouest de l’Inde, afin d’obtenir un meilleur accès aux marchés financiers indiens.
D’ailleurs, l’agence de presse rappelle qu’au cours des six derniers mois, environ huit des dix plus grands gestionnaires d’actifs indiens ont soit délocalisé leur entreprise ou créé de nouveaux fonds ou encore demandé un permis pour s’installer à GIFT City. Raison avancée : le régime réglementaire stable et la proximité des marchés indiens.
Narendra Modi, originaire de l’État du Gujarat, souhaite faire de GIFT City une porte d’entrée vers les capitaux mondiaux, attirant les entreprises par le biais d’allégements fiscaux et d’autres incitations. Le centre offre un allégement fiscal de dix ans et n’impose pas d’impôts sur les transferts de fonds venant de juridictions étrangères. Mieux : il n’y a pas d’impôt sur les plusvalues pour investir dans des unités implantées dans GIFT City, comme à Singapour ou à Dubaï. Mais l’ambition de Modi va plus loin : créer avec GIFT City un centre de finance durable mondiale afin de contribuer au financement des USD 10 000 milliards d’investissements nécessaires pour atteindre son objectif d’émissions nettes en 2070.
Entre-temps, des grosses pointures de la finance indienne, comme Aditya Birla Sun Life AMC, avec 3 080 milliards de roupies sous gestion, comptent également transférer leurs opérations de Dubaï et Singapour vers GIFT City.
Épicentre de la finance
GIFT City se présente donc aujourd’hui comme le nouvel épicentre de la finance globale et de la technologie, s’établissant déjà à la 67ᵉ place du Global Financial Centre Index 2023 alors que Maurice est en 81ᵉ position. À ce jour, quelque 80 gestionnaires de fonds avec des engagements de USD 30 milliards et des investissements de plus de USD 2,93 milliards ont été créés à GIFT City au cours des trois dernières années, selon les données de l’International Financial Services Regulatory Authority (IFSCA), qui réglemente les services financiers à GIFT City.
«On ne pourra pas empêcher l’exode des sociétés souhaitant quitter le centre financier mauricien en raison de l’attraction de Gift City. En revanche, il faudra voir si on pourra en attirer d’autres», affirme John Chung, Managing Partner chez KPMG, qui avait pris l’initiative, l’année dernière, de réunir autour d’une table des experts étrangers pour analyser les menaces auxquelles l’offshore mauricien est confronté face au positionnement de GIFT City à l’échelle mondiale. «Le couloir Maurice-Inde relève d’une importance capitale pour la juridiction mauricienne malgré la diversification du secteur du Global Business. Il représente plus de la moitié de fonds domiciliés. Maurice a donc tout à perdre si une mouvance des sociétés offshore vers GIFT City se précise», maintient le patron de KPMG.
Les professionnels du secteur sont catégoriques : c’est une bataille perdue si l’on pense pouvoir rivaliser avec le centre financier du Gujarat. Même si le Premier ministre Modi se plaît à vanter les liens historiques et culturels unissant nos deux pays, il va de soi qu’à la fin de la journée, ce sont les intérêts économiques de son pays qu’il va défendre, loin de l’image de Mother India associée à la Grande péninsule dans ses relations avec Maurice. Du coup, il y faudra réinventer le secteur offshore autour de nouveaux atouts susceptibles d’intéresser de nouveaux investisseurs. «Notre ‘unique selling point’ n’existe plus depuis la fin de la période de transition en 2019, suivant l’amendement au traité fiscal entre Maurice et l’Inde en 2016. Il faudra s’appuyer sur d’autres atouts pour faire la différence comme la facilité et le coût de faire du business mais aussi sur la certitude fiscale, tout en assurant la promotion de nouveaux véhicules d’investissements comme Variable Capital Company, qui peuvent intéresser les investisseurs du Global Business», explique Samade Jhummun, Chief Executive Officer de Mauritius Finance.
Une opinion que partage Ben Lim, arguant qu’il faut cesser de regarder dans le rétroviseur et se concentrer, au contraire, sur de nouvelles pistes qui peuvent ajouter de l’épaisseur à ce secteur, estimant qu’il y a un écosystème à mettre en place où parallèlement à la recherche de services pointus à proposer comme le family office, la private wealth ou encore les activités gravitant autour des Ultra-High-Net-Worth Individuals, il y ait aussi un cadre de vie à mettre en place pour les expatriés qui s’installent dans l’île.
Assurer la pérennité du secteur offshore implique la disponibilité d’un personnel qualifié pour faire face à l’offensive d’autres centres financiers, à l’instar de GIFT City. Or, l’exode des jeunes dans le secteur financier demeure une source d’inquiétude pour les opérateurs. Pour le moment, les autorités n’arrivent pas à renverser cette tendance. Les dernières statistiques de la Financial Services Commission indiquent que plus de 10 000 personnes sont employées dans ce secteur, dont plus de 5 500 dans le Global Business.
Autant de défis que le nouveau ministre des Services financiers, Sunil Bholah, devra relever pour marquer des points rapidement et se faire respecter et accepter par les opérateurs.
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