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Polémiques
Ces maux qui frappent le ministère de la Santé
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Ces maux qui frappent le ministère de la Santé
Les semaines se suivent et se ressemblent. Le ministère de la Santé est frappé par le virus de la polémique. Malversations financières, conditions d’hygiène désastreuses dans les hôpitaux, l’affaire des dialysés, pour ne citer que ceux-là. De quoi refiler un mal de crâne à Kailesh Jagutpal. Piqûre de rappel.
Souvenons-nous tout d’abord de son premier coup médiatique raté. C’était en mars 2020, lorsque le Dr Kailesh Jagutpal, psychiatre de profession, est apparu à la télévision nationale pendant deux heures; il voulait rassurer la population et dire qu’il n’y avait pas de virus du Covid-19 au pays. Or, quelques heures après, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, est venu sur la MBC pour prendre à contre-pied le ministre de la Santé en annonçant, lui, qu’il y avait bien trois cas positifs au pays et qu’il fallait fermer les frontières aériennes dès le lendemain à 10 heures, soit le 19 mars 2020.
Après le premier confinement en 2020, nous avons aussi pris connaissance de grosses malversations du ministère de la Santé. Notamment celles concernant l’affaire des respirateurs artificiels de la marque Pack & Blister au coût de Rs 476 millions qui n’étaient pas aux normes et dont l’affaire traîne toujours... en Espagne. Une information récemment confirmée par Kailesh Jagutpal au Parlement.
Il ne faut pas oublier que des contrats pour l’achat d’équipements médicaux avaient aussi été passés à des personnes/compagnies douteuses. Ainsi, Bissoon Mungroo, homme d’affaires très proche du MSM, le propriétaire de la compagnie Gitanjali Co. Ltd, avait décroché deux contrats du ministère de la Santé pour la fourniture de 200 000 masques chirurgicaux pour la somme de Rs 5 115 000 et 20 000 masques de protection N95 au coût de Rs 5 millions le 19 juin 2020. En outre, Kammal Trading Co. Ltd avait, elle, obtenu un contrat de Rs 12 336 345. Or après vérification, il s’était avéré qu’il s’agissait en fait d’une quincaillerie – qui avait le droit de vendre du ciment et des barres de fer et d’acier… et qu’elle s’occupe notamment de l’emballage de pesticides, d’herbicides et de fertilisants. Difficile aussi de passer à côté de toute la saga entourant les contrats alloués à Hyperpharm Ltd.
Il y avait également le feuilleton Bo Digital Co, qui avait obtenu un contrat pour des masques, des équipements de protection et des caméras thermiques pour la somme de Rs 308 585 400 qui avait retenu l’attention. Cette société – spécialisée entre autres dans des activités publicitaires, immobilières ainsi que dans l’importation et l’exportation – avait pour directeur un ancien footballeur, Deepak Bonomally. Le même Bonomally qui sera cité par la suite à de nombreuses reprises en cour de Moka dans l’affaire Kistnen. Justement, durant l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen en 2021, on découvrira d’autres abus concernant le ministère de la Santé, celui du commerce et de la State Trading Corporation (STC), notamment, en ce qu’il s’agit des emergency procurements utilisés pendant le Covid-19. L’affaire Molnupiravir a aussi éclaboussé en décembre 2021 le ministère de Kailesh Jagutpal. Cela grâce à une Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval. On rappelle que ce médicament devait servir à guérir les patients du Covid. Or, on a appris que les procédures n’avaient pas été strictement suivies mais plus grave encore, le ministère de la Santé avait payé le médicament dix fois plus cher. Pour rappel, le ministère a commandé 999 000 cachets de Molnupiravir au prix de Rs 79,90 par pilule alors que la veille, 800 000 cachets du même médicament avaient été commandés au prix de Rs 9,90. Encore une fois, Kailesh Jagutpal n’a pas été inquiété et a refusé de démissionner.
Ce n’est pas cette affaire qui a empêché Jagutpal de défier les règlements sanitaires en vigueur toujours en décembre. Ainsi, dans une vidéo qui a circulé fin décembre 2021, on a pu voir et entendre le ministre danser et chanter sans masque et sans distanciation sociale dans une fête alors que les Mauriciens étaient, eux, eux priés de ne pas se regrouper. Au Parlement, il avait alors donné la réplique à ses détracteurs, et le ministre avait surtout déplacé le débat vers l’aspect communal. Au lieu de justifier sa désinvolture, il s’est arrêté sur choix de la chanson. «Revenant sur le koukouroukoukou, est-ce que cette chanson en hindi est si mauvaise ? Est-ce que chanter du Kishore Kumar est interdit ? Dois-je danser la Macarena ? Je continuerai à chanter koukouroukoukou avec ma famille pour Noël et le Nouvel An. Au moins, je peux chanter koukouroukoukou...» avait-il lâché entre autres arguments.
Dialysés-victimes
Cependant, le plus gros scandale ayant frappé le ministère de la Santé jusqu’ici reste sans nul doute celui des dialysés décédés entre mars et avril 2021. Rappelons que le rapport du Fact Finding Committee n’a jamais été rendu public par Kailesh Jagutpal. Les dialysés, eux, avaient été éloignés de leurs proches, livrés à eux-mêmes avec de la nourriture non adaptée. Xavier-Luc Duval, lors d’une PNQ, avait même parlé de manque de transport, de soins, de personnel médical et d’oxygène. De plus, des dossiers n’ont pas été mis à jour et d’autres tout simplement disparu. Dans sa réponse, Kailesh Jagutpal avait pourtant reconnu, à plusieurs reprises, qu’il y a eu des manquements à différents niveaux. Mais depuis rien, aucune justice pour les familles des victimes !
Plus récemment, il y a eu l’affaire de la nourriture impropre à la consommation dans les hôpitaux – mise en lumière par Ehsan Juman et Shakeel Mohamed. Il y a eu d’ailleurs de nombreux rapports qui ont fuité à ce sujet. Hormis les conditions de stockage en souffrance, les produits périmés, la présence de rats, de punaises et de pigeons, entre autres, dans les établissements de santé publics, a été décriée. Kailesh Jagutpal s’est étendu sur le sujet au Parlement, lors de conférences de presse et sur les plateaux radios. Toutefois, ses explications n’ont pas toujours été convaincantes. «C’est sa façon de parler sans réfléchir qui fait qu’il s’enlise dans ses mensonges...» soutiennent des membres de l’opposition.
Dernièrement, il y a eu l’achat de boissons alcoolisées par le ministère de la Santé, qui est resté en travers de la gorge de ses détracteurs. Après avoir nié les faits, Kailesh Jagutpal a préféré justifier ces achats en soutenant que ces bouteilles étaient destinées à des fonctions visant à remercier des médecins étrangers qui venaient aider bénévolement à Maurice. Les dépenses exorbitantes pour l’organisation de fonctions officielles – dont la location de chaises en plastique et de salles à des prix incroyables – et les voyages à l’étranger de certains hauts cadres de son ministère ont aussi fait sourciller.
Ce qui dérange aussi, c’est surtout la façon légère qu’adopte le ministre lors de ses réponses parlementaires et ses conférences de presse, ses sourires figés et les attaques «qui ne volent pas très haut» contre ses détracteurs alors qu’il s’agit là de la santé de la population et même de la vie d’autrui. Concernant ses attaques, on se souvient de l’épisode Xanax au Parlement ou tout récemment quand il a accusé Ehsan Juman d’avoir un «lespri gangrené» face aux journalistes.
Des membres de l’opposition se demandent désormais quelle autre «catastrophe» Kailesh Jagutpal nous réserve pour 2024. Le tout, avec ‘l’aide’ de Pravind Jugnauth qui a affiché – comme il l’a fait pour Yogida Sawmynaden et Maneesh Gobin, et Rajanah Dhaliah, dans une moindre mesure – son soutien total à son ministre de la Santé à deux reprises rien que jeudi dernier ; une première fois à une fonction officielle à Rose-Belle et puis à Grand-Bois lors d’un comité régional...
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