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Collectivités locales
Chaos et ingérence politique
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Collectivités locales
Chaos et ingérence politique
À écouter la réponse du ministre Steven Obeegadoo, qui remplaçait le Premier ministre (souffrant) à la suite d’une Private Notice Question (PNQ) d’Arvin Boolell, le vendredi 12 juillet, sur les collectivités locales, il est clair que le gouvernement ne s’intéresse guère à y mettre de l’ordre. En mai 2023, le gouvernement a fait renvoyer les élections municipales pour la troisième fois et il annonce qu’il souhaite une réforme en profondeur au sein des collectivités locales. Quatorze mois après, Steven Obeegadoo annonce que le comité ministériel n’a tenu que deux réunions et une troisième était prévue entre le 13 et le 20. Lui seul sait s’il y a eu cette troisième réunion. Pour justifier sa réponse, il parle du temps où il y avait des commissions qui dirigeaient les municipalités !
Devant le désintérêt du gouvernement à mettre de l’ordre au sein des collectivités locales, c’est la pagaille, pour ne pas dire le chaos, qui règne au sein de la majorité des dix conseils de district et des municipalités. Ce qui se passe au sein du conseil de district de Rivière-du-Rempart démontre que le ministère des Collectivités locales n’a pas la main haute… Il se laisse diriger par un président. Subiraj Ellayah, à la suite d’une motion, se retrouve en minorité. Le Chief Executive, Rishi Kumar Nursing, avise le ministère de tutelle de la situation tout de suite après le vote. Aucune réaction de la part du ministère. Quelques jours après, Subiraj Ellayah, sur les conseils d’un homme de loi, loge une injonction en Cour suprême pour interdire le ministère de le révoquer. La cour fixe une date assez lointaine pour que le ministre ou son représentant vienne répondre au président déchu. En attendant, Subiraj Ellayah règne en maître et occupe toujours le bureau du président. Il dirige les opérations, car il estime qu’il a tout le droit de le faire. Cela s’est également passé au conseil de district de Flacq en 2023 et le Premier ministre a dû intervenir.
Un Chief Executive a confié qu’au sujet de la réforme des collectivités locales, il n’a jamais été convoqué pour aucune réunion et il estime que c’est le cas pour les autres également. Ce qui le pousse à dire qu’il ne croit pas en une réforme. Du moins pas de sitôt. Un ancien Chief Executive à la retraite soutient qu’il a travaillé au sein des différentes collectivités locales pendant plus d’une trentaine d’années, au début comme Assistant Secretary mais jamais il n’y a eu autant d’ingérence politique. «Pas nécessairement du ministre ou des fonctionnaires des Administrations régionales, mais également des ministres et des Private Parliamentary Secretaries (PPS) des collectivités qui tombent dans leurs circonscriptions. Même pour un permis de construction d’une résidence, ces politiciens font appel à nous.» Il va plus loin, en expliquant que le ministre d’une circonscription fait appel au ministre ou à un fonctionnaire des Collectivités locales qui a leur tour téléphone au Chief Executive pour faire bouger les choses.
Ashil Ramkissoon : «Un one man show à Rivière-du-Rempart»
Ashil Ramkissoon est un jeune élu pour la première fois en novembre 2021 à Grand-Gaube. Élu comme conseiller de district, il a de l’ambition et se pose comme candidat pour être vice-président du conseil de district de Rivière-du-Rempart. Il allait vite déchanter car, il découvre qu’il faut être proche des politiciens pour occuper un tel poste. Déçu, il s’en tient à son poste de conseiller et contribue beaucoup au sein de son village. Selon lui, certains villages sont favorisés par rapport à d’autres pour des projets. «Sans doute, il doit y avoir l’ingérence des politiciens pour qu’un projet puisse voir le jour.» Il dit ne pas être d’accord qu’un président reste en poste pour plus de deux ans. «Chacun doit avoir sa chance.» Il déplore aussi qu’il n’y ait pas de suivi des projets. «Je connais un cas sur l’évaluation d’un projet de construction de drains. J’estime que le conseil de district a dû débourser le double de la somme pour la construction de ces drains. Il fallait un suivi et chaque investissement aurait dû être vérifié correctement.»
Néanmoins, il dit que les habitants de Grand-Gaube apprécient son travail et pour cela, il sera de nouveau candidat et espère que les choses vont changer. Surtout pour faire face au changement climatique, car il a beaucoup d’idées pour cela.
Kreepalloo Sunghoon : «autres temps autres mœurs»
Kreepalloo Sunghoon a été président du conseil de district de Pamplemousses–Rivière-du-Rempart (1988-89). Il rappelle qu’à cette époque, il n’y avait pas autant d’intervention politicienne, «au contraire, nous tenions tête aux ministres». Il rappelle que dans son village, Triolet, il y avait un grand terrain qui a été identifié pour la construction de bâtiments publics pour offrir des facilités aux habitants dans un seul lieu. «Mais chacun cherchait sa part. Et il y avait le ministre Dinesh Ramjuttun qui a voulu qu’une portion de terrain soit allouée à une banque pour la construction d’une succursale. On a résisté, mais il y avait des lobbies, non pas des politiciens mais des sociétés culturelles et on n’a pu réaliser le projet souhaité.»
Il raconte comment l’ancien ministre des Collectivités locales, Clarel Malherbe, a dû se courber devant lui et des conseillers, car il refusait d’avancer des fonds pour le ré asphaltage des routes dites secondaires. Le ministre a dû faire face à l’intervention du Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth.
Même le ministre des Sports de l’époque, Michael Glover, n’a pu empêcher d’organiser les Jeux des Villages dans le Nord. «Nous avons sollicité des sponsors et tout était fin prêt, mais le ministre a refusé de nous accorder l’autorisation. Gaëtan Duval était vice-Premier ministre. Nous lui avons demandé d’être le président d’honneur de ces Jeux et tout s’est réalisé comme sur des roulettes. Il a cherché encore des sponsors et il a fait venir un groupe de jazz de La Réunion pour donner encore plus de cachet à ces jeux. Je me demande qui peut faire cela aujourd’hui.»
Il rappelle qu’il n’y avait pas de voiture mise à sa disposition. Il voyageait sur sa motocyclette. Et il recevait environ Rs 50 pour chaque réunion. «Malgré tout, nous avions la volonté de travailler.»
Leela Devi Allear (ancienne maire du MMM) : «Pas d’ingérence politique à l’époque»
Leela Devi Allear a été maire de la municipalité de Curepipe en 1996. Elle soutient que cette municipalité était composée de gens compétents, dont Amédée Darga, Percy Lafrance et autre Sundy Beedassy. «Quand j’étais maire, c’était Deva Virahsawmy qui était ministre des Collectivités locales. Mais autant que je me rappelle, il n’intervenait pas dans la gestion de cette municipalité. Au contraire, il nous encourageait dans nos démarches.»
Soolekha Jeepaul-Raddhoa : «Pas de problème à Quatre-Bornes»
Soolekha Jeepaul-Raddhoa est conseillère municipale de Quatre-Bornes depuis 2015. À la question de savoir si les citadins ne souhaitent pas qu’il y ait des élections, elle répond qu’elle n’entend pas cela quand elle fait sa tournée. «Oui, j’entends à la radio et lis dans la presse qu’il y a beaucoup de personnes qui demandent l’organisation des élections municipales, mais à la municipalité de Quatre-Bornes, nous avons une bonne équipe composée du Mouvement socialiste militant (MSM), du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) et du Muvman liberater (ML). Je peux vous dire qu’il n’y a pas de tiraillements.»
Boycott au conseil de district de Grand-Port
C’est l’un des seuls conseils de district du pays à avoir un président affilié à l’opposition. Ce dernier, Rajeev Jangi, est connu pour être un proche du Parti travailliste (PTr). Ainsi, depuis qu’il est en poste, il a toujours soutenu que le conseil de district de Grand-Port subissait un boycott constant du gouvernement et des élus du clan orange des circonscriptions 11 et 12. L’on se rappelle comment, en septembre 2021, tous les maires, les présidents et les conseillers de village et municipaux étaient invités au Sun Trust pour procéder à un tour d’horizon et afin d’identifier les manquements. Hormis Rajeev Jangi qui avait par la suite expliqué qu’il n’était pas au courant d’une telle rencontre.
Il y a eu aussi, par la suite, tout une polémique autour de sa fiancée – désormais épouse – qui était, elle, conseillère du village de Mare-d’Albert. Celle-ci, qui était membre d’une équipe majoritaire proche du Mouvement socialiste militant (MSM), avait été expulsée pour sa «proximité» avec Rajeev Jangi. La principale concernée avait même logé une injonction en cour à cet effet.
Sollicité, le président du conseil de district de Grand-Port soutient que les choses ne se sont guère améliorées depuis. Aujourd’hui encore, le conseil de district se tient à peine. Entre manque de financement et de projets pour les 24 villages qui tombent sous sa tutelle. Par exemple, explique Rajeev Jangi, plusieurs projets sont annoncés dans le budget mais à ce jour, le conseil de district n’a jamais vu l’argent pour les concrétiser. «Il y avait l’annonce de l’upgrading du cimetière de Plaine-Magnien à Rs 35 millions ou la construction d’un gymnase dans la même localité pour Rs 110 millions. Il n’en est rien.»
Il poursuit en disant que le conseil n’a que 12 camions de voiries pour 24 villages. «Récemment, alors que d’autres conseils ont eu des camions neufs, nous n’en avons reçu aucun. Idem pour les camions qui s’occupent spécifiquement de la maintenance des points de lumière. Nous n’en avons que deux pour 24 villages. On doit aussi s’occuper des terrains de football et prêter main-forte à la Special Mobile Force si besoin est.»
Rajeev Jangi dénonce aussi l’incapacité d’opérer l’incinérateur de Mahébourg depuis un an maintenant car l’on peine à faire sa maintenance. «Mais encore, le conseil de district de Grand-Port devait recruter une centaine de personnes comme general workers depuis juin mais l’on n’a rien vu alors que tel a été le cas pour les autres», déplore-t-il.
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