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Apprentissage en cuisine
Chef Noel Chelvan: le bon goût de la langue maternelle
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Apprentissage en cuisine
Chef Noel Chelvan: le bon goût de la langue maternelle
Noel Chelvan et l’équipe pédagogique ont écrit un manuel bilingue, qui a été lancé cette semaine.
Comment apprendre le langage spécialisé de la cuisine quand les cours sont dans une langue que les élèves de l’école hôtelière ne maîtrisent pas tous ? Rien de mieux que de goûter au savoir en kreol morisien avec le livre de vocabulaire du chef Noel Chelvan.
On ne plaisante pas en cuisine. Pas avec le chef Noel Chelvan qui en a vu passer des gens avec «bel bel sertifika», mais qui confondent «sauce bolognaise avec une rougaille de viande hachée». Avec toute l’autorité d’un chef doublé d’un formateur, il explique que les deux sont, «comme le jour et la nuit». Si la base de la rougaille c’est l’ail, l’oignon, le thym, le persil et la pomme d’amour, «dans une bolognaise, il y a 14 éléments. Pour enseigner la cuisine il faut respecter les standards. La bolognaise dans son pays d’origine, en Italie était un plat des pauvres qui est devenu un classique».
Son ouvrage pédagogique bilingue kreol-français lancé le mercredi 6 mars dernier à l’école hôtelière Sir Gaëtan Duval à Ebène comporte d’ailleurs une section dédiée aux sauces. Sans oublier les techniques d’émulsions chaudes, la préparation de fonds. Autant de savoirs à maîtriser avant même de se lancer dans la réalisation des recettes.
Tradisionel ek Modern Vokabiler kiliner kreol ek lakwizinn klasik morien/Traditionnelle et Moderne Vocabulaire culinaire créole et la cuisine mauricienne est un manuel d’apprentissage paru aux Editions de l’océan Indien, destiné aux élèves à partir du National Certificate Level 2, 3 et 4. Noel Chelvan, chef, formateur à mi-temps à l’école hôtelière et auteur, affirme que ce sont des «faiblesses» observées en classe qui l’ont motivé pendant les 12 ans qu’il a pris pour concevoir l’ouvrage. «Quand je leur expliquais les choses en français, les élèves disaient qu’ils avaient compris mais ce n’était pas le cas». Dans une mise au point de l’auteur, il estime que, «cet outil facilitera leur compréhension de notre culture culinaire authentique (…) Il est primordial de préserver l’authenticité de notre patrimoine culturel local afin de redonner ses lettres de noblesse au métier de cuisinier».
En préface, Eddy Coosnapen, prêtre, souligne qu’ «en tant que formateur au MITD, il (NdlR : Noel Chelvan) a pris conscience que pour entrer dans le domaine de l’hôtellerie, il faut être détenteur du HSC. Mais il existe un bon nombre de jeunes qui ne pourront y accéder faute de qualification malgré leur passion pour ce métier».
Le chef Noel Chelvan précise que le «choix du vocabulaire trouve sa source dans mon village de La Preneuse». Et qu’il a une expérience de «44 ans dans la cuisine». Il confie que : «mo papa zame pa ti dir pwason. Li ti dir poson. Est-ce qu’il faut ignorer le mot ‘poson’, des mots comme ‘douri’, ‘dilwil’ ou est-ce qu’il faut apprendre les variantes de ‘diri’ et ‘delwil’ aux élèves ?» Au nom du respect de la langue, l’auteur a choisi d’inclure les variantes. Il ne cache pas qu’il y a eu de longues et houleuses discussions autour de certains mots avec l’équipe pédagogique qui a contribué à ce condensé de vocabulaire. Réunie autour du directeur de projet, Jimmy Harmon, il y avait des enseignantes de KM au niveau du primaire et du secondaire. L’équipe s’est penchée sur le projet pendant deux ans.
Ecole Hôtelière : Le vocabulaire culinaire français-créole sera-t-il au programme d’études ?
Depuis plus de 50 ans (l’école hôtelière SGD existe depuis 1971), les livres de référence utilisés par les élèves sont ceux d’une sommité internationale, le chef Michel Maincent-Morel, indique Noel Chelvan. Si ces livres ont servi de guide, le niveau de français a été un obstacle pour nombre d’élèves de l’école hôtelière SGD, souligne le chef et formateur, fier d’avoir conçu un manuel bilingue kreol morisien-français.
Est-ce que son livre lancé le mercredi 6 mars dernier sera au programme à l’école hôtelière SGD ? «L’établissement l’a accepté, le message du directeur par intérim, Karmaraj Nosib figure dans le livre. La balle est maintenant dans le camp des décideurs», dit Noel Chelvan, formateur à mi-temps à Ebène. «A travers le lancement officiel du livre, je l’ai mis devant les yeux de tous. A chacun de prendre ses responsabilités».
Ce livre de référence édité par les Editions de l’océan Indien est en vente à Rs 1 000. «Mais un livre de plus de 1 000 pages de Michel Maincent-Morel est à Rs 3 800». Force est de reconnaître que tous les élèves ne peuvent se le procurer. «L’école SGD distribue des photocopies de chapitres importants aux élèves», explique Noel Chelvan. Dans son ouvrage, il a aussi fait un exercice de simplification pour adapter le contenu aux élèves de NC 2, 3 et 4, qui étudient les principes de base. *«Le livre de Michel Maincent-Morel est davantage destiné à ceux qui sont déjà diplômés et qui vont continuer leurs études dans l’hôtellerie au niveau tertiaire». Le sien est avant tout, souligne Noel Chelvan, «fait par un Mauricien pour les Mauriciens».
IL A dit
«Ce livre comprend beaucoup d’indications de ce qui a fait la culture mauricienne pendant des siècles. Ce n’est pas juste un livre, c’est un manuel scolaire qui permettra aux élèves de s’imprégner de culture mauricienne. Quand ils iront dans les hôtels et quand on parlera de culture, ce ne sera pas seulement le séga, mais beaucoup d’autres choses. Quand on parle de culture mauricienne, on parle d’aller voir un temple, une église, une mosquée et puis de regarder le séga, mais ce n’est pas vrai. C’est ce que les Mauriciens aiment manger, comment ils le font, comment ils le partagent. Il faut encourager ce livre. Après le Covid, il y a eu un désamour des métiers de l’hôtellerie. Des gens de grande expérience ont abandonné les hôtels, or qu’est-ce que les touristes viennent chercher dans un pays ? Ils viennent rencontrer les gens d’abord. Avec l’expertise dans la manière de servir des plats mauriciens, c’est un formidable atout pour apprendre à tous ceux qui travaillent dans les hôtels à accueillir les visiteurs et leur partager ce qui fait leur culture».
Extrait du discours du cardinal Maurice Piat le mercredi 6 mars à l’école hôtelière SGD lors du lancement du livre de vocabulaire culinaire du chef Noel Chelvan.
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