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Portrait

Christophe Ramsamy, patient XP : Le jeune homme qui revient de loin

28 juin 2025, 17:00

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Christophe Ramsamy, patient XP : Le jeune homme qui revient de loin

Christophe Ramsamy défie tous les pronostics. Il est l’un des deux Mauriciens à souffrir d’une maladie génétique rare et incurable, le Xeroderma Pigmentosum (XP), caractérisée par une absence de mélanine, qui rend sa peau et ses yeux extrêmement sensibles aux rayons ultraviolets et il doit impérativement s’en protéger. Alors que l’espérance de vie des «enfants de la lune», comme on appelle les patients XP, est d’environ 15 ans, Christophe a dépassé ce stade. Il a pu compléter son parcours éducatif secondaire et universitaire et même travailler. Ce battant vient de se relever d’un accident vasculaire cérébral qui l’avait rendu hémiplégique. Sauf qu’il ne peut plus travailler car sa vue baisse et qu’il a besoin d’une greffe de cornée. Opération onéreuse qui ne se pratique pas à Maurice et que les Ramsamy ne peuvent se permettre.

Christophe que nous suivons depuis qu’il a une dizaine d’années et qui a maintenant 37 ans, sait qu’il est passé à deux doigts de la mort, le 11 juillet 2024, lorsqu’il a fait une rupture d’anévrisme. C’était deux jours après l’anniversaire de son père. Ses parents – Nathalie, sa mère, est puéricultrice et Tony, son père, est un chef à la retraite – s’étaient rendus à Port-Louis et leur fils était seul à la maison. C’est son amie Bilkiss, avec qui il avait rendez-vous, qui l’a appelé et qui, inquiète de son silence, a averti ses parents. Nathalie et Tony sont alors revenus en quatrième vitesse à la maison et l’ont trouvé à terre, dans un état semi-comateux, la mâchoire serrée et écumant. «On a eu peur de le perdre», raconte Nathalie. À ce moment-là, leur seule idée a été de le transporter de toute urgence à l’hôpital et pour une fois, ils ont baissé leur garde, ne pensant pas à l’emmitoufler comme à chaque fois que Christophe doit sortir de jour pour que les rayons UV ne lui fassent pas de mal. Tony sait seulement qu’il a conduit comme un fou pour rejoindre l’hôpital SSRN où Christophe a été immédiatement pris en charge.

Le diagnostic n’a pas tardé : il avait fait un accident vasculaire cérébral et Christophe était hémiplégique. Placé à l’Intensive Care Unit (ICU), il était nourri par tube. La vie de Nathalie et de Tony ne tournait plus qu’autour des visites à l’hôpital. «On ne vivait plus. On faisait la navette entre l’hôpital et la maison. On ne faisait plus rien à part prier.»

Le service hospitalier étant ce qu’il est, les Ramsamy ont parfois été obligés de pousser des gueulantes pour que les infirmiers accordent l’attention nécessaire à leur fils. «Un jour, Christophe a eu un épisode de hoquets à n’en plus finir. Ce n’était pas un simple hoquet mais de grosses secousses au point de le faire trembler sur le lit. Quand nous avons dit à l’infirmière de venir le voir, elle a répliqué que le médecin passerait plus tard. Tony a dû brailler pour que le praticien se déplace et vienne s’occuper de Christophe.» Autre exemple d’indifférence, le climatiseur dans l’ICU donnait directement sur le lit de Christophe et il a pris froid. Il était fiévreux et frissonnait mais le personnel refusait d’éteindre par moments. Là encore, les Ramsamy ont dû insister vertement. «La meilleure chose à faire pour que le personnel s’occupe du malade comme il faut c’est d’aller matin et soir à l’hôpital et ne rater aucune visite.»

Remonter le moral de ses parents

À un moment, comme Christophe n’était alimenté que par tube dans le nez, le médecin qui le suivait a annoncé à ses parents qu’il fallait l’opérer pour lui mettre une sonde dans l’estomac afin que les nutriments lui soient directement administrés. «Le médecin nous disait qu’il n’arrivait pas à avaler et que si cela continuait ainsi, il allait mourir. D’où sa proposition d’opérer Christophe pour lui mettre une sonde. Nous avons dit que nous allions réfléchir», déclarent Tony et Nathalie. Christophe, qui avait tout entendu, a arraché le tube nasal le lendemain et s’est efforcé à manger. «Ce qu’on me donnait à manger dans le tube c’était lasoup delo. Je me suis dit qu’il fallait que je donne un coup de pied dans la fourmilière et j’ai arraché le tube nasal», dit-il.

Sentant la tristesse et le découragement de ses parents, pour leur remonter le moral, Christophe qui aime les jeux de mots, leur lançait de petites blagues lorsque les heures de visite étaient terminées et que ses parents devaient rentrer. «Il nous faisait rire en nous disant I’ll CU ou I’CU later. Mais il arrivait aussi parfois qu’il soit angoissé. Il me serrait alors avec son bras valide et me disait : maman, je ne veux pas mourir !»

Christophe a passé un mois à l’ICU et une semaine en salle et c’est en fauteuil roulant qu’il a quitté le centre de soins, étant incapable de marcher, malgré les massages que lui prodiguait son père à chaque visite. Au personnel infirmier, il n’a pas manqué de dire : «ICU no more».

Ont alors commencé pour Christophe des sessions de physiothérapie deux fois par semaine à domicile. Puis, les Ramsamy ont été dirigés vers la Global Rainbow Foundation où Christophe a été pris en charge par le physiothérapeute Ashwin. Dès la seconde visite, le praticien a déclaré à ses parents que la volonté de Christophe est si forte qu’il n’aurait pas besoin du fauteuil roulant pour encore longtemps. Et c’était vrai. «Et cela a été pareil pour l’épisode couches qu’il portait en sortant de l’hôpital et qui n’a pas duré non plus. Il a une nature combative», raconte Nathalie.

Christophe a mis six mois avant de se rétablir presque complètement et retrouver sa mobilité d’avant. Il avoue avoir eu peur de ne jamais pouvoir remarcher. Mais c’était sans compter son entêtement à y arriver. Toutefois, il se fatigue vite et «somnole toute la journée», confie sa maman. «Il a besoin de beaucoup de repos», ajoute-t-elle.

Vision en baisse

Si avant l’AVC de Christophe, les Ramsamy vérifiaient régulièrement la tension artérielle de leur fils vu qu’il ne faisait pas d’exercices physiques et menait une vie assez sédentaire, depuis sa rupture d’anévrisme, il doit prendre un médicament pour la tête, un autre pour sa tension artérielle et il a dû faire un électroencéphalogramme car il a développé une épilepsie épisodique .

Depuis qu’il va mieux, Christophe s’est acheté un treadmill et chaque matin, il marche pendant une demiheure. Ses parents surveillent aussi son alimentation. «Il nous a fait une peur bleue», avoue Nathalie. «Gros bleu», souligne Tony en riant.

Ce qui est inchangé chez le jeune homme, c’est son bel appétit. «Christophe a toujours été gourmand et ce qu’il préfère manger c’est la pizza. D’ailleurs, pour la fête des pères, sa sœur Elodie, son mari Nicholas et Christophe ont offert à Tony un four à pizza.»

Depuis 2001, les Ramsamy ne peuvent plus emmener Christophe en France faire son check-up pour le Xeroderma Pigmentosum. «Jusqu’à 2001, nous l’emmenions tous les ans à Paris, à l’hôpital Necker, où on enlevait les mélanomes pour les faire analyser et vérifier qu’ils ne soient pas cancérigènes. On allait aussi à l’hôpital de Villejuif pour faire vérifier ses yeux. Mais depuis, on n’a plus les moyens de le faire.»

Comment est sa vision ? Nathalie explique que depuis 2019, la vision de Christophe a drastiquement baissé. Christophe déclare que c’est seulement sur l’ordinateur qu’il arrive à zoomer, à voir les couleurs, à les inverser, à grossir les caractères pour écrire. «Je peux encore utiliser l’ordinateur.» Mais il ne sait plus pour combien de temps encore.

En 2020, les Ramsamy l’ont emmené chez le Dr Khalil Fakim, ophtalmologue, qui lui a expliqué que sa vision se détériore du fait que la maladie dessèche ses yeux, qu’il y a des dépôts de calcaire sur sa cornée et que celle-ci se scarifie. «Le Dr Fakim m’a dit qu’il y a une procédure pour y remédier. On fait grandir une cornée organique dans une de mes dents pour vérifier qu’il n’y aura pas de rejet et si ça tient, on la greffe dans l’œil. Sauf que cette intervention ne se fait pas à Maurice.» En Inde si. Les Ramsamy ont fait une demande de devis et le coût est trop important pour leurs maigres revenus, soit Rs 600, 000 indiennes, ce qui fait environ Rs 300, 000 mauriciennes. Somme qu’ils ne pourront jamais réunir à eux seuls…

Quand Christophe travaillait encore, il lui arrivait de sortir le soir avec des copains pour prendre un pot et pour dîner. Il s’était aussi lié d’amitié avec une jeune fille nommée Bilkiss, celle-là même qui a averti ses parents, le 11 juillet 2024, que Christophe ne répondait plus au téléphone. Bilkiss souffrait d’une maladie cardiaque congénitale et lorsqu’elle était enfant, elle avait été envoyée en Afrique du Sud aux bons soins de la SACIM pour y être opérée. Cette année, elle était partie pour l’Inde dans l’optique de se faire à nouveau opérer mais les médecins n’avaient pas trouvé l’intervention nécessaire. Sauf qu’un jour, Bilkiss a été prise de faiblesse et a dû être hospitalisée. Elle est morte, il y a un mois. Pour Christophe, cela a été un choc. «Bilkiss était ma mam cole, mon âme sœur.»

Craint-il la mort ? «J’y pense parfois mais je n’ai pas peur. Après l’AVC, j’ai réalisé que j’avais frôlé la mort et que sans une intervention divine, je n’aurais pas été là devant vous à vous parler. Cet épisode et la mort de Bilkiss ont changé mes perspectives de la vie. Je me dis que je dois mener une vie plus saine. Avant, je ne me posais pas la question.»

Le message qu’il veut transmettre aux gens, c’est «de profiter de la vie, de toujours foncer et ne jamais abandonner.»

Secoué par la mort de Bilkiss, Christophe a écrit ce qui deviendra un livre et qui s’intitule «Still with me – A dialogue beyond goodbye.» Nous avons pu lire quelques pages de ce dialogue imaginaire entre lui et son amie défunte et à aucun moment, Christophe n’a donné dans le pathos. Tout ce que l’on peut en dire c’est qu’à l’issue de cette lecture, on avait la gorge nouée et les yeux embués…

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