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Travailleurs étrangers
Cinq usines locales fournissant des grandes marques, dénoncées pour esclavage moderne
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Travailleurs étrangers
Cinq usines locales fournissant des grandes marques, dénoncées pour esclavage moderne
Ahmed (prénom fictif), un ouvrier bangladais employé chez R.E.A.L Garments Ltd avait emprunté une somme substantielle pour payer les frais de recrutement dans son pays d’origine. Mais comme il gagnait nettement moins que ce que l’agent lui avait promis à Maurice, il lui a fallu plusieurs années pour rembourser son prêt. Ahmed dit regretter sa décision de quitter son pays. «Si j’avais eu la moindre idée de tout cela, je n’aurais jamais travaillé dans cette entreprise.» Sauf qu’Ahmed serait loin d’être le seul ouvrier étranger déçu des conditions de travail abusives à Maurice, comme le révèle l’enquête de Transparentem.
L’organisation américaine a examiné les conditions de travail dans cinq usines mauriciennes, à savoir Denim de l’Île (DDI) Ltd, R.E.A.L Garments Ltd et trois usines appartenant à Firemount Group Ltd : FM Denim, Firemount Textiles (SLDC Industrial Zone) et Firemount Textiles (Didi Industrial Zone). Les enquêteurs ont rencontré 83 travailleurs sur une période de deux ans et rendu leur rapport en décembre.
Première conclusion : des indicateurs de travail forcé, tels que définis par l’Organisation internationale du travail, sont là. Les enquêteurs ont également interviewé 16 travailleurs de l’usine Aquarelle Clothing Ltd, où ils ont constaté que les ouvriers payaient des frais de recrutement élevés. Transparentem a ensuite contacté des clients liés aux fournisseurs ayant fait l’objet de l’enquête. Elle s’est entretenue avec 18 d’entre eux ainsi qu’avec la direction de quatre usines concernées. L’organisation a également communiqué ses constats aux clients de ces fournisseurs, qui ont commandé leurs propres audits sur les conditions de travail dans ces usines, à travers des firmes telles que LRQA et Verité. Des recommandations sur les mesures correctives à prendre ont été formulées.
Tromperie des agents recruteurs
Les pratiques trompeuses des agents recruteurs reviennent à nouveau sous les feux des projecteurs. Dans son rapport, Transparentem explique qu’au Bangladesh, pays d’origine de plusieurs ouvriers rencontrés, ainsi que dans d’autres pays, des agents malhonnêtes exigent souvent des frais de recrutement élevés aux personnes qui souhaitent émigrer. Ces frais de recrutement, selon l’United Nations Office on Drugs and Crime, sont souvent exigés en échange de fausses promesses sur les conditions d’emploi et peuvent contraindre les travailleurs étrangers à endurer des conditions abusives pour rembourser leurs dettes. Selon Transparentem, 92 % des travailleurs étrangers interviewés qui ont été recrutés directement par DDI, Firemount et R.E.A.L Garments ont affirmé avoir payé des frais de recrutement et des coûts supplémentaires. Idem pour ceux travaillant chez Aquarelle Clothing Ltd. «Some workers at DDI, Firemount, and REAL Garments said that recruitment agents told them to lie if asked about any fees they paid», souligne Transparentem. Plusieurs ouvriers étrangers ont également signé leur contrat de travail dans leur pays d’origine dans l’urgence. Comme ces contrats sont souvent rédigés dans une langue qui leur est étrangère, cela a permis aux agents recruteurs de les décevoir sur les salaires ainsi que sur les conditions d’emploi, entraînant d’amers regrets une fois qu’ils sont arrivés à Maurice.
Quelle fiabilité des audits et des mécanismes de recours ?
Bien qu’en 2023, les clients des usines soumises à l’enquête de Transparentem aient commandé leurs propres audits, des questions se posent sur l’authenticité des informations recueillies. Transparentem souligne que lors de son enquête initiale et en 2023, les travailleurs ont évoqué des facteurs qui auraient pu empêcher les auditeurs de voir les véritables conditions de travail dans ces usines. Parmi ceux-ci : les superviseurs s’assuraient que seuls certains travailleurs parlaient aux auditeurs, les conseillaient sur ce qu’ils devaient dire ou les menaçaient de représailles s’ils parlaient franchement aux auditeurs. L’enquête de Transparentem a également révélé que les usines ne traitaient pas de manière adéquate les doléances des ouvriers. Certains ouvriers ont affirmé que les responsables censés traiter les plaintes étaient eux-mêmes choisis par la direction de l’usine. «Worker leaders at Mauritian factories are ostensibly tasked with representing workers’ interests with management but are often seen as compromised.»
Alors qu’un client de DDI, en réponse à Transparentem, indique que son audit confirme les constats sur l’inefficacité des mécanismes de recours de Transparentem, d’autres clients ont indiqué que les audits pour Firemount et R.E.A.L. ne confirmaient pas les conclusions de l’organisation américaine. Transparentem souligne que malgré plusieurs demandes, les rapports d’audit n’ont pas été fournis à l’organisation afin que ses enquêteurs puissent voir ce qui a été constaté. «To date, no buyer has agreed to share Verité’s or LRQA’s detailed audit reports and Transparentem therefore cannot confirm the full extent of what they found or did not find.»
Conditions de vie et de travail abusives
Infestations d’insectes dans les dortoirs, nourriture de qualité inférieure fournie par l’usine, accès refusé aux soins médicaux, menaces de déportation et de punition ainsi qu’intimidation. Telles sont quelques-unes des conditions abusives dénoncées par des ouvriers étrangers à Maurice.
Transparentem souligne que lors de la première série d’entretiens qui s’est déroulée entre octobre 2021 et août 2022, plusieurs travailleurs de Denim de l’Île (DDI) ont expliqué que leur lieu de travail ne leur fournissait pas de représentant parlant leur langue maternelle, ce qui cause des barrières linguistiques avec les professionnels de santé.
Chez R.E.A.L Garments, les travailleurs ont indiqué que les médecins ne leur offraient que de l’acétaminophène en cas de problème de santé. Mais aussi que l’usine refusait de les soigner jusqu’à ce que leur état de santé soit considéré comme critique. En revanche, deux travailleurs ont affirmé que les soins médicaux étaient satisfaisants à R.E.A.L Garments, alors que la plupart des travailleurs à Firemount ont affirmé que les conditions de vie étaient bonnes.
Des menaces et des actes d’intimidations ont aussi été dénoncés par plus de 50 % des travailleurs étrangers chez R.E.A.L Garments ainsi que par certains de DDI et de Firemount. «...they faced intimidation and threats of punishment for speaking to auditors or complaining about the terms and conditions of their employment…»
Transparentem va plus loin en soulignant qu’en 2023, après que l’organisation se soit engagée auprès des clients et que ces clients aient commandé des audits destinés à vérifier les constats de Transparentem, les ouvriers étrangers ont fait état d’intimidations additionnelles. «At one manufacturer, two workers said that, in April 2023, some labor recruiters visited the worker dormitory to find out which workers had spoken to Transparentem’s investigators. One recruiter brandished a stick and shouted at workers, threatening to hurt them», note le rapport. Les marques acheteuses ont indiqué que leurs propres audits, menés par Vérité, ne confirmaient pas ces constats de Transparentem.
Mesures correctives
Trois marques réputées telles que PVH, Barbour et Second Clothing – clients de R.E.A.L Garments – se sont depuis engagées à rembourser aux travailleurs étrangers les frais de recrutement et autres coûts liés à leur activité. Il a été déterminé que chaque travailleur bangladais chez R.E.A.L. Garments avait droit à 1 800 dollars (Rs 80 500), la marque PVH s’est engagée à rembourser un total de 390 456 dollars (Rs 17 millions), Barbour s’est engagée à rembourser 19 523 dollars (Rs 870 000), et Second Clothing s’est engagée à rembourser 10 614 dollars (Rs 475 000).
La direction de Firemount devrait rembourser 35 dollars (Rs 1 500) par travailleur étranger. Aquarelle Clothing Ltd devrait rembourser 28 dollars (Rs 1250) par Bangladais, 18 dollars (Rs 800) par travailleurs malgaches et 14 dollars (Rs 600) par travailleurs indiens.
Les autorités locales alertées
Transparentem a adressé une lettre au gouvernement mauricien et soumis des observations sur les lacunes concernant la Private Recruitment Agencies Act. Elle s’est également entretenue avec la Mauritius Export Association (MEXA) pour élaborer un code de conduite volontaire sur le recrutement des travailleurs étrangers et a encouragé les compagnies concernées à adopter ce code de conduite. «We are telling this story at one moment in time. The ending is yet to be determined. Either the problems faced by migrant workers will continue, or Mauritius can transform itself into a destination for ethical sourcing.»
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