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Cinquante respirateurs, deux BMW et une pension bancale
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Cinquante respirateurs, deux BMW et une pension bancale
Mauice n’est plus un pays jeune. C’est une île qui vieillit, qui doute, qui râle. Ce mardi 8 juillet, le Parlement a donné le ton : la réforme de la pension de vieillesse n’est plus un dossier budgétaire. C’est devenu un champ de bataille symbolique. Et politique.
Joe Lesjongard a ouvert les hostilités avec une Private Notice Question : à quoi sert exactement ce fameux soutien de Rs 10 000 qu’on promet aux sexagénaires exclus de la BRP à partir de septembre 2025 ? Combien de bénéficiaires ? Pourquoi ce montant ? Est-ce suffisant pour vivre décemment ? Ashok Subron, ministre de la Sécurité sociale, s’est défendu, chiffres à l’appui : 80 655 personnes auront 60 ans d’ici cinq ans ; 37 562 recevront cette allocation. Coût total sur cinq ans : Rs 8,7 milliards. Une mesure transitoire, centrée sur les invisibles : femmes au foyer, travailleurs précaires, exclus du régime contributif.
Mais voilà : Rs 10 000, dans un pays où la ligne de pauvreté individuelle est fixée à Rs 12 378, c’est trop peu. Cela pourrait être perçu comme une gifle pour ceux qui ont trimé toute une vie. Et pendant que l’on exige de nouveaux sacrifices, les privilèges anciens refont surface comme des fantômes tenaces.
Dans le même hémicycle, le Premier ministre a révélé que deux BMW 760Li ont été achetées sous l’ancien régime pour Sir Anerood et Pravind Jugnauth, pour un total de Rs 41,2 millions. À cela s’ajoutent 42 autres véhicules officiels pour un montant de Rs 120 millions. Et les dépenses de missions ?Rs 165,9 millions entre 2015 et 2024 pour les anciens ministres et députés. Rs 28,3 millions supplémentaires pour les 40 missions effectuées depuis novembre 2024 par le nouveau gouvernement. En comparaison, Subron tente de rationaliser… avec Rs 8,7 milliards sur cinq ans, soit moins de Rs 1,8 milliard par an pour soulager ceux que le système a toujours oubliés.
Ashok Subron brandit l’argument de la responsabilité : le pays est en convalescence. Héritier d’une décennie de dérapages budgétaires, de Rs 180 milliards imprimés, d’une dette publique frôlant les Rs 642 milliards, et d’une roupie dévaluée de 46 %, le gouvernement Ramgoolam dit faire ce qu’il peut. Mais ce qu’il peut ne suffit pas à convaincre. Ni sur le fond, ni sur la méthode.
Car le problème n’est pas seulement dans le montant. Il est dans l’absence de pédagogie. Trois options étaient proposées : Rs 5 000, Rs 7 500, Rs 10 000. Les experts recommandaient le milieu ; le politique a opté pour le maximum… tout en sachant que cela ne couvrirait pas le coût de la vie. Résultat : une annonce qui rassure à peine, et qui frustre déjà.
Et pendant qu’on débat des Rs 10 000 de Subron, on apprend que Rs 98 millions ont été engloutis dans l’achat de 50 respirateurs défectueux en Espagne, aujourd’hui stockés à Barcelone à raison de 800 euros par mois. Et qu’il a fallu attendre 2025 pour que l’enquête sur ce scandale reprenne. Un cauchemar administratif payé comptant par les contribuables.
Dans ce théâtre de la déraison, la cacophonie règne. Les retraités crient à l’injustice. Les jeunes ne croient plus aux promesses. Les économistes haussent les sourcils. Les syndicats dénoncent. Mais qui écoute les 60 % de Mauriciens que cette réforme touche ? Ceux qui ne demandent pas un miracle. Juste un filet de sécurité. Pas un carnaval de chiffres, ni une guerre de micros.
Il est temps que la classe politique cesse de s’accuser en se lançant des factures à la figure. Ce pays mérite mieux qu’un duel entre les «jouisseurs d’hier» et les «réparateurs d’aujourd’hui». Il faut du courage. De la rigueur. De la vérité. Et surtout : des chiffres qui tiennent debout. Pas des slogans. Car à force de vivre dans un théâtre… le public finira par ne plus applaudir. Et peut-être même, par quitter la salle.
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