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Portrait

Clémence Soupe : «Le théâtre est un exutoire, un espace de liberté»

21 juillet 2025, 16:00

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Clémence Soupe : «Le théâtre est un exutoire, un espace de liberté»

Clémence Soupe incarne la nouvelle génération du théâtre. Entre rigueur, éloquence et maîtrise du jeu scénique, elle nous invite à plonger dans son univers artistique, rempli de douceur et d’émotion.

🟦Quel est votre parcours artistique et professionnel ?

Je viens d’un parcours hybride, entre travail social et théâtre. J’ai obtenu un baccalauréat littéraire avec spécialisation théâtre, avant de poursuivre une formation en travail social à Paris. J’ai ensuite exercé comme intervenante sociale à Montréal, un métier qui m’a façonnée par ses rencontres et ses partages. Mon chemin m’a menée à Madagascar, où je me suis initiée à l’art-thérapie, avant de me certifier officiellement à Arles. C’est en arrivant à Maurice que j’ai véritablement basculé dans le milieu professionnel du théâtre. La scène est devenue pour moi un lieu de rencontre entre mon vécu, mon engagement humain et mon amour du jeu.

🟦Dans quels spectacles, films ou pièces avez-vous joué ?

Ces dernières années ont été riches et intenses. Par exemple en 2021, j’ai eu la chance de jouer dans Un tramway nommé désir de Tennessee Williams, puis dans Le Faiseur de miracles de G.A Decotter en 2023. Cette année, j’ai interprété deux rôles très différents mais marquants : dans La Voix humaine de Jean Cocteau, et Intra Muros d’Alexis Michalik. Côté cinéma, j’ai incarné le rôle principal d’Elizabeth Théodore dans The Blue Penny de Jon Rabaud, un premier long-métrage mauricien sorti en 2023. Ce projet a été une aventure magnifique, d’autant plus qu’il connaîtra une diffusion prochaine sur Canal+. C’est une première historique pour un film mauricien !

🟦Que représente le théâtre pour vous ?

Le théâtre est pour moi un lieu d’exploration, un exutoire mais aussi un terrain de résistance. C’est un espace de liberté où l’on interroge, où l’on met le verbe en mouvement, où l’on tente de dire l’indicible par des répliques ou des silences habités. n Si vous deviez vous décrire en un mot, lequel choisiriez-vous ? Émotionnable. C’est un mot presque cliché que je choisis avec tendresse : il dit ma sensibilité, ma porosité au monde et aux autres. Ce n’est pas toujours confortable, mais c’est aussi ce qui nourrit mon imaginaire.

🟦Quel rôle vous a le plus marquée jusqu’à présent – et pourquoi ?

La Voix humaine, jouée au début de cette année au Caudan, a été un véritable tournant pour moi. Ce projet a mis son temps à voir le jour, et je comprends aujourd’hui que ce temps était nécessaire. Le rôle de cette femme sans nom, abandonnée à sa douleur dans un simple appel téléphonique, m’a confrontée à une vulnérabilité brute. C’est un texte où l’on ne peut tricher. Ce que Cocteau suggère plus qu’il ne dit oblige à une sincérité rare. Avec le regard exigeant et bienveillant de ma metteuse en scène Vinaya Sungkur, j’ai pu aller plus loin dans cette performance. Cette pièce m’a laissée transformée, plus ancrée aussi.

🟦Avez-vous une méthode ou un rituel particulier pour entrer dans un personnage ?

Je n’ai pas de méthode figée, car chaque personnage m’appelle différemment. Ce qui revient toujours, en revanche, c’est une phase de lecture attentive.Je fais aussi des recherches visuelles et narratives autour de l’univers du spectacle : je regarde des films, des documentaires, j’essaie de nourrir mon imaginaire.Mon point d’entrée, c’est toujours la sensibilité du personnage, sa faille, ce qui l’anime.

🟦Comment abordez-vous la mémorisation de vos textes ?

Par la répétition, bien sûr, mais surtout par le sens. Je ne retiens jamais aussi bien un texte que lorsque je comprends ce que mon personnage essaie vraiment de dire. Le corps et la voix enregistrent bien mieux quand je ressens, plutôt que quand j’essaie de simplement mémoriser.

🟦Quelle place occupe l’improvisation dans votre travail de comédienne ?

Je ne me considère pas comme une grande improvisatrice, mais j’ai remarqué que l’impro surgit plus facilement quand le plaisir de jouer est là. Je me sens libre, disponible, et ça ouvre des espaces inattendus. Pour moi, improviser c’est aussi savoir être à l’écoute : de l’autre comédien, du public, de ce qui se passe dans l’instant. Rien n’est figé au théâtre, pas même l’émotion. Elle peut se colorer différemment d’un soir à l’autre, sans jamais se dénaturer. J’essaie d’être toujours vivante à ce qui circule, c’est là que l’impro se glisse.

🟦Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui rêve de monter sur scène ?

Je lui dirais : ne te limite pas à une seule discipline. Si quelque chose te touche ou t’appelle – danse, chant, dessin, écriture – explore-le. Chaque détour nourrit ton unicité. Et c’est précieux.

🟦Avez-vous un souvenir de scène inoubliable – drôle, émouvant ou inattendu ?

Ce n’est pas un souvenir de scène, mais un moment de tournage qui m’a marquée profondément. C’était pour la scène finale de The Blue Penny. Elle devait être tournée en un seul plan, sans seconde prise, ce qui la rendait encore plus intense. Je m’étais préparée en me plongeant dans une musique précise qui m’aidait à rester concentrée, vissée à mes écouteurs, connectée à l’émotion de la scène. Puis, juste avant le clap, alors que je me mets en place, j’entends cette même musique autour de moi. Sans se concerter, Jon, le réalisateur, avait aussi choisi de la diffuser sur le plateau. Cette coïncidence m’a marquée. Il y a parfois des moments magiques sur un tournage, où tout s’aligne sans qu’on sache pourquoi…

🟦Quels sont vos projets en cours ?

Je suis en train de mettre en scène un spectacle intitulé Bal Zanimo, qui réunit des artistes mauriciens et réunionnais dans le cadre de la deuxième édition du Festival de contes, porté par Véronique Nankoo. Ce projet, inspiré du bestiaire mauricien, mêle conte, musique et langue créole, avec quelques clins d’œil au créole réunionnais. Il sera présenté le 2 août, à 18 heures, au Caudan Arts Centre, pour un public familial. Par ailleurs, je poursuis mon travail autour du théâtre-thérapie avec des ateliers proposés à Moka. C’est une autre facette de mon engagement artistique, plus intime mais tout aussi essentielle.

🟦Pouvez-vous nous parler de vos ateliers ?

Ces ateliers sont pensés comme des parenthèses de douceur et d’écoute de soi. Pendant trois heures, en petit groupe, nous explorons ce que le corps et la voix racontent, sans enjeu de performance. Ce n’est pas un cours de théâtre, mais un espace où l’on accueille ce qui émerge: un geste, une émotion, un silence. Le premier atelier, Le souffle du geste, s’est tenu à la Maison Eurêka, un lieu qui invite au ralentissement, au retour à soi. Le prochain aura lieu bientôt, toujours à Moka. Il est ouvert à tous, que l’on ait une pratique artistique ou non. Il suffit d’avoir envie d’explorer.

🟦Quel est votre plus grand rêve en tant qu’artiste ?

Créer un spectacle qui me dépasse, qui rassemble, qui touche profondément, à Maurice comme ailleurs. Mais mon rêve le plus constant, c’est de rester fidèle à ce qui m’émeut, même dans les doutes.

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