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Interview… Frédéric Bontems
«Collaborer avec Maurice pour redéfinir sa politique de gestion de l’eau était logique»
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Interview… Frédéric Bontems
«Collaborer avec Maurice pour redéfinir sa politique de gestion de l’eau était logique»
Frédéric Bontems, ambassadeur de France à Maurice.
Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, était en visite officielle à Maurice du 28 novembre au 1ᵉʳ décembre. Lors de son séjour, plusieurs accords ont été signés entre les deux pays. Frédéric Bontems, ambassadeur de France à Maurice, revient sur les différentes sessions de travail et l’importance de ces accords.
Pouvez-vous dresser un bilan de la visite du ministre Olivier Becht à Maurice ?
Il s’agissait d’une visite avec une portée assez vaste, touchant divers secteurs. Nous avons eu une dimension politique avec des entretiens avec le Premier ministre, en présence des ministres des Finances et des Affaires étrangères. Ensuite, il y a eu une rencontre plus spécifique avec le ministre des Finances. Ces rencontres ont renforcé nos excellentes relations bilatérales. La visite a également pris une dimension parlementaire, la présidente du groupe d’amitié parlementaire FranceMaurice à l’Assemblée nationale accompagnant M. Olivier Becht.
Nous avons également abordé un volet économique, avec la présence du directeur général de Business France, chargé de promouvoir les entreprises françaises à l’étranger et d’attirer les investisseurs étrangers. Le volet développement a été discuté en présence d’un directeur de l’Agence française de développement (AFD). Sans oublier les relations avec l’île de La Réunion, représentée par des entreprises françaises venant de l’île sœur et un représentant du Conseil régional. Pendant la visite du ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, quatre accords ont été signés entre la France et Maurice.
Deux de ces accords concernent l’eau. Pourquoi un tel intérêt pour cette ressource ?
Ces deux accords sont liés. L’un est une convention de prêt d’un montant de 200 millions d’euros. La France accompagne Maurice dans l’élaboration d’une nouvelle stratégie de gestion de l’eau. Une convention de dons pour financer une expertise technique dans ce domaine accompagne ce prêt. Pourquoi cette attention particulière ? Nous sommes tous conscients de l’importance cruciale de cette ressource pour l’ensemble de la société. Le niveau des réservoirs est attentivement suivi. Travailler avec Maurice pour améliorer et soutenir sa volonté de redéfinir sa politique de gestion de l’eau était donc logique.
Bien que l’île ne manque pas d’eau, sa gestion reste un sujet important. La performance du réseau de distribution est faible, avec plus de la moitié de l’eau injectée dans les canalisations qui n’est ni consommée ni facturée. L’enjeu est donc d’améliorer la qualité de ce réseau. Cependant, cette mise à niveau ne peut se faire de manière isolée. Il faut tenir compte des contraintes périphériques telles que le dérèglement climatique, qui entraîne des précipitations irrégulières et des périodes de sécheresse plus intenses.
Ce problème perdure depuis des décennies. Y a-t-il un calendrier défini pour ce projet d’amélioration ?
Pas vraiment. Nous ne faisons qu’accompagner la politique du gouvernement. Évidemment, il y a une série d’indicateurs, avec des échéances qui ont été établis, et le prêt sera versé en tranches en fonction de l’avancée du programme et des indicateurs accomplis. N’oublions pas que la France compte des entreprises qui figurent parmi les leaders mondiaux dans le secteur de la gestion de l’eau. D’autres structures, comme l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui a une antenne à La Réunion, seront également impliquées.
Il a également été question de l’eau à Rodrigues… Cet accord n’est pas encore finalisé mais le sera prochainement, offrant une meilleure vision des ressources hydriques sur cette île. Je me suis rendu à Rodrigues le mercredi 13 décembre pour ma première visite, où j’ai rencontré les autorités rodriguaises pour continuer notre travail commun sur l’eau.
Vous avez également mentionné un accord avec La Réunion. De quoi s’agit-il ?
La sécurité reste une préoccupation majeure pour les deux îles sœurs. L’accord que nous avons signé est une lettre d’intention entre les douanes, permettant l’échange d’informations et la mise en place d’opérations conjointes pour améliorer notre efficacité collective. Deux autres accords seront signés ultérieurement, l’un portant sur la surveillance maritime et l’autre sur la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, des sujets très sensibles pour les deux parties.
Mais ce problème de trafic existe depuis des décennies. Pensez-vous que ces accords y mettront fin ?
Ils contribueront certainement à améliorer notre coopération. Il est important de noter que des groupes techniques entre les acteurs de la sécurité de nos deux pays existent déjà et se consultent régulièrement.
Il a également été question de la gestion des déchets solides lors de la visite de M. Olivier Becht. Que contient cet accord ?
Nous savons que 95 % des déchets solides sont actuellement traités par enfouissement. Depuis 1997, plus de neuf millions de tonnes de déchets ont été déversées à Mare-Chicose, un site proche de la saturation. Maurice cherche à adopter d’autres modes de gestion des déchets, notamment l’économie circulaire, qui consiste à retraiter les déchets pour les réutiliser, réduisant ainsi le volume destiné à l’enfouissement.
Encore une fois, nous avons souhaité accompagner les efforts de Maurice dans cette voie. C’est dans ce sens qu’une convention de don de 500 000 euros a été signée avec l’AFD. L’accompagnement se fera à travers la formalisation d’une stratégie, des formations du personnel et de travail commun. Je tiens à souligner que ce problème est similaire pour les deux îles. Lorsqu’on aborde la gestion des déchets, on se heurte toujours à la question du volume. Lorsque le volume est important, des solutions économiques peuvent être trouvées. Par exemple, en France métropolitaine, il n’y a qu’une seule usine pour le traitement du papier et du carton, ce qui illustre l’importance du volume nécessaire pour démarrer. Les économies plus petites comme Maurice et La Réunion sont bien en deçà de ce volume, raison pour laquelle il est nécessaire de se mettre ensemble pour trouver des solutions. Cette collaboration fait partie des pistes sur lesquels nous réfléchissons actuellement.
Le ministre a également visité le viaduc de Sorèze. Quelles impressions vous a-t-il livrées ?
C’était une visite de chantier, car le projet est en phase d’achèvement. Je pense qu’il sera inauguré début 2024 par les autorités mauriciennes. Le ministre a tenu à visiter ce chantier car il représente une très belle histoire de collaboration entre Maurice et les entreprises françaises. Le viaduc a été construit par un consortium mené par Transinvest, une filiale de Colas. Ce pont est un ouvrage emblématique car il repose sur des techniques de pointe. Je peux vous dire que dans le monde, il n’y a qu’une dizaine de structures de ce type. C’est l’exemple parfait de haute technologie.
Est-ce la méthode de construction qui explique la durée du chantier ?
La construction de ce viaduc a été marquée par divers événements, notamment la pandémie de Covid-19. Il a fallu trouver de la main-d’œuvre alors que les déplacements internationaux étaient limités. Le personnel est venu de La Réunion. Profitant de l’expertise acquise lors de récents travaux d’infrastructures massifs là-bas, l’entreprise a pu mener à bien ce projet de manière efficace tout en respectant au mieux les délais. Il est important de souligner que ce projet ne se limite pas au viaduc lui-même, mais comprend également des échangeurs et d’autres fonctionnalités.
Y aura-t-il d’autres projets d’infrastructures collaboratifs ?
L’une des raisons ayant conduit Transinvest à remporter ce contrat était son engagement à utiliser 80 % de main-d’œuvre locale. Cela a non seulement permis de créer des emplois, mais a également favorisé un transfert considérable de connaissances et de compétences. Aujourd’hui, les équipes d’ouvriers, de contremaîtres et de cadres bénéficient d’un niveau technique très élevé. Pour répondre à votre question, des projets collaboratifs sont déjà en cours, avec la présence d’entreprises françaises à Maurice, et d’autres projets sont à venir. Par exemple, une fois que la stratégie en matière de gestion de l’eau sera définie, il sera nécessaire de la mettre en pratique, et encore une fois, l’expertise française sera précieuse.
Le ministre a également visité le lycée des Mascareignes. Pourquoi cette école en particulier ?
Ce lycée a inauguré la première section sport-études multisports dans tout le réseau des écoles françaises à l’étranger. Actuellement, cela permet à une centaine d’élèves de pratiquer un sport de haut niveau tout en suivant une scolarité classique. Ils bénéficient d’un encadrement comprenant un coaching physique, un suivi diététique et un soutien psychologique pour optimiser leur potentiel sportif. Certains ont déjà participé aux Jeux des îles de l’océan Indien et sont des candidats potentiels pour les futures compétitions olympiques.
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