Publicité
Autopsie
Complexités, controverses et rapports loin de la réalité
Par
Partager cet article
Autopsie
Complexités, controverses et rapports loin de la réalité
Les aveux de Jonathan Alexandre Merle à l’effet qu’il aurait étouffé sa femme, Nancy Merle, avec un oreiller, sont venus pointer du doigt les examens post-mortem. C’est le Dr Sudesh Kumar Gungadin, Chief Police Medical Officer, qui a réceptionné le cadavre de Nancy Merle et qui l’a examiné sans l’ouvrir. Et a conclu qu’elle est morte de cause naturelle. Il a fallu que les parents de la défunte et l’activiste Jenssy Sabapathee réclament une enquête après ses funérailles pour que son époux avoue le crime. Focus sur les complexités entourant les procédures post-mortem et retour sur ces cas controversés où les conclusions des rapports d’autopsie ne reflètent pas la réalité.
Dans le domaine médical, l’autopsie demeure une démarche cruciale visant à déterminer la cause du décès, en particulier dans des situations de mort soudaine, inattendue ou suspecte. Elle comprend des observations visuelles, et des examens toxicologiques, sanguins et d’urine pour identifier d’autres pathologies. Selon les directives émises par le ministère de la Santé concernant le maniement des dépouilles, les cas à référer pour autopsie comprennent la mort soudaine et inattendue d’une personne jeune souffrant d’une maladie ou d’une pathologie quelconque, la mort par noyade, pendaison, accident de la route, ou une mort accidentelle causée par une chute d’une hauteur ou sur un lieu de travail, un homicide, ainsi que la mort en cellule policière, en prison ou dans un centre de réhabilitation. Les cas de décès d’un enfant battu, de décès maternel, de décès par anesthésie et d’une personne présentée comme décédée sans maladie ou pathologie significative doivent également être soumis à des autopsies conformément aux lignes directrices.
Quand et qui décide des autopsies ? Il n’y a pas de réponses précises à cette question, explique un médecin légiste. «Tout dépend de la perspicacité du médecin légiste, mais aussi des informations qu’il reçoit et des éléments fournis par la police.» Lorsqu’il y a un décès tombant dans une des catégories susmentionnées, c’est un magistrat qui donne l’autorisation pour procéder à l’autopsie. «Souvent, dépendant des circonstances et de l’enquête, le médecin légiste peut décider de ne pas aller de l’avant. Par exemple, si la famille explique les circonstances du décès, que rien de suspect n’est décelé sur les lieux du décès par la police ou par le médecin légiste lui-même, et que la personne a des antécédents médicaux, entre autres, le spécialiste médicolégal peut décider de ne pas pratiquer d’autopsie. A contrario, dans le cas où la famille insiste pour ne pas en faire, mais que la police ou le médecin légiste a des soupçons, l’autopsie se fera. Le dernier mot revient toujours au médecin légiste car l’autorisation de la cour a déjà été obtenue.»
Dans le cas de Nancy Merle, une source officielle nous a expliqué qu’aucune blessure n’a été constatée sur son visage, constat aussi fait par écrit par les urgentistes qui sont intervenus après avoir été alertés, et qu’aucun acte criminel n’a été suspecté par les autorités. Ses proches, en revanche, soutiennent avoir remarqué des traces bleues sur ses bras, que ses lèvres étaient devenues mauves et qu’il y avait une enflure au niveau de ses jambes. Et ils pointent du doigt la manière dont l’affaire a été gérée dans un premier temps. «La version de Jonathan, qui l’a tuée, a été prise au mot lorsqu’il a dit qu’elle avait des problèmes de santé et qu’il a refusé à trois reprises qu’une autopsie soit faite alors que Nancy s’était précipité à la police dans la nuit du 8 mai après une violente dispute, pour faire des démarches en vue d’obtenir un protection order contre lui. Comment se fait-il que les autorités n’aient pas pris en compte cet élément quand cette femme de 28 ans gisait morte sur la table de la morgue ?» Les proches de Nancy poursuivent leurs efforts en vue de l’exhumation de sa dépouille afin qu’une autopsie soit pratiquée et que la vérité éclate au grand jour.
Des cas qui ont fait sourciller
Il existe plusieurs cas où les examens post-mortem ont fait sourciller. Dans le milieu de la police, l’autopsie de Jimmy Steeve Louis figure toujours parmi les dossiers chauds. En mai 2021, ce soudeur de 46 ans a été retrouvé mort dans une maison à Rivière-Noire. L’autopsie a conclu qu’il était décédé de causes naturelles, soit d’une left ventricular failure et il a été enterré le lendemain. Il a fallu la persévérance de son frère, qui a cherché des témoins cruciaux, pour que la police décide d’enquêter. Quelques temps après, deux suspects ont été arrêtés. L’enquête a démontré qu’une substance avait été administrée à la victime et que cela l’avait tué. La famille ne comprenait pas, à l’époque, comment la première enquête avait été faite, ni comment la cause de décès déterminée par un médecin légiste pouvait être naturelle, surtout que le corps du défunt avait des traces d’injections sur la peau.
Le cas de Khatiba Goburdhun doit également être rappelé. Son corps sans vie a été retrouvé à son domicile en mars 2022. À l’époque, Sandrine Rathbone et Nacir Buckreedun étaient ses locataires. Ils ont averti l’époux de Khatiba Goburdhun, Pascal Phonesavanh Chantapanye, du décès de sa femme en lui racontant que la veille, celle-ci s’était tellement enivrée qu’ils avaient dû la reconduire à sa chambre. Cette histoire avait rapidement éveillé les soupçons du mari car la victime ne consommait pas d’alcool. L’époux a aussi rejeté les conclusions du rapport d’autopsie qui avait conclu à un œdème pulmonaire, soit une cause naturelle. Ayant remarqué une ecchymose près de l’œil de son épouse avant ses funérailles, il a porté plainte à la police, et a fait une demande au commissaire de police pour obtenir le rapport d’autopsie et d’autres résultats d’examens en vue de réaliser une contre-autopsie. Cependant, la police a refusé d’approfondir l’affaire, préférant se fier à la cause de mort naturelle comme le stipule le rapport d’autopsie.
En septembre 2023, les corps sans vie de Presram et Indira Sookur ont été retrouvés à leur domicile. La cause du décès de Presram Sookur est restée indéterminée en raison de l’état de décomposition de sa dépouille tandis qu’il a été établi qu’Indira Sookur est morte d’asphyxie. Sandrine Rathbone et Nacir Buckreedun ont été arrêtés lors de l’enquête policière et coup de théâtre, ils ont avoué avoir tué non seulement le couple Sookur mais aussi Khatiba Goburdhun.
Dans l’affaire Soopramanien Kistnen, l’autopsie, pratiquée le 19 octobre 2020, avait attribué sa mort à un œdème pulmonaire «due to inhalation of fumes/products of combustion». La police avait écarté la thèse du meurtre et les enquêteurs avaient évoqué l’état d’ivresse dans lequel se trouvait Soopramanien Kistnen au moment de sa mort. Peu après, la police avait informé la famille qu’il n’y avait pas eu d’acte criminel. Il avait également été avancé que Soopramanien Kistnen s’était suicidé, avant même qu’une enquête approfondie ne soit menée. Ce que ses proches ont rejeté catégoriquement car selon eux, Soopramanien Kistnen ne buvait pratiquement jamais. Deux ans après, l’enquête judiciaire a conclu à un homicide et a écarté totalement la thèse de suicide. La magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath a d’ailleurs remis en question la manière dont la police avait mené son enquête. Elle a recommandé ensuite qu’une enquête soit ouverte sur la manière «obscure» dont l’autopsie avait été pratiquée.
Enquête policière et perspicacité du légiste
«Ces cas démontrent que tout d’abord, l’enquête doit être bien faite. C’est le premier élément des autopsies», explique une source policière. Mais beaucoup dépend aussi de la perspicacité du médecin légiste. Notre interlocuteur revient sur un cas de pendaison que la police avait, encore une fois, envoyé à la morgue comme mort naturelle et la famille ne voulait pas d’autopsie. En examinant le corps, le médecin légiste avait vu des marques autour du cou et avait conclu à une pendaison. Une autopsie a alors été exigée par ce dernier. Le cadavre avait aussi des égratignures sur le dos. «Tous ces éléments ont poussé le médecin légiste à faire une autopsie méticuleuse, ce qui a finalement mené à l’arrestation de plusieurs suspects et conclure à un meurtre. Si ti ekout zis lanket, zame ti pou kone.»
Il y a aussi le cas d’un enfant noyé dans un bassin, qui est encore le sujet des conversations. Après des versions divergentes de la famille, le médecin légiste de service a décidé de procéder à une autopsie et a visité les lieux. «Il a été démontré que c’était un cas de négligence et pas un accident», poursuit la source policière. Dans ces cas, le rapport d’autopsie, incluant des détails sur le lieu du crime, oblige la police à poursuivre ou à réorienter son enquête.
Publicité
Les plus récents