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Affaire St-Louis
Condamnation, charges provisoires rayées et accusations formelles
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Affaire St-Louis
Condamnation, charges provisoires rayées et accusations formelles

Le 21 janvier, une nouvelle charge provisoire, soit celle retenue contre l’ancien ministre Swaley Kasenally - a été rayée en cour de Curepipe, dans l’affaire St-Louis. Cinq ans cette année depuis l’éclatement de ce scandale lié à l’attribution du contrat de modernisation de la centrale thermique de St-Louis à la firme danoise Burmeister & Wain Scandinavian Contractor. L’occasion de faire le point sur cette nébuleuse, qui avait vu la révocation, le 25 juin 2020, de l’ancien n°2 du gouvernement Ivan Collendavelloo, après son refus de «step down». Poste qu’il n’a plus jamais retrouvé.
Juillet 2024. Au Danemark, pays de la firme incriminée Burmeister & Wain Scandinavian Contractor (BWSC), l’affaire a abouti à une condamnation, au bout de quatre ans d’enquête. La société danoise a accepté de payer une amende de Rs 65 millions (dix millions de couronnes danoises - DKK). Elle a reconnu avoir versé des pots-de-vin à des parties prenantes mauriciennes dans le cadre de l’appel d’offres pour la modernisation de la centrale thermique de St-Louis, au coût de Rs 4,3 milliards et financée par la Banque africaine de développement (BAD). Cette sanction annoncée par la National Special Crime Unit, fait suite à l’aveu de BWSC en 2019 sur son implication potentielle dans des faits de corruption. Cette unité spéciale de la police danoise a précisé que les actes de corruption ont eu lieu entre janvier 2011 et octobre 2017, période durant laquelle BWSC cherchait à obtenir le contrat de ce projet d’une valeur de 790 millions DKK.
BWSC a donc été sanctionnée pour avoir versé au moins Rs 4,3 millions (632 000 DKK) à des politiciens, des fonctionnaires et d’autres décideurs à Maurice, par l’intermédiaire de tiers, afin d’accéder à des informations confidentielles qui lui ont permis d’obtenir un avantage dans l’appel d’offres. La firme danoise avait participé, en 2014 et 2015, aux appels d’offres, qu’elle avait remportés. Le projet de la centrale électrique a été complété en novembre 2017.
Le 8 juin 2020, BWSC avait été exclue par la BAD pour une période de 21 mois pour ces pratiques sanctionnables. Cela, après les conclusions d’une enquête menée par le Bureau de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la banque.
Charges formelles
A Maurice, si plusieurs inculpations provisoires ont été rayées, d’autres individus font face à des charges formelles. Le 20 septembre 2024, la Financial Crimes Commission a déposé des accusations formelles devant la Financial Crimes Division de la cour intermédiaire, contre l’ancien haut cadre du Central Electricity Board (CEB), Chavan Dabeedin, le patron de PAD Co Limited, Alain Hao Thyn Voon et le représentant local de la firme BWSC, Bertrand Lagesse.
Bertrand Lagesse : Représentant local de BWSC à Maurice, inculpé de 66 chefs d’accusation de blanchiment d’argent et une charge de corruption.
Chavan Dabeedin : Haut cadre du CEB inculpé de 12 chefs d’accusation de corruption et 13 de blanchiment d’argent. Ce qu’il conteste, par le biais de ses avocats, Mᵉ Antoine Domingue, Senior Counsel, et Mᵉˢ Rajesh Unnuth et Abdalaliyy Farhad Aumeer.
Toutefois, si initalement son nom était cité dans cette affaire, il s'avère que les accusations portées contre lui ne s'y rapportent pas directement, mais concernent des «travaux souterrains» (underground works) de câbles dans tout le pays. Cet élément a été révélé devant la Financial Crimes Division (FCD) de la cour intermédiaire, le 20 janvier 2025, par Mᵉ Atish Roopchand, représentant de la Financial Crimes Commission (FCC) et paraissait à la lecture de l’acte d’accusation de septembre 2024.
Alain Hao Thyn Voon : Patron de la firme de construction PAD CO, poursuivi pour 15 chefs d’accusation de corruption.
Shamshir Mukoon : Ancien directeur général par intérim du CEB, il a été arrêté en juin 2021 par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) sous une accusation provisoire de «public official using office for gratification». En juin 2024, la charge provisoire contre lui a été rayée par le tribunal de Curepipe, faute de charge formelle dans un délai raisonnable.
Ivan Collendavelloo : L’ancien Premier ministre adjoint et ministre des Services publics, qui a refusé de «step down», a été révoqué de ses fonctions le 25 juin 2020 par l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth, qui s’est basé sur l’inscription supposée du nom de son adjoint dans un «papier» de la BAD. Ce n’est que le 23 octobre 2023, qu’Ivan Collendavelloo a été auditionné par l’ex-ICAC, qui n’a trouvé aucun élément incriminant contre lui.
Paul Bérenger : Le leader du Mouvement militant mauricien (MMM) et actuel Premier ministre adjoint a également été cité dans le «papier» de la BAD reçu par Pravind Jugnauth. Pas tangible puisque Paul Bérenger, qui a publiquement réclamé la mise en place d’une commission d’enquête présidée par un ancien chef juge pour faire toute la lumière sur cette affaire, et que tous les noms cités dans le rapport ainsi que les documents remis par la BAD soient rendus publics, n’a jamais été inquiété ni par la défunte ICAC, ni par la FCC. Une FCC appelée à être remplacée par une National Crime Agency and other Serious Crimes.
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«A fair hearing within a reasonable time»
Par ailleurs, plusieurs personnes avaient été inculpées provisoirement avant que certaines charges ne soient abandonnées faute de preuves suffisantes ou de délai raisonnable. La dernière en date du 21 janvier concerne l’ancien ministre de l’Energie Swaley Kasenally, 88 ans, qui a vu la charge provisoire de trafic d’influence être rayée par la cour de district de Curepipe.
Arrêté le 23 septembre 2021, la défunte commission anticorruption (ICAC) lui reprochait d’avoir obtenu de BWSC, six billets d’avion pour Dubaï et la somme de Rs 500 000, de 2012 à 2019, dans le cadre du projet de St-Louis.
Le professeur Swaley Kasenally, sous serment, avait fait savoir qu’il était consultant pour le compte de BWSC en 2019 et que ses services avaient été retenus légalement pour son expérience dans le domaine énergétique, pour qu’il entreprenne des voyages dans des pays arabes pour trouver des investissements financiers pour BWSC.
Dans son verdict, la magistrate Azna Bholah de la cour de Curepipe, fait ressortir que plus de trois ans plus tard, l’enquête de l’ICAC n’avait toujours pas été bouclée et qu’une éventuelle charge formelle contre le professeur Swaley Kasenally demeurait incertaine.
«True it is that no formal charge has been preferred against the applicant but having noted that since September 2021 till now, the fact that the eventual lodging of the main case is uncertain as averred by the Enquiring Officer, I view that the timeframe indeed constitute an infringement of the applicant’s rights under section 10 (1) of the Constitution which is the right to a fair hearing within a reasonable time», soutient la magistrate.
D’ajouter : «Even though the prosecution had the opportunity to put in an affidavit to explain the delay they opted to rely on the sole evidence of the enquiring officer. The Court can only refer to the oral evidence of the EO to take cognizance of the history of the case and the reasons for delay».
La magistrate va plus loin en soulignant : «The court is not oblivious to the nature and complexity of the enquiry and it cannot be disavowed that indeed the present matter is a complex one. It has not been disputed that the number of witnesses, suspects, the amount of documentation, including digital information and the procedure underlying the analysis of all the evidence during the enquiry, is quite extensive and time consuming thus requiring a significant level of resources as well. However it is apposite to note that from the 16 th of February 2022, several enquiring officers have testified and stated that the enquiry has not been completed as it is short of documentation from Denmark. On the 26 th of October 2023, one EO has claimed that the investigation was complete whereas on the 21st of May 2024, the EO clearly stated under oath that the enquiry is almost complete and December 2024, the suspect will be aware of his fate. I am of the view that such statements made under oath are quite confusing and appalling. Furthermore it has been constantly highlighted that as at date the documentation which is being awaited from Denmark since the provisional charge has been lodged, has not yet been obtained. (…) It is unfathomable to keep a suspect provisionally charged during such a lengthy period of time without any certainty as to whether and/or when a main charge is going to be preferred against him».
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