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Polémique

Congé en cas d’intempéries: Les patrons font la pluie et le beau temps

28 avril 2024, 19:00

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Congé en cas d’intempéries: Les patrons font la pluie et le beau temps

Une fois n’est pas coutume : hormis les fonctionnaires, les employés du secteur privé recevaient également des directives du National Crisis Commitee (NCC), leur disant de ne pas se rendre au travail le lundi 22 avril... Alors que tout le monde jubilait sur les réseaux sociaux, qu’on parlait même de «cadeau pré-électoral», certains allaient vite déchanter, des patrons et entreprises ayant décidé de rappeler les troupes alors que la météo levait l’alerte de veille de fortes pluies. Que dit la loi dans ce cas ? A-t-on le droit de forcer un employé à venir travailler ? De trancher dans ces*«local leaves»* s’il choisit de ne pas d’y rendre ?

En fait, il n’y a pas encore de cadre légal pour définir clairement les conditions de travail en cas de pluies torrentielles ou d’intempéries ayant rendu les routes impraticables, par exemple ; contrairement à l’alerte cyclonique 3 où la population doit rester confinée. Jusqu’à présent, la procédure impliquait que le gouvernement annonce des directives pour les fonctionnaires et laisse Business Mauritius décider de la conduite à adopter pour le secteur privé. Il faut noter que le NCC, sous l’article IV de la National Disaster Risk Reduction and Management Act 2016, est tout de même mandaté pour prendre les mesures qui s’imposent pour protéger la population des dangers potentiels. Le lundi 22 avril, bien que la météo se soit améliorée et toutes les alertes levées, la directive de ne pas se rendre au travail était toujours en vigueur. Alors que pour beaucoup, les consignes étaient claires et qu’elle a été suivie, certains se sont retrouvés dans une situation délicate, contraints de se rendre au boulot à leur insu.

Absence en alerte cyclonique 3

En situation d’alerte cyclonique 3, il est bien établi que les employés ne se rendent pas au travail, ce qui élimine toute confusion et permet à chacun de connaître ses droits et ses devoirs. Lorsqu’une alerte cyclonique de classe 3 ou 4 est émise, tous les employés, sauf ceux des services d’urgence ont le droit de s’absenter du travail, cette situation étant un cas de force majeure. Cette absence leur permet de rester en sécurité chez eux sans risque de sanction ou de perte de salaire. Leur employeur doit donc accorder les rémunérer au taux régulier pendant la durée de l›alerte. «Cependant, certains employés, notamment ceux des services essentiels, peuvent être amenés à travailler même pendant ces alertes, compte tenu de la nature cruciale de leurs fonctions. Dans ces cas, l’article 32 stipule que ceux qui travaillent pendant une alerte de classe 3 ou 4 doivent être indemnisés à un taux équivalent à trois fois leur taux normal de base», rappelle un avocat.

Par ailleurs, si un employé choisit de ne pas travailler pendant une alerte cyclonique, même s’il fait partie des services essentiels, il ne doit pas être sanctionné et sera rémunéré au taux régulier pour la période d’absence. Cette disposition protège les employés qui, pour des raisons de sécurité personnelle ou de logistique, ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail.

En 2020, la Workers’ Rights Act a été amendée par la Covid-19 (Miscellaneous Provisions) Act pour y inclure l’article 17A, c’est-à-dire, le travail à domicile, disposition renforcée en 2023. De plus, selon l’article 32 de la loi, qui traite de la rémunération dans d’autres circonstances spécifiques, la partie (1A) stipule que lors de conditions météo extrêmes, y compris des pluies abondantes ou torrentielles, bien que cette partie fasse aussi provision pour le travail en cas de pluies torrentielles, elle reste toutefois floue et sujette à plusieurs interprétations. Mais une chose est claire : l’employeur ne peut pas exiger d’un travailleur qu’il se présente au travail ou qu’il continue à travailler dans des conditions météo extrêmes. Les fonctionnaires ont par contre un Heavy Rainfall Protocol qui leur dit clairement ce qu’il faut faire dans ces cas.

Rémunération et congés déduits

La syndicaliste Jane Ragoo de la confédération des travailleurs du secteur public et privé (CTSP) fait ressortir que le communiqué du NCC est très clair et que l’ordre de ne pas se rendre au travail concerne tous les secteurs.«Nous devons clairement définir ce que sont les services essentiels. C’est là que réside la confusion. Dans le même communiqué, il est demandé de ne pas sortir, puis il est mentionné que certains services sont essentiels, et ensuite, il est dit que certains services, bien que non essentiels, peuvent ouvrir mais en prenant des précautions maximales. Au CTSP, nous avons reçu plusieurs appels de travailleurs à qui leur employeur demandait de se présenter au travail, malgré le communiqué. Nous avons conseillé aux travailleurs de ne pas s’y rendre et pour les services essentiels, nous avons demandé des facilités de transport», déclare Jane Ragoo.

Les employés ayant choisi de ne pas se rendre au travail ont été exposés à la question de rémunération ou de congé déduit. Une fois de plus, en l’absence de législation claire, des employeurs feraient la pluie et le beau temps. «Nous sommes confrontés au problème de déduction des congés locaux pour ceux absents. Nous ne pouvons pas accepter une politique de deux poids, deux mesures. La santé et la sécurité avant le profit, car la vie humaine est inestimable. Nous avons fait des progrès, mais les décisions communiquées devraient être plus élaborées car certains employeurs ne pensent qu’au profit», insiste la syndicaliste.

Services essentiels… flottants

La définition des services essentiels varie selon les circonstances et les besoins de la société, comme nous l’avons observé dans diverses crises. Pendant la pandémie de Covid-19, les services considérés comme essentiels incluaient les forces de l’ordre, les services médicaux tels qu’hôpitaux et cliniques, sapeurs-pompiers, ainsi que les infrastructures critiques telles que port et aéroport. Par la suite, le secteur hôtelier y a été ajouté pour héberger les touristes incapables de rentrer chez eux avec les frontières fermées et restrictions de voyage.

Plus récemment, les éboueurs on rejoint cette liste. Malgré les intempéries et la fermeture des bureaux, ces travailleurs continuent d’assurer la propreté et l’hygiène des villes. Un autre débat a surgi lorsqu’il a été demandé aux employés des supermarchés de continuer à travailler alors que le NCC avait ordonné la fermeture des entreprises non essentielles. Cela pose la question de savoir si les supermarchés doivent être considérés comme essentiels. L’absence d’une liste claire et précise des services essentiels entraîne à chaque fois la confusion et des difficultés en temps de crise. Il est donc impératif que les autorités définissent clairement quels secteurs doivent absolument rester opérationnels.

Quelques témoignages sur facebook...

Z. D. : «Mwa mo travay minisipalité, pandan Covid pa ti konsider nou kouma servis ésansyel, sé kominiké yer inn kinn dir ki zis servis ésansyel ki bizin al travay, mwa monn res lakaz, demin kan mo rantré si fer manyer ar mwa, lerla mo val dir zot séki mo pansé…»

C. S. : «Péna enn lalwa kler ek lor sa ‘work from home’-la ek dan ki sityasyon bizin servi li... Kot éna insertitid éna abu ek dézord.»

A. V. : «Aswar dir péna travay. Gramatin 6-zer patron dir oblizé vinn travay, sinon pou koup ‘attendance bonus’. Sekter privé dir sa zour konzé-la pou koup dan lokal.»

A. L. : «Ki serti li dir sekter privé ek piblik res lakaz, mall ouver, dimounn pa gayn drwa sorti. Mo pa konpran sa lozik-la... koumsa bann mall pé vinn mizer pou enn zour, séki mo pé konpran sé ki bann magazin ban komersan in vinn enn servis esansyel aster.»