Il est l’un de ces rares lanceurs d’alerte qui n’ont pas eu peur de tout balancer en public. Mais certains pensent que c’est justement parce que Kishore Ramkhalawon a tout étalé dans la presse qu’il n’a pas connu le sort des autres. Il nous le disait en avril 2023 : «Vous savez, à Moka, c’est la circonscription du boss. Tout y coûte très cher… Et si l’on pense à protester, eh bien, on risque de se retrouver dans un champ de cannes…»

Il avait fait des révélations accablantes sur la façon dont les contrats pour la construction et l’entretien de drains notamment, sont alloués dans le district de Moka. Après une enquête, l’express avait pu confirmer qu’on y abuse des procédures d’urgence et même quand il s’agit d’appels d’offres, un système à la Kistnen était utilisé pour se partager les contrats. Des dizaines de millions de roupies ont été déversées dans des projets parfois inachevés. Nous apprenions aussi comment on nettoyait les drains ‘mentimenti.’ «On ouvrait une plaque du trottoir pendant quelques jours pour faire croire que le drain était en train d’être passé sous pression.» En fait, c’était les caisses du conseil de district qui étaient passées au Karcher…

Il faut dire que Kishore Ramkhalawon n’est pas un ‘kapon’. Ancien cadre de la State Bank, ce grand gaillard était aussi un redoutable joueur de football. Devanand Rittoo, lui-même ancien arrière central et qui n’était pas un tendre sur le terrain, se souvient de son collègue et coéquipier du club de foot de la banque, dans lequel évoluaient également les Jaya Pillay, Charles Palmyre et autres Rajesh Gunesh, qu’on ne présente plus. «Kishore occupait le poste d’arrière gauche et il ne laissait passer personne. Ça passait ou ça cassait.» Mais une fois hors du terrain de foot, Kishore redevenait ce gentil et sympathique manager de succursale. Son expérience de banquier ne pouvait que lui servir pour comprendre facilement ce qui se passait au conseil de district de Moka. Bref, il ne pouvait être dupé par les réponses évasives à ses questions. «Et malheur à ceux qui tentaient de l’intimider !» nous dit un membre du conseil de district.

Kishore Ramkhalawon est aussi le président du conseil du petit village de La Laura où il réside. Les habitants le respectent et peuvent compter sur lui. Sa popularité parmi les villageois, ajoutée à son honnêteté ont fait que Kishore n’a pas fait l’objet de mesures de représailles après ses révélations. Pour ceux qui s’inquiétaient de son sort, il les rassure : «Je vais très bien.»

Cependant, ni la commission anti-corruption ni aucune autre autorité n’a enquêté sur ses révélations. Mais selon nos informations, Kishore Ramkhalawon a pu mettre un frein à l’appétit gargantuesque de certains. «Il mérite grandement notre respect, rien que pour cela», nous dit un des membres du conseil de district.