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Élection du speaker
«Coq-ophonie»
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Élection du speaker
«Coq-ophonie»
L’élection d’Adrien Duval comme speaker jeudi dernier divise. D’un côté, l’opposition parle d’un viol de notre Constitution. De l’autre, le gouvernement affirme que tout a été fait dans les règles. Entre, les avis des spécialistes divergent. Au milieu de tout cela, le deputy speaker, qui tient un rôle crucial au sein de l’Assemblée et dans le débat, s’est muré dans le silence. La machinerie politique avance toujours, mais avec de plus en plus de mal.
Constitution vs «Standing Orders»
L’opposition parle d’une même voix. L’article 50 de la Constitution prévoit que «the speaker or in his absence the deputy speaker or in their absence a member of the Assembly (not being a Minister) elected by the Assembly for the sitting, shall preside at any sitting of the Assembly». Selon cette disposition, c’est Zahid Nazurally qui aurait dû présider la séance lors de l’élection d’Adrien Duval. D’ailleurs, selon Arvin Boolell, lorsque le deputy speaker a tenté de parler à la clerk de l’Assemblée jeudi dernier, cette dernière lui a tourné le dos.
Après les protestations de l’opposition, Alan Ganoo a tenu une conférence de presse pour dire que l’article 7 de nos Standing Orders est clair. Aucune séance ne peut avoir lieu si le siège du speaker est vacant. D’ailleurs, le cas présent est très explicitement mentionné dans les Standing Orders. «If the office of the speaker becomes vacant at any time before the next dissolution of the Assembly (…) at its next sitting after the occurrence of the vacancy, elect from among its members, other than Ministers and Parliamentary Private Secretaries, a speaker of the Assembly.» La raison pour laquelle Adrien Duval a été choisi alors qu’il n’est pas un membre de l’Assemblée est encore une fois à l’article 32 de la Constitution, qui dit que le speaker doit être choisi, «at its first sitting after any general election (…) from among its members or otherwise». Le problème technique que pose ce choix est désormais de savoir si la Constitution parle uniquement d’un vote pour choisir un nouveau speaker après les élections.
Dans notre édition de vendredi, Milan Meetarbhan avait avancé un autre point. Estce que la démission du speaker prend effet uniquement lorsque le nouveau est élu ? Les Standing Orders précisent que lorsqu’un nouveau speaker doit être élu, «the speaker shall continue to take the Chair and shall perform the duties and exercise the authority of speaker until a new speaker has been chosen». Dans ce cas, nous nous retrouvons dans une situation où Sooroojdev Phokeer devait toujours être speaker après sa démission et ce, jusqu’à la nomination du nouveau. En son absence, c’est Zahid Nazurally qui devait le remplacer lors de cette séance, et pas la clerk.
«Absence» vs «vacant»
Mais il faut faire attention aux termes. Razack Peeroo, ancien speaker, avance que l’article 50 de la Constitution parle de remplacement. «Mais lorsqu’il n’y a pas de speaker, le deputy speaker ne peut pas le remplacer !» Raison pour laquelle il renvoie à l’article 32, situation où après les élections générales, il n’y a pas de speaker. Pour lui, c’est cette section qui était applicable dans le cas présent. «Et il n’y a qu’à remonter dans le passé. Tous les speakers ont été nommés par les clerks», rappelle-t-il.
De plus, il y a une nuance entre «absence» et «vacant», fait ressortir l’ancien speaker et président de la République Kailash Purryag. «L’article 50 de la Constitution parle du cas où le speaker est absent. Or, dans le cas présent, il n’était pas absent. Le poste est vacant. Donc, l’élection doit avoir lieu comme après les élections générales. La clerk lit l’agenda et le Premier ministre propose un nom. Cela ne peut en être autrement», affirme-t-il. Mais le constitutionaliste Rajen Narsinghen, lui, maintient sa position. Il y a eu un viol de la Constitution, car c’est Zahid Nazurally qui aurait dû proposer le nom selon l’article 50. Dans son livre initulé Parliament in Mauritius, Hansraj Marthur avait parlé d’un autre type d’absence. «In the unavoidable absence of the speaker, it is the deputy speaker who presides over the sittings of the Assembly», ce qui conforte le point de vue des contestataires de l’élection d’Adrien Duval. L’«unavoidable absence» est mentionnée dans Erskine May, considéré comme la Bible des procédures parlementaires du modèle westminsterien. Il y est mentionné qu’en l’absence, ou «unavoidable absence» du speaker, «the speaker’s place at the table is then taken by the deputy speaker». Dans la partie consacrée à l’«election of a speaker in course of session», il est dit, comme dans nos Standing Orders, que le speaker sortant reste en poste jusqu’à l’élection du prochain. Cependant, s’il n’est pas en mesure de le faire, c’est le parlementaire élu qui a siégé le plus longtemps qui doit présider la séance. Mais cette tradition n’a jamais été mise en pratique à Maurice.
Face à toutes ces versions et technicités, la question de savoir si l’élection d’Adrien Duval a été faite dans les règles n’a pas de réponse claire, si ce n’est que les Standing Orders sont sans ambiguïté sur le rôle de Zahid Nazurally dans le cas de l’élection d’un speaker en cours de route. Rajen Narsinghen avait, lui, affirmé que cette question a un intérêt légal et constitutionnel pour l’opposition, mais avait exprimé des réserves quant à la pertinence de porter cette affaire devant la cour et les tactiques dilatoires que les avocats peuvent utiliser pour la retarder. Dans la foulée, il ajoute que l’opposition ne peut néanmoins pas rester les bras croisés.
L’alliance MSM-PMSD se précise
Même si cela n’a pas été dit publiquement, le PMSD avait imposé quatre conditions pour rejoindre le MSM avant les prochaines élections. Il fallait retourner le Champ-de-Mars au Mauritius Turf Club, se débarrasser de Sooroojdev Phokeer et d’Anil Kumar Dip et revoir le secteur de l’éducation. Depuis, les choses sont allées très vite. Lee Shim a été éjecté, Sooroojdev Phokeer a dû plier bagages et la Financial Crimes Commission a démarré une enquête sur les voitures du commissaire de police... Ce qui fait dire aux observateurs qu’une alliance bleue-orange est imminente, même si Xavier-Luc Duval assure toujours le contraire.
Rôle
Selon Razack Peeroo, un speaker a un rôle crucial car il est le garant de la démocratie. «Généralement, lors de son élection, il faut une consultation entre le Premier ministre et le leader de l’opposition car il doit faire consensus. Au Parlement, il a le rôle d’un juge et doit être strictement indépendant et totalement impartial.» Le speaker, rajoute-t-il, doit avoir la même considération envers le Premier ministre qu’envers le leader de l’opposition. De plus, il rappelle que pendant son speakership, il n’a jamais expulsé personne. «C’est une décision importante car un député est un élu et représente ses mandants. Le priver de sa voix est une décision très lourde», fait-il ressortir. Il explique que notre Constitution est unique dans le sens où elle prévoit que le speaker peut être quelqu’un qui ne vient pas du Parlement, qui n’a pas été élu. «C’est dans le cas où aucun député ne possède les qualités nécessaires... C’est dire à quel point ces qualités sont importantes.»
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