Publicité
Kronik KC Ranzé
Corriger et réconcilier… … avant d’avancer
Par
Partager cet article
Kronik KC Ranzé
Corriger et réconcilier… … avant d’avancer

Cette semaine, Statistics Mauritius se rebiffait et corrigeait ses propres chiffres!
Après le State of the Economy (SOTE), il ne pouvait en être autrement, puisque les chiffres fournis et validés pour ce rapport du nouveau gouvernement ne pouvaient que provenir de… Statistics Mauritius lui-même !
Au final, nous n’avons PAS réussi une croissance de 7 % en 2023, mais seulement de 5,6 % et la croissance annoncée de 6,5 % pour 2024, affichée dès juin et répétée en septembre, ne sera, en fin de compte que de 5,1 %, soit de 27 % de moins. Il est vrai que les statistiques nationales doivent régulièrement être ajustées au fur et à mesure que les informations se précisent dans le temps, mais des écarts de cette ampleur étaient éminemment suspects. D’autant que divers économistes respectés exprimaient leurs doutes depuis ces dernières années… Au minimum, les techniciens de Statistics Mauritius, aujourd’hui inévitablement dévalués par de tels revirements, devraient au moins nous expliquer ce qui s’est réellement passé.
Gardons l’esprit ouvert ! Ils ont peutêtre vraiment cru qu’il fallait augmenter le taux de croissance de 4,9 %, comme estimé en mars 2024 à 6,5 %, trois mois plus tard ? Mais pourquoi ? Et qu’est-ce qui aurait foiré dans leurs hypothèses entretemps ? L’alternative, c’est qu’ils auraient été pressurisés pour gonfler leurs prévisions et qu’ils auraient cédé, ce qui serait bien plus grave ! Les statistiques nationales ne devraient, en aucun cas, se dévoyer en adoptant les chiffres «souhaités» par les hommes politiques! C’est le minimum syndical pour des professionnels ! J’aurais préféré que, face à des demandes éventuelles de manipulation, le gratin aux Statistiques nationales face corps et offre sa démission collective. Comme cela s’est passé au Département de la Justice aux États-Unis quand Trump essayait de leur faire déclarer que les élections de 2019 étaient «truquées»! Chacun doit forcément assumer ses responsabilités, n’est-ce pas ?
Quoiqu’il en soit, de la croissance de 5,6 % en 2023 et de 5,1 % en 2024, c’est quand même bon à prendre par les temps qui courent. Cela permet, en effet, d’espérer, même si les problèmes sont réels, car nous avons clairement dépensé et engagé des promesses sur des bases passablement faussées.
Par ailleurs, tapies à l’intérieur de ces chiffres, les exportations de textile vont se contracter par encore 6,5 % cette année, après un repli de 9,5 % en 2023, alors que la production sucrière chutera, quant à elle, de 9,4 % après une croissance de 2,8 % en 2023. C’est sérieux, parce que ces deux secteurs génèrent ou font économiser, net, les devises dont le pays est très à court. Heureusement que l’hôtellerie progressera d’encore 7,4 %, tablant, pour le moment, sur 1,4 million de visiteurs. En revanche, les chiffres mirobolants de croissance pour la construction (37,4 % en 2023 et 38,8 % en 2024) sont ramenés à 21,3 % et 25 % respectivement. On nous doit d’autres explications, on dirait…
Finalement, la décision de la BoM d’imposer que 85 % des ventes IRS soient désormais faites en roupies doit surgir parce que ce secteur, en sus d’être goulu d’importations, ne doit pas totalement rapatrier toutes ses recettes en devises ? Si c’est le cas, on comprend la Banque centrale…
******
J’ai apprécié le document de George Chung Tick Kan sur le métro dans l’express de dimanche dernier. Il aurait pu nous faire l’économie de ses contributions, nombreuses, à l’économie nationale, mais l’essentiel de son message était que, dans les faits, le métro ne pouvait pas «perdre Rs 2,1 milliards par an pendant 10 ans», comme annoncé par le ministre Osman Mahomed, puisque ses dépenses annuelles ne sont que de Rs 650 millions, avant le paiement d’intérêts. La dette du métro, soit un emprunt de 340 millions de dollars avancés par le gouvernement de l’Inde, aurait atteint Rs 17,2 milliards, dont Rs 5 (3 ?) milliards sont apparemment dus à la seule dépréciation de la roupie !
Selon le SOTE, le remboursement du capital emprunté, d’environ Rs 900 millions par an (si la roupie ne glisse pas encore…) ne débutera qu’en 2026-27. Les intérêts sont estimés, pour le moment, à environ Rs 300 millions par an. Les couts opérationnels vont sûrement augmenter, prédit le SOTE avec justesse, mais pour le moment, selon le ministre, les dépenses dépassent déjà les revenus par Rs 300 millions par an. Cependant, même si le transport, dont le métro, devenait – idée folle, sinon folâtre – totalement gratuit, on peut conclure que la perte annuelle ne serait que de Rs 950 millions par an, avec un besoin cash de Rs 1,85 milliards à partir de 2026-27, avant toute dépense pour le renouvellement ou l’extension des services.
Il semblait nécessaire de réconcilier tous ces chiffres qui, pourtant, ne pouvaient émerger que d’une source unique, soit Metro Express Ltd (MEL) ! Le ministre Osman Mahomed l’aura fait, dans l’express de ce vendredi, en indiquant que son chiffre de «pertes» de Rs 2,1 milliards comprenait aussi le remboursement des prêts ainsi qu’une provision d’environ Rs 250 millions par an pour le «overhauling» des équipements et principalement des rames de tramway….
Si la définition du ministre du mot «perte» laissait donc à désirer, il marque cependant des points en soulignant l’absence des comptes audités de MEL depuis… 2021, alors que Georges Chung siégeait au conseil d’administration. Quand les comptes sortiront enfin, on saura, d’ailleurs, le montant de la dépréciation annuelle facturée à MEL, ce qui permet aussi de provisionner de quoi renouveler les équipements, du moins en théorie…
Ce qui me désole cependant un peu, c’est que deux techniciens désirant apparemment du mieux pour leur pays ne puissent pas plutôt travailler ensemble pour faire avancer ce dossier dans la bonne direction, les talents étant rares. Ce qui paraît pourtant clair à ce stade, c’est que tant que le pays n’aura pas suffisamment maitrisé ses gaspillages, ses déficits et sa faible productivité, il semble raisonnable d’abandonner l’idée du transport gratuit pour tous. L’alternative, en effet, serait des subventions additionnelles du gouvernement, que ni Moody’s, ni le FMI, ni les agences de qui on voudra (il faudra…) emprunter, ne trouveront particulièrement judicieux…
******
Sommes-nous condamnés à un grand nettoyage de CEOs, de chairpersons, de boards, de cadres, de contracteurs, de secrétaires, de fournisseurs divers, de conseillers, de PS, et même de plantons à chaque fois qu’il y aura un changement de gouvernement ?
OUI, CE SERA TOUJOURS LE CAS, tant que les gouvernements qui s’installent continueront à se sentir l’obligation d’éliminer ce qu’ils considèrent comme les chatwa des autres, à faire de la place pour les siens «qui ont faim» après des années dans le désert et, pire, à installer ses chamcha à soi dans le but évident de mieux contrôler tout, y compris dans les institutions qui sont supposées agir en toute indépendance.
Le cercle vicieux s’est installé depuis longtemps déjà. La compétence et l’intégrité ne suffisent plus depuis des lustres, dépassées et débordées par le concept de la loyauté absolue à un chef qui, de ce fait, concentre tous les pouvoirs entre ses mains, de manière parfois maladive ou même dysfonctionnelle. Pensez aux leçons de Lakwizinn.
À la base, l’on peut comprendre qu’un nouveau gouvernement souhaite nommer «ses gens», pour pouvoir concrétiser «son» programme, Mais l’important, c’est toujours la dose ! On doit surtout éviter de nommer des yes persons dans des postes ou l’indépendance d’esprit est capitale. Je ne parle pas, ici, d’un esprit anticonformiste ou systématiquement contradictoire, mais simplement d’esprits libres. Tous ceux nommés par le gouvernement précédent, qui n’ont montré aucune prédisposition à favoriser le bien du pays ou la réputation de l’institution qui les emploie, se contentant de se coucher systématiquement à chaque demande des chefs, y compris pour les demandes les plus iniques et les plus corrompues, méritent évidemment d’être évacués!
Et je reconnais que les hommes qui ont la conscience en bandoulière ne seront pas, dans un état «petit esprit», capables de tenir bien longtemps. Comme Jean Jacques ServanSchreiber! Cependant, les Krish Poonoosamy et Megh Pillay existent. Rama Sithanen, Gavin Glover ou Alain Gordon Gentil sont sûrement loyaux, mais si je les connais moindrement, ils ne seront jamais des béni oui-oui inconditionnels, disant «Yes, Minister» à tout, y compris aux dérapages et aux exigences les plus indigestes, si celles-ci devaient se concrétiser. Je n’en connais pas assez sur Mesdames Doreen Fong et Sandrine Valère, mais pour le peu qui m’est parvenu, ce sont des fidèles de l’État et des postes qu’elles occupaient et qui avaient été tout simplement mises sur la touche parce que perçues être du fan club personnel de Ramgoolam. Ces schémas simplistes nous handicapent et limitent forcément nos choix pour la nation.
Or, un pays comme le nôtre ne peut se permettre de trop s’émasculer à chaque changement de gouvernement. «The brighest and the best» sont ceux qui nous donneront les meilleures chances d’avancer… À quand donc cette commission bipartisane qui sélectionnera, pour les postes clés du pays, y compris, parfois, dans la continuité ?
Publicité
Publicité
Les plus récents




