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Inondations
Côte-d’Or, «the new» Port-Louis Le projet fou du gouvernement
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Inondations
Côte-d’Or, «the new» Port-Louis Le projet fou du gouvernement
Exemple d’un bassin de stockage. Des experts préconisent de verdir Port-Louis tout en y créant des «retention» ou «detention ponds» pour contrer les inondations comme celles du 15 janvier.
Le gouvernement veut transférer les bureaux de Port-Louis à Côte-d’Or. Alors qu’un système efficace d’alerte en cas de grosses pluies serait la plus simple, argue-t-on. Et surtout qu’il y a bien d’autres solutions pour lutter contre les inondations… Pourquoi alors cette idée pour le moins farfelue ? Immersion.
Pour commencer, aucune mesure pour arrêter l’artificialisation du sol (NdlR, transformation d’un sol à caractère agricole, naturel ou forestier par des actions d’aménagement, pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle) n’a été suggérée par le gouvernement depuis le 15 janvier et ses inondations traumatisantes. En revanche, dès le 20, alors que les eaux de Belal ne s’étaient pas encore retirées, Joe Lesjongard proposait cette idée folle : déménager les bureaux de Port-Louis vers Côte-d’Or. Cela, alors que le problème vient justement de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols.
Un ingénieur civil explique ce qui s’est passé à Port-Louis en ce 15 janvier fatidique. Il nous parle des trois gros drains ou ruisseaux menant au bassin du Caudan, le Ruisseau Créole qui descend de la montagne des Signaux, un autre au nord qui vient de Vallée Pitot, et le Ruisseau du Pouce qui prend ses sources de la montagne du Pouce et commence son parcours urbain dans les environs de Tranquebar avant de rejoindre le canal du Pouce, qui passe sous les locaux occupés par KFC et le parking de Rogers House.
C’est le canal du Pouce qui a causé le plus d’inondations. Notre interlocuteur-ingénieur est d’accord avec ce qu’avait avancé Roger Doger de Spéville dans nos colonnes le 22 janvier: les houles et les vagues venant du nord-ouest ont réduit de moitié la capacité d’évacuation du canal vers le bassin du Caudan. Cependant, il attire notre attention sur d’autres facteurs: l’étroitesse du ruisseau non seulement en raison de son bétonnement sur sa partie du Jardin de la Compagnie mais aussi – ce dont on ne parle pas assez – sous KFC et le parking de Rogers. Mais c’est surtout à l’embouchure du ruisseau située sous un pont que le problème découle et il est aggravé par des vagues et houles contraires qui diminuent le débit d’eau vers le bassin du Caudan.
Et pourquoi l’autre canal, le Ruisseau Créole qui descend de la montagne des Signaux, en passant derrière les Casernes centrales avant de se jeter dans le même bassin du Caudan, ne déborde-t-il pas ? «Premièrement, pour le Ruisseau Créole, heureusement que personne n’avait eu l’idée idiote de le recouvrir. Deuxièmement, le débit est moins important. Et troisièmement, son embouchure est plus élevée que le niveau de la mer.» Pour Roger de Spéville que nous avons recontacté, le débit d’eau y est moindre, le gradient aussi, le Ruisseau moins long et a moins de tributaires.
Quant au troisième ‘canal’ sortant de Tranquebar en passant par la rue de La Paix et la Gare du Nord, on a noté des débordements dans cette même rue mais elle a charrié moins d’eau. n
Que faire ?
N’y a-t-il rien à faire donc contre les inondations à Port-Louis ? Si. L’ingénieur préconise en premier un bon système d’alerte précoce comme l’avaient décidé les consultants néerlandais Deltares en 2015 mais on ne sait s’il n’a jamais été mis en œuvre. «L’Early Warning System doit aussi prendre en compte toute menace de vague et de houles frappant les embouchures des rivières, n’importe où et pas seulement à Port-Louis. Les services météo doivent pouvoir prévoir ces risques.» De Spéville, de son côté, a noté avec satisfaction que la station météo a parlé pour la première fois le 25 janvier de marée de tempête. «C’est bon signe.» Le système d’alerte doit servir à l’évacuation des zones les plus à risques notamment à la rue La Poudrière, nous dit l’ingénieur. «Cela ne doit pas poser trop de problèmes car concernant en majorité des bureaux et des commerces. Pour les riverains, il faudra peut-être songer à les reloger ailleurs.» Notre interlocuteur va plus loin.
Verdir Port-Louis
«Il faudra penser à raser certains bâtiments se trouvant à la rue La Chaussée ainsi que certaines parties de la rue La Poudrière.» C’est un projet fou et un gaspillage d’argent, non ? Sa réponse : «C’est moins fou que de transférer les bureaux administratifs de cette rue et d’autres rues de Port-Louis vers Côte-d’Or ! Imaginez les milliards nécessaires pour la reconstruction d’une ville à Côte-d’Or et les bureaux de Port-Louis qui seront laissés vides, même ceux se trouvant en dehors des zones à risques comme ceux du bâtiment Emmanuel Anquetil que l’on voulait démolir.» Pourquoi faire disparaitre ces bâtiments ? «Cet endroit se trouve dans une cuvette, avec la rue Edith Cavell qui se trouve en hauteur et de l’autre côté, la rue Pope Hennessy pareillement. En amont du ruisseau qui se meut en torrent en temps de pluies, se trouvent les montagnes. Et la seule échappatoire est le bassin du Caudan.» Pour rappel, même Bobby Hurreeram avait déclaré le 20 janvier que la rue La Poudrière était auparavant, avant l’arrivée des Français, une rivière. Mais Hurreeram ne découvrait «l’Amérique lor map» que pour mieux proposer le transfert des bureaux vers la circonscription de son Premier ministre. «Alors que ces terres fertiles et bien arrosées de Côte-d’Or, nous dit l’ingénieur, devraient être dédiées à l’agriculture et pourquoi pas conservées comme forêts et zone de captage d’eau. Par contre, si on le bétonne et l’asphalte, l’eau ruissellera vers les régions en contrebas.»
Et où partiront les occupants de la rue La Poudrière et de La Chaussée? Sa réponse: «Il existe plein de bureaux et même d’immeubles vides à Port-Louis. L’Ehram Court verra son locataire principal, la MRA, partir vers Côte-d’Or; il y a aussi le Sun Trust Building et beaucoup d’autres. Evidemment, il faudra convaincre les occupants à bouger en évitant des procès.» Sachant que cette rue est occupée par beaucoup d’hommes de loi…
Que faire du site de La Poudrière ?
Le gouvernement ne voulait-il pas raser l’Emmanuel Anquetil Building pour faire place à une… mini-forêt ? «Pourquoi ne pas la créer à la rue La Poudrière, bien servie en eau, et qui étendra le Jardin de la Compagnie ? Pourquoi ne pas y installer ces fameux retention ou detention ponds dont on parle beaucoup (voir photo). Ces espaces pourraient rafraîchir Port-Louis tout en étant des lieux récréatifs et esthétiques et aussi et surtout servant de zones tampon en cas de fortes précipitations.» Bobby Hurreeram n’en a curieusement pas parlé le 20 janvier pour Port-Louis. Probablement parce qu’il tenait à déménager les villes à la campagne, pour reprendre une parole d’Alphonse Allais… L’ingénieur nous explique que ces bassins serviront justement à conserver les eaux pluviales qui se perdent dans la rade de Port-Louis ou ailleurs. C’est ce que nous avait dit David Sauvage. «Et pendant les périodes sèches, ce sera un espace gazonné.»
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