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Courriel aux ministres
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Courriel aux ministres
Vous avez prêté serment, et la photo de famille du gouvernement, immortalisant ce moment solennel, est désormais derrière nous, tout comme les clameurs des défilés. Les regards, maintenant tournés vers l’avenir, attendent des actes à la hauteur des espoirs suscités. Vous portez sur vos épaules les aspirations d’une nation en quête de renouveau, mais également les leçons d’un passé où l’arrogance du pouvoir a souvent éclipsé les promesses du progrès.
Aujourd’hui, il est impératif de remettre la démocratie au cœur de votre action.
Gouverner, ce n’est pas seulement administrer ou légiférer ; c’est construire un pacte social basé sur la confiance, la transparence et la participation active des citoyens. Vous êtes, avant tout, les serviteurs d’un peuple dont la voix ne peut être réduite au silence.
Votre gouvernement, fort de sa majorité quasi absolue au Parlement, a les moyens d’agir. Mais avec ce pouvoir vient le risque de la suffisance. Trop souvent dans notre histoire, des majorités écrasantes ont conduit à des dérives. En 1982, en 1995, les victoires absolues ont montré leurs limites : elles ont étouffé le débat, ignoré la critique et finalement trahi l’espoir.
Vous êtes face au même défi. La démocratie mauricienne ne peut se permettre d’être asphyxiée par une centralisation excessive du pouvoir. Il est temps de rompre avec cette tradition où l’exécutif contrôle tout : le Parlement, les institutions et même les aspirations des citoyens. Rappelez-vous que chaque vote en votre faveur n’était pas une adhésion aveugle, mais une confiance conditionnelle.
Le système politique actuel, hérité d’un passé colonial, ne reflète plus les aspirations d’un peuple arc-en-ciel. Les vestiges du passé, comme le Best Loser System, continuent d’alimenter les clivages ethniques, au lieu de promouvoir une citoyenneté inclusive. Une réforme de la Constitution n’est plus une option, mais une nécessité. Afin, par exemple, que les 27 % qui ont voté pour l’Alliance Lepep ne soient plus balayés hors du Parlement de manière déséquilibrée à défaut d’une dose de proportionnelle. Le système inique actuel ne nous fait plus honneur.
Cette réforme doit aller au-delà des symboles. Elle doit réaffirmer les droits fondamentaux, renforcer les institutions, et inscrire dans notre loi des principes adaptés aux défis contemporains, comme le développement durable et la protection de l’environnement.
Vous devez faire preuve de courage lors de vos délibérations. Ramenez le cumul des fonctions de député à deux (ceux qui se vantent d’avoir été aux affaires plus de cinq fois ne doivent pas être érigés en exemple ; au contraire, ils doivent apprendre à céder leur place) pour restaurer l’indépendance du Parlement. Donnez à la société civile, aux médias et aux universitaires les moyens de jouer leur rôle de contre-pouvoir. Renforcez la transparence dans la gestion des ressources publiques, non pas comme une concession, mais comme une condition essentielle de la démocratie.
Les institutions doivent être le rempart contre les excès du pouvoir. Trop souvent, elles ont été détournées pour servir des intérêts partisans. C’est un cycle que vous devez briser.
Les citoyens n’attendent pas des anges, mais ils méritent des dirigeants francs. Ne laissez pas les scandales ternir votre mandat. Montrez que vous êtes différents, que ce gouvernement peut incarner une rupture avec le cynisme du passé.
Les responsabilités sont nombreuses, mais elles ne doivent pas vous faire oublier l’essentiel : servir, et non se servir. Les voitures de luxe, les privilèges et les titres ne sont que des illusions de grandeur. Ce qui compte, c’est l’impact que vous aurez sur la vie des Mauriciens.
Pour les seize nouveaux ministres qui effectuent leur baptême du feu, ce moment est une opportunité unique. Vous représentez une génération qui peut réécrire l’histoire. Ne vous laissez pas happer par les anciennes dynamiques de pouvoir. Soyez des agents de «changement», porteurs d’une vision audacieuse et novatrice.
La jeunesse mauricienne vous observe. Elle veut croire en un avenir où le mérite prime sur l’ethnicité, où les idées valent plus que les alliances, et où chaque citoyen a une chance équitable de réussir. Ne les décevez pas.
Maurice est à un tournant. Ce mandat peut être celui du renouveau ou celui de la désillusion. Vous avez le choix de construire une démocratie plus forte, une nation plus juste et un avenir plus prometteur.
Souvenez-vous de ces mots : il n’y a pas de liberté sans opposition, pas de progrès sans critique, et pas de démocratie sans responsabilité. C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon. Vous êtes à ce mur. Construisez quelque chose de durable, de juste et d’inspirant pour les générations futures.
Avec espoir et vigilance.
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