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Consommation
Coût de la vie : caddie-mal !
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Consommation
Coût de la vie : caddie-mal !
Une récente enquête d’Afrobarometer ne laisse aucune place au doute : la préoccupation principale des Mauriciens demeure le coût de la vie, avec le pouvoir d’achat qui s’érode presque aussi vite que nos plages. Elle montre que beaucoup de Mauriciens estiment que le gouvernement n’a pas réussi à stabiliser les prix, réduire les inégalités, améliorer les conditions des pauvres, gérer l’économie de manière satisfaisante, ou créer des emplois. Pour les 12 prochains mois, le pessimisme domine. Les hommes et les habitants des zones urbaines sont particulièrement inquiets : 44 % des habitants des villes contre 36 % des villageois pensent que la situation économique sera pire en 2024, tandis que 41 % des hommes contre 37 % des femmes partagent ce point de vue.
De fait, la hausse des coûts des importations impacte directement les prix des marchandises à Maurice, créant une pression supplémentaire sur le pouvoir d’achat des Mauriciens, car la majorité des produits sont importés. Malgré les mesures gouvernementales et les allocations, les consommateurs ressentent vivement l’effet de cette inflation. Le prix du fret est inchangé depuis deux semaines, après des hausses constantes depuis le mois de mai, en raison des coûts de transport maritime amplifiés par des tensions géopolitiques et des perturbations logistiques. Le transit par la mer Rouge, voie maritime essentielle reliant le canal de Suez, qui représente 10 à 15 % du commerce mondial, a été gravement perturbé par les attaques des Houthis (NdlR, du nom de leurs dirigeants, Hussein Badreddine al-Houthi et ses frères, sont une organisation armée, politique et théologique zaïdite, active initialement dans le gouvernorat de Sa’dah et le nord-ouest du Yémen, puis à partir de 2014, dans tout le pays).
Si l’on compare les données de novembre 2023 à juin 2024, on constate une hausse drastique des prix du fret. Le coût était au maximum de 1 350 USD pour un conteneur de 20 pieds et de 1 550 USD pour un conteneur de 40 pieds. Actuellement, il faut compter 5 800 USD pour celui de 20 pieds et 9 200 USD pour un conteneur de 40 pieds. «Il faut suivre la situation de très près, car la demande pour les conteneurs est en hausse. Ce qui complique davantage la situation. Quand celle-ci augmente, il devient difficile d’obtenir des conteneurs, et les prix augmentent encore plus», explique Yousouf Delbar, porte-parole de l’Association des professionnels des transitaires.
La ministre du Commerce, Dorine Chukowry, a indiqué au Parlement le 30 juillet, que selon le Freightos Baltic Index, le Global Freight Index a augmenté de 80 %. «L’instabilité géopolitique dans la mer Rouge a nécessité le réacheminement des navires vers des voies alternatives plus longues et plus sûres. Cela a non seulement allongé les temps de transit, mais aussi augmenté la consommation de carburant et les coûts opérationnels» De plus, ajoute-t-elle, «les sanctions américaines sur les importations chinoises ont perturbé les flux commerciaux et les chaînes d’approvisionnement mondiales, entraînant une hausse des tarifs de transport maritime. Les entreprises recherchent d’autres sources et d’autres itinéraires, ce qui augmente les délais et les coûts en carburants. La nouvelle voie de service principale Asie-Europe, transitant par Durban, est confrontée à la congestion, ce qui réduit la disponibilité et entraîne des retards et des coûts plus élevés. Les retards dans les ports chinois et singapouriens, les pénuries de conteneurs et le passage à des services de fret long-courrier entraînent des surcharges et des tarifs plus élevés, ce qui a un impact sur les itinéraires commerciaux régionaux et à faible volume, rendant plus coûteux et plus difficile pour les importateurs mauriciens d’obtenir des services de fret». Cette situation complique la tâche des opérateurs. Elle soutient que son ministère continue de collaborer avec les trois principales compagnies maritimes, CMA CGM Mauritius Ltd, Mediterranean Shipping Company (Mauritius) Ltd, et Maersk Mauritius Ltd, ainsi qu’avec d’autres ministères concernés pour trouver des solutions à court, moyen et long termes.
La ministre fait ressortir que la subvention des produits essentiels permet de maintenir leurs prix à un niveau fixe. L’aide financière du gouvernement, a-t-elle souligné, s’élève à Rs 4,6 milliards sous forme de subventions sur le prix du GPL, de la farine, du riz et du pain. À cela s’ajoutent 37 produits de base réglementés et un mark-up (NdlR, le taux de marque indique la part de marge commerciale dans le prix de vente d’une marchandise. Il permet d’estimer la rentabilité de la vente d’un produit ou de fixer un prix de vente hors taxes aux marchandises achetée) dégressif sur les produits pharmaceutiques. Elle soutient également que l’argent collecté sur les carburants est reversé à la population sous forme de subventions.
D’autre part, la ministre a affirmé lors d’une conférence de presse le samedi 27 juillet que, malgré la cherté de la vie, les Mauriciens vivent bien. Elle a déclaré : «Je vous invite à descendre dans les malls à travers le pays et à voir combien de personnes mangent à l’extérieur. Tous les restaurants sont pleins. C’est un signe que les gens vivent bien. Dans chaque mall, il faut faire la queue pour entrer dans un restaurant. Il faut attendre que les gens partent pour avoir une place et être servis. C’est presque un jeu de chaises musicales pour trouver une place dans un restaurant.» Ces propos ont été mal accueillis par des citoyens, comme on peut le constater sur les réseaux sociaux, qui affirment plutôt «survivre».
Nicolas Martin, père de famille et travailleur indépendant, explique qu’il est difficile de vivre convenablement avec le coût élevé de la vie actuelle. «Ce n’est pas évident. J’ai quatre filles à ma charge. La plus petite a trois ans. Ma fille de 22 ans ne travaille pas et elle est devenue maman. Je dois faire avec. Je viens de faire l’acquisition d’une maison. Il y a le prêt à rembourser, les frais de transport pour aller donner une cotation à un client sans retour.» Il pointe du doigt «les commerçants malhonnêtes, y compris les fausses promotions, ainsi que le ministère du Commerce pour la mauvaise gestion». Il déplore les profits que peuvent faire les opérateurs sur le fret lorsque celui-ci augmente. «Il faut un contrôle sévère. C’est normal qu’une entreprise fasse des profits, mais pas au détriment des consommateurs avec des prix abusifs.» Il souligne également des failles dans la loi sur la protection des consommateurs.
C’est aussi difficile pour les pensionnaires, malgré la hausse du montant de la pension. Farhad, retraité, confie également que la cherté de la vie pèse sur son mental. «La pension a augmenté certes. Cela apporte un soulagement, mais parallèlement les prix continuent d’augmenter. Il aurait fallu que plus de prix soient fixés afin d’éviter des abus, comme des prix exorbitants. À chaque fin de mois, il faut débourser plus pour les courses.»
Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, constate que les consommateurs au bas de l’échelle ainsi que la classe moyenne souffrent énormément de cette situation. Il explique qu’«au fur et à mesure que les cargos plus chers arrivent au pays, les prix des marchandises non fixés et sans mark-up augmentent». D’ajouter : «L’ACIM n’a ni les ressources humaines ni financières pour faire une analyse des milliers de produits importés. Cependant, selon une observation générale, l’augmentation des prix des matières premières, la taxe sur le fret et les profits réalisés par les compagnies sur les importations contribuent à l’inflation.» Il rappelle que la hausse «exagérée» des prix des carburants, qui ne diminuent pas malgré la baisse sur le marché mondial, et la domination de certaines compagnies sur l’importation créent un déséquilibre. «Le gouvernement, à l’exception de certains produits alimentaires, n’intervient pas car il maximise le revenu sur la taxe. Et les opérateurs en profitent au maximum. Les consommateurs sont pénalisés. Il n’y a pas d’équivalence entre les allocations du dernier Budget et la perte du pouvoir d’achat. Gouvernman tir larzan dan pos gos pou met dan pos drwat.»
Roupie toupie
La dépréciation de la roupie mauricienne par rapport au dollar américain a des conséquences directes et significatives sur l’économie, particulièrement en ce qui concerne les coûts des denrées alimentaires et les importations. Étant donné que Maurice importe une grande partie de ses produits alimentaires, une monnaie plus faible se traduit par des prix plus élevés pour ces biens.
Lorsque la roupie se dévalue face au dollar, les importateurs doivent débourser plus de roupies pour acheter la même quantité de biens en dollars. Cela signifie que le coût des denrées alimentaires importées, telles que le riz, le blé, les huiles alimentaires et d’autres produits de première nécessité, augmente. Ces hausses de coûts sont souvent répercutées sur les consommateurs sous la forme de prix plus élevés dans les supermarchés et les marchés locaux. Cette situation exerce une pression supplémentaire sur le pouvoir d’achat des Mauriciens, en particulier pour les ménages à faible revenu qui consacrent une grande partie de leur budget à l’alimentation. En outre, la hausse des prix des denrées alimentaires peut entraîner une inflation générale, affectant ainsi l’ensemble de l’économie.
Outre les denrées alimentaires, Maurice importe une variété de produits, y compris des matières premières, des produits manufacturés, et des biens d’équipement. La chute de la roupie rend ces importations plus coûteuses, ce qui peut peser sur les entreprises locales qui dépendent de ces produits pour leurs opérations. Cela peut aussi réduire la compétitivité des entreprises mauriciennes, qui doivent soit absorber ces coûts supplémentaires, soit les répercuter sur leurs clients, ce qui pourrait limiter la demande.
La combinaison de coûts d’importation plus élevés et de prix alimentaires en hausse peut exacerber les inégalités économiques et accroître la pression sociale. Les ménages les plus vulnérables risquent de se retrouver dans une situation encore plus précaire, tandis que les entreprises locales peuvent voir leurs marges se réduire, ce qui pourrait affecter la croissance économique et l’emploi. Les allocations et autres mesures sociale ont des limites et ne peuvent compenser pleinement les impacts d’une dépréciation prolongée de la monnaie.
En somme, la chute de la roupie face au dollar amplifie les défis économiques auxquels Maurice est confrontée, rendant la gestion des coûts des denrées alimentaires et des importations cruciale pour le bien-être de la population et la stabilité économique du pays.
Qu’est-ce que le fret ?
Le fret désigne le transport de marchandises par divers moyens, principalement par voie maritime, aérienne ou terrestre. Il peut inclure des matières premières, des produits finis ou semi-finis, et d’autres types de biens qui sont déplacés d’un lieu à un autre, souvent à travers des frontières internationales.
Dans le contexte maritime, le fret fait référence aux coûts associés à l’expédition des conteneurs, qui peuvent varier en fonction de la distance, du type de marchandises, du poids, et des conditions du marché global. Ces coûts sont influencés par divers facteurs, tels que la demande pour les conteneurs, les prix du carburant, les tensions géopolitiques, et les disruptions dans les chaînes logistiques.
À Maurice, où une grande partie des biens de consommation est importée, les fluctuations des prix du fret ont un impact direct sur le coût des marchandises, affectant ainsi le pouvoir d’achat des consommateurs. Les entreprises locales qui dépendent des importations doivent ajuster leurs prix en fonction des variations des coûts du fret, ce qui peut entraîner une hausse des prix des produits disponibles sur le marché mauricien.
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