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Kronik KC Ranzé
Croire
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Kronik KC Ranzé
Croire
Comment est-ce que Donald Trump arrive à persuader jusqu’à 40, voire 45 % de l’électorat américain qu’à chaque fois qu’il est inculpé et/ou par la suite condamné, que c’est le résultat d’une ‘conspiration’ et d’une ‘chasse aux sorcières’, plutôt qu’une conséquence logique de faits documentés et des lois qui s’y appliquent ?
En partie, il arrive à le faire en ayant lui-même ‘empoisonné les eaux claires des puits de la justice’ en se référant systématiquement à ses nominations judiciaires, comme étant franchement partisanes. Jusqu’à tout récemment, un juge nommé par un président était présenté, au pire, comme un conservateur ou un libéral. Un juge nommé par Obama avait probablement un peu plus de chance d’émettre des jugements à tendance libérale qu’un juge nommé par George W. Bush, c’est sûr ! Cependant, quel que soit le président faisant les recommandations de nominations ; la règle du jeu était que le juge, une fois ainsi nommé, traitait ses dossiers en toute impartialité, guidé par les faits et par la loi. Trump est, par contre, un transactionnel : un juge ‘républicain’ a des devoirs vis-à-vis des républicains et de lui-même. Un juge démocrate est forcément partisan ! Il détruit ainsi l’idée d’une justice impartiale dans un État de droit. Ça l’arrange évidemment ! Quand c’est un juge républicain qui le désavoue, c’est un RINO (*)…
Comme jamais auparavant, c’est bien Trump qui tentait d’instrumentaliser le département de justice de son pays à son avantage et pour ses besoins personnels plutôt que de le laisser agir en toute liberté pour le bien commun, comme voulu par la Constitution. Au point où, par exemple, il demandait à Jeff Sessions, son Premier ministre de la Justice, de soumettre sa démission quand celui-ci refusait de suivre ses préférences exprimées ! C’est encore et toujours Trump qui, ne pouvant jamais reconnaître ses torts – que ce soit dans ses affaires de faillite (de casinos, d’hôtels ou de son université bidon), ou dans son cas d’agression sexuelle ou de diffamation de E. Jean Carroll, ou dans ses démêlés avec la pulpeuse Stormy Daniels ou encore ses dossiers de fraude grossière sur les comptes qu’il présentait à ses financiers – attaque ses juges, les traitant de racistes ou de partisans et même, plus récemment, d’être, ni plus ni moins, à la solde directe de Joe Biden, le président des États-Unis, sans preuve aucune, ce qui ne peut être qu’un exercice de projection personnelle de ce qu’il ferait lui-même !
C’est le même Donald J. Trump, totalement innocent de tout, comme toujours, qui demande pourtant depuis des semaines que le président des États-Unis ait l’immunité totale pour quoi que ce soit qu’il ait pu faire pendant qu’il était au pouvoir ! Y compris lors de la journée du 6 janvier 2021, où il tentait pourtant de piloter une insurrection pour stopper la validation de l’élection du président Joe Biden au Congrès ! Selon lui, s’il n’y avait pas d’immunité, les présidents des États-Unis n’agiraient plus avec les mains libres, de peur d’être poursuivis après leur mandat. Ce qu’il oublie de mentionner, c’est que sur 45 présidents et en 234 ans, seuls Nixon et lui-même se sont sentis vulnérables à des poursuites au criminel… Dans les deux cas, c’était, comme par hasard, pour des initiatives scélérates et personnelles, hors du cadre strictement présidentiel… Pourquoi d’ailleurs l’immunité quand on se dit «parfaitement innocent» en toute circonstance ?
Les partisans de Trump ne voient-ils pas cela ?
Oui, apparemment puisqu’environ un tiers de ceux qui soutenaient Trump aux récentes primaires de l’Iowa disaient ne plus vouloir croire en lui s’il était condamné dans l’un ou l’autre de ses quatre procès au criminel où il fait face à 91 chefs d’accusation divers. Au New Hampshire, ce pourcentage monte à 47 % selon le Strait Times.
À la bonne heure, pour la logique et la raison ! En attendant, des dizaines de millions croient et gobent toujours… Comme au temps du Maccarthysme ! Et pour les mêmes raisons.
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La foi est un phénomène multiple qui permet des fois de se dépasser pour de bonnes causes mais qui peut aussi mener vers l’effroyable. Je ne saurais vous dire les critères qui mènent à l’une ou à l’autre voie, les humains étant très variables, d’un extrême à l’autre de la courbe normale de Gauss.
Prenez le cas de Ruby Franke, une mère apparemment sans histoire aux cheveux blonds et à la denture plus que parfaite, dans l’État mormon de l’Utah. Elle vient d’être condamnée à un minimum de 4 ans de prison (qui pourraient être prolongés à 60 ans, sans repentance!) pour avoir abusé de ses propres enfants, notamment en leur refusant de la nourriture, de l’eau, un lit pour dormir ou presque toute forme de divertissement, par conviction que «… ce monde est dominé par le mal, rempli de policiers qui contrôlent nos vies entières, d’hôpitaux qui font mal, d’agences gouvernementales qui font du lavage de cerveau systématique, de chefs d’églises qui mentent et qui dérapent dans la luxure, de maris qui refusent de protéger et d’enfants qui ont besoin d’être abusés». Pour être disciplinés, peut-on présumer ?
Franke croit ferme à sa méthode au point où elle lance, en 2015, sa propre chaîne vidéo, sur YouTube, qui explique comment bien gérer sa famille. Elle a six enfants et comme de nombreux vloggers de son époque, elle a beaucoup de succès, enregistrant jusqu’à 2 millions de souscripteurs à sa chaîne joliment intitulée : «8 passagers». On voit alors une famille apparemment normale, dévouée à du ‘home schooling’ pointilleux, cuisinant, discutant, jouant dans la neige. Tout commence à déraper en 2020 quand un des fils déclare un jour nonchalamment, avoir été puni à coucher non pas sur son lit, mais sur un ‘bean bag’… 7 mois durant ! Des parents protestent et fouillent les archives, retrouvant des item troublants de punitions aggravantes dont la menace d’étêter l’ours en peluche préféré d’un des enfants ou l’annulation pure et simple de la Noël en guise de sanction. Sa chaîne YouTube s’effondre et le mariage aussi s’écroule en 2022. Mais pas sa conviction de base, puisqu’elle devient la partenaire de Ms Hildebrandt, qui roule un autre site YouTube avec un credo presque identique et elles se mettent à deux pour dire aux enfants qu’ils étaient «méchants et possédés par le démon» et qu’il fallait donc qu’ils soient punis et qu’ils se repentent. Ils sont alors régulièrement attachés et battus, reçoivent des coups de pieds, passent des journées entières sans nourriture et sont forcés de travailler à diverses tâches, y compris à l’extérieur, en plein été, où certains enfants écopent de sérieuses brûlures résultant de coups de soleil. Hildebranbt force même une des petites filles à sauter dans un cactus plusieurs fois de suite…
En cour, Franke s’excuse vis-à-vis de ses enfants et explique avoir été sérieusement désorientée au point où elle était convaincue que «dark was light and right was wrong» ! Elle avait vraiment cru…
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Malgré les dangers évidents d’une trop grande confiance en quelqu’un ou en un credo, on ne peut pas, par ailleurs, je suppose, vivre en doutant de tout et en ne faisant confiance à personne, ni à quelques ‘idées supérieures’, ne serait-ce que de nature humaniste. Car cela aussi mènerait à un enfer mental, à de la réclusion malsaine ou éventuellement au délire.
Ted Kaczynski en est un cas typique. Un génie mathématicien avec un QI de 167, il est nommé assistant professeur à Berkeley à seulement 26 ans, mais ce grand timide s’isole rapidement dans un chalet au Montana, sans eau, ni électricité et développe une haine contre le monde moderne qui menace, dit-il, sa paix sylvestre. Il concrétise cette haine avec 16 bombes terroristes entre 1978 et 1995, généralement dans des colis individuels. Kaczynski est devenu Una Bomber !
La vérité se trouve ailleurs, et comme souvent, dans le compromis et l’équilibre.
Il faut ainsi toujours remettre en question, surtout quand les faits ne collent plus avec la conviction. C’est basique. Mais il faut aussi pouvoir faire confiance, même si on doit garder ses antennes toujours ouvertes et en état d’alerte sur ce qui pourrait clocher. D’autre part, il faut admettre que dans toutes les populations humaines, ce qui est courant minoritaire aujourd’hui, peut devenir ‘mainstream’ demain. Pensez droit de vote féminin, esclavage, religions, attitude vis-à-vis de l’homosexualité ou encore l’éducation des enfants, sans violence. La culture, les normes, ça évolue !
Finalement, comment ne pas enrober tout cela avec les citations de Voltaire : «La foi consiste à croire, ce que la raison ne croit pas», d’André Gide : «La foi soulève des montagnes, oui : des montagnes d’absurdité!», d’Anton Tchekov : «L’homme ne peut pas vivre sans foi» et de Boris Vian : «La foi soulève des montagnes, mais les laisse joyeusement retomber sur la tête de ceux qui ne l’ont pas»… pour souligner combien le sujet est passablement insaisissable !
De la mesure et du raisonnement équilibré éviteraient sans doute la plupart des dérapages ?
(*) RINO : Republican In Name Only
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