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Cryptomonnaies
La voie de la prudence
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Cryptomonnaies
La voie de la prudence
Fin 2021, le Bitcoin était dans un cycle vertueux. La valeur de la cryptomonnaie atteignait son plus haut niveau à 64 400 dollars. C’était la période où les spécialistes en investissements alternatifs s’enhardissaient et, en toute bonne foi, recommandaient à leurs clients de faire preuve d’audace et d’adopter une stratégie plus offensive, en consacrant une part non négligeable de leur portefeuille aux actifs numériques. Ils n’avaient alors pas tout à fait tort. Car de janvier 2019 à novembre 2021, le Bitcoin s’était apprécié de l’ordre de 1 500 %, ceci à la faveur d’une conjoncture favorable. La pandémie avait, en effet, renforcé le statut du Bitcoin, intronisé un peu trop vite comme une valeur refuge. C’était l’époque où les entrepreneurs perdaient confiance dans la monnaie Fiat et investissaient dans le Bitcoin ; et où le géant des paiements en ligne PayPal lançait sa plateforme de cryptomonnaies.
Bien entendu, et c’est à leur crédit, les téméraires ayant profité de cette période faste ont réalisé des plus-values considérables. Mais, comme toute bulle spéculative, celle de la Bitcoin n’était pas loin d’exploser. Les gestionnaires de portefeuille les plus avisés l’avaient bien compris. À Maurice, le glissement de la roupie avait créé un contexte propice au Bitcoin. Face à leurs clients démontrant un appétit trop grand pour les actifs à risque, nos gérants, qui sont relativement conservateurs, ont fait preuve de discernement, leur recommandant d’investir parcimonieusement leurs actifs dans les cryptomonnaies, soit en moyenne autour de 3 % de leur portefeuille.
Inévitablement, la bulle spéculative a fini par exploser. Le Bitcoin devait chuter lourdement, descendant jusqu’à 16 900 dollars dans le sillage de l’annonce de la faillite de FTX, la plateforme d’échange de cryptomonnaies fondée par Sam Bankman-Fried, jeune techno-entrepreneur de 31 ans. Idem pour l’Ethereum, la cryptomonnaie la plus populaire après le Bitcoin, dont la valeur va dégringoler, passant de 4 600 dollars en novembre 2021 à 993 dollars en juin 2022. Aujourd’hui, après avoir été au creux de la vague, faisant perdre des sommes importantes aux investisseurs qui ont eu le malheur d’investir au moment où les cryptomonnaies étaient à leur niveau le plus élevé, le Bitcoin et l’Ethereum se sont quelque peu redressés et s’échangent actuellement autour de 38 800 dollars et 1 870 dollars respectivement. Mais l’épisode de FTX continue à pourrir le marché des cryptoactifs. La semaine dernière, Sam Bankman-Fried a été reconnu coupable de sept chefs d’accusation de fraude, de blanchiment d’argent et d’associations de malfaiteurs par le tribunal fédéral de New York. Tout comme Bernard Madoff, Sam Bankman-Fried détournait les fonds des investisseurs (pas moins de 8,7 milliards de dollars) pour son enrichissement personnel en s’achetant, entre autres, 19 appartements de grand luxe aux Bahamas et pour combler les pertes d’Alameda Research, une hedge fund associée à la plateforme FTX. Une véritable pyramide de Ponzi, dont la structure est devenue chancelante à partir du moment où la bulle spéculative des cryptomonnaies a éclaté. Ce fut alors la descente aux enfers.
À la tête d’une fortune colossale, Sam Bankman-Fried s’est laissé corrompre, convaincu sans doute qu’il ne se ferait pas attraper. Valorisée à plus de 32 milliards de dollars, FTX ne vaut désormais plus que des miettes, laissant dans le désarroi 9 millions de créanciers, des particuliers comme des entreprises, qui se retrouvent aujourd’hui dans l’incapacité d’accéder à leurs fonds. Quant au jeune ex-milliardaire, il encourt jusqu’à 110 ans de réclusion criminelle. Sa sentence sera prononcée en mars 2024.
Malgré les risques inhérents aux transactions et investissements effectués en cryptomonnaies et qu’il est connu que la monnaie digitale est utilisée par des criminels sur le marché noir du Dark web, il est un fait qu’elle est appelée à coexister avec la monnaie Fiat. À Maurice comme ailleurs, l’adoption des cryptomonnaies va grandissant. Dans son Crypto Adoption Index publié en septembre dernier, Henley & Partners révèle que la valeur totale du marché des cryptomonnaies atteint la somme stupéfiante de 1 200 milliards de dollars et 425 millions de personnes dans le monde possèdent des cryptomonnaies.
Dans le cas de Maurice, le taux d’adoption de ces actifs numériques est considéré comme étant moyen. Nous sommes classés à la 20e place sur 26 pays. Certes, cette liste est restreinte, mais les 26 pays ayant fait l’objet d’une évaluation ont, selon Henley & Partners, été soigneusement sélectionnés sur la base d’une analyse des éléments réglementaires, technologiques, économiques et sociaux nécessaires au développement de l’écosystème de la blockchain. Contrairement aux pays développés, Maurice ne s’est pas laissé embarquer dans la fièvre des cryptomonnaies. Dans son cheminement vers une plus grande adoption de la monnaie digitale, le pays prend résolument la voie d’un écosystème réglementé. Ainsi, depuis février 2021, le Virtual Asset and Initial Token Offering Services (VAITOS) Act est entré en vigueur. Ce texte de loi fournit un cadre réglementaire équitable et sécurisé permettant les transactions dans les actifs numériques ou encore de lever des fonds au travers des offres de jetons au public. Ce qui fait de Maurice l’un des rares pays africains à disposer d’un cadre d’octroi de licences pour les cryptoactifs.
Le cadre est posé pour les transactions en cryptomonnaies, notamment pour les opérations transfrontalières. Mais, aussi longtemps que les entreprises ne privilégieront pas la monnaie digitale comme moyen de paiement, son taux d’adoption restera faible dans le pays.
Par ailleurs, l’introduction de la roupie numérique devrait également accélérer la transition vers les cryptomonnaies. Récemment, le Gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam, a annoncé que le projet sera lancé sur une base pilote fin novembre. La roupie numérique aura exactement la même valeur que l’argent liquide. Le détenteur devra ouvrir un compte à la Banque de Maurice. Il disposera ensuite d’un portefeuille numérique conservé sur son Smartphone, sa tablette ou son ordinateur, à partir duquel il pourra effectuer ses achats et des virements de fonds avec des pairs disposant également d’un portefeuille numérique. Tout l’avantage de la roupie numérique sera que les transferts se feront instantanément car les comptes seront détenus à la Banque centrale. Cette monnaie numérique centralisée deviendra ainsi une alternative aux cryptomonnaies privées pour les transferts de fonds.
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