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Dans la tête de Pravind Jugnauth

13 avril 2024, 12:00

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Que peut-il bien se passer dans la tête du Premier ministre, qui a seul la prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale et d’annoncer, dans la foulée, la date des prochaines élections générales ? Veut-il aller vite ou au contraire, prendre tout son temps avant de donner le signal ?

En face, l’opposition parlementaire, malgré des signes d’apaisement, qui ne convainquent pas grand-monde, n’arrive manifestement pas à s’entendre sur la répartition des tickets et des circonscriptions, ainsi que sur la hiérarchie des uns et des autres, qui doivent être pesées sur la balance du quota ethnique et dynastique, comme si Maurice n’avait pas progressé, et que la ‘mauricianité’ (identité) et le ‘mauricianisme’ (doctrine collective) n’existent pas dans la realpolitik. Comme si nous sommes demeurés une nation de tribus diverses, incapables de fonctionner comme un seul homme ou une seule femme.

Face à la non-conclusion de l’alliance Parti travailliste-Mouvement militant mauricien-Parti mauricien social-démocrate (PTr-MMMPMSD), Pravind Jugnauth, qui a tellement de conseillers, n’arrive pas à trancher dans le vif. Certains de ses conseillers pensent qu’il faut déstabiliser davantage l’opposition en la prenant de vitesse et en convoquant les élections au plus vite, sans lui donner le temps de finaliser sa stratégie. Selon ces derniers, cela ne fera qu’accentuer la pagaille, qui s’est installée entre les rouges, les mauves et les bleus sur le terrain, deux semaines avant le 1ᵉʳ-Mai. La bataille des foules serait nettement à l’avantage du MSM et cela serait un atout psychologique non-négligeable car nombre d’électeurs indécis aiment bien se ranger derrière ceux qui donnent l’impression d’être victorieux.

Si Paul Bérenger a souligné la fracture au sein de l’opposition parlementaire en répétant plus d’une fois que les agents du PTr et du MMM s’activent déjà sur le terrain, avec ou sans le PMSD, le leader des bleus, lui, préfère laisser planer le flou, en soufflant le chaud et le froid et en focalisant sur le 5 mai, quand il recevra ses partisans chez lui à Grand-Gaube, dans le cadre de l’anniversaire de la mort de sir Gaëtan Duval. «Je parlerai bien entendu au meeting du 1er-Mai, à moins que l’on me dise de ne pas venir», laisse-t-il entendre à ses proches collaborateurs, accentuant ainsi le flou.

Alors pourquoi Pravind Jugnauth ne profite-t-il pas de la débandade du camp adverse ? Peut-être que le MSM soigne un problème similaire (au PTr) avec ses partenaires minoritaires, qui ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ainsi, comment ferait-il pour satisfaire les aspirations d’Ivan Collendavelloo, qui ne veut pas négocier avec le duo Steven Obeegadoo et Alan Ganoo, pour se répartir les circonscriptions et les candidats ? Qui sont les ministres qui ne seront pas candidats en 2024 ? Est-ce facile, par exemple, de dire à Maneesh Gobin, Kalpana Koonjoo-Shah, Yogida Sawmynaden, Anwar Husnoo, etc., qu’ils sont devenus davantage des «liabilities» que des «assets» pour le MSM, qui veut présenter un visage neuf, jeune, en laissant derrière les casseroles ? Est-ce facile de rassurer les anciens MMM convertis au MSM qu’ils n’ont plus suffisamment de jus et que c’est pour cela que le Sun Trust a besoin d’attirer le PMSD, en agitant, comme carotte, un poste de numéro 2 pour Xavier-Luc Duval (XLD) et une dizaine de tickets, dans des régions interdites (par le tandem Navin Ramgoolam-Paul Bérenger), dont un au numéro 17 et un autre au numéro 3 !

Tandis que des émissaires font le travail, Pravind Jugnauth reste imperturbable et poursuit son chemin jusqu’au bout de son mandat, en misant sur la rhétorique socialiste de Renganaden Padayachy, qui met la dernière main à son discours du Budget, en travaillant étroitement avec le Fonds monétaire international (FMI), avec qui il discute ce week-end à Washington, DC. Croissance, pouvoir d’achat, valeur de la roupie sont au menu des discussions pré-budgétaires. Le soutien du FMI est capital pour répondre aux critiques de l’opposition et de la presse.

Pravind Jugnauth semble être content que l’opposition parlementaire occupe la Une des journaux. Cela lui laisse le temps de rebattre ses cartes, «tel un calculateur qui agit froidement.» On a vu récemment comment il a réagi en sanctionnant Vickram Hurdoyal, sans explication aucune. Dans son cercle fermé, on dit que l’homme a appris des meilleurs, ayant travaillé avec eux, à différents moments de sa carrière : SAJ, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et XLD.

Pravind Jugnauth ne veut pas aller vite en besogne. Même si l’idéal pour lui serait d’avoir une opposition désorganisée, avant de lui infliger le coup mortel, il préfère une approche plus méthodique et scientifique, comme il le dit lui-même. L’enjeu pour lui, sa famille et son parti est bien trop important pour qu’il fasse le moindre faux pas, susceptible de lui faire perdre les élections et le pouvoir. Ce qui n’est pas le cas du trio Ramgoolam-Bérenger-Duval, désormais rompu à la vie dans l’opposition. Pravind Jugnauth attend son heure et se montrera impitoyable. Entre-temps nous sommes tous suspendus à ses lèvres. Ainsi va Maurice ces temps-ci.