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Retard dans la production de rapports scientifiques

De nombreuses libérations sous caution

9 août 2024, 19:00

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De nombreuses libérations sous caution

De nombreux suspects ont obtenu la liberté provisoire en 2023 en raison de l’absence de rapports scientifiques cruciaux. Face à des enquêtes qui traînent et s’éternisent et à cause d’une faille d’une indication de la poursuite sur la date d’un procès des suspects arrêtés pour meurtre ou pour d’importants trafics de drogue, le système judiciaire est confronté à des défis importants.

Les détenus Manoj Bhujun, Sooriadeo Dookhun et Dharumduth Dookhun, impli¬qués dans le meurtre de Tooland Ujoodha à Trois-Boutiques, devront revenir en cour le 13 août. Tooland Ujoodha avait été agressé à l’arme tranchante en mars. La cause du décès était «un choc causé par une blessure à l’arme blanche à l’abdomen». La magistrate Zeenat Cassamally a noté que le rapport du laboratoire médico-légal est toujours attendu et que rien n’indique quand l’enquête sera terminée ni quand les requérants seront jugés pour meurtre devant la cour d’assises. Pour ces raisons, elle a estimé qu’en l’absence d’un procès d’ici la mi-août, les trois principaux concernés pourraient recouvrer la liberté contre versement d’une caution.

Remise en liberté d’une présumée coupable de trafic de drogue

Idem dans le cadre de la saisie de drogue en 2022 à Rivière-Noire de 135,98 g d’une substance suspectée d’être de l’héroïne, de 17,62 g de cannabis synthétique, de 134,21 g de cannabis d›une valeur marchande totale estimée à Rs 2 288 852. Le magistrat a fait observer qu’une décision précédente de la cour, rendue le 29 mars 2023, avait été produite et, en annulant la demande de libération sous caution de la suspecte, le tribunal avait exhorté l’accusation à demander un rapport rapide du Forensic Science Laboratory (FSL). Mais plusieurs mois plus tard, le magistrat Ramsohok, a noté que l’enquête policière n’avait pas beaucoup progressé en l’absence du rapport scientifique. Cela avait pesé lourdement en faveur de la libération sous caution de Lorraincie Henriette, le 13 novembre 2023.

Lenteur décriée dans l’enquête relative à une saisie d’héroïne

«Malgré la décision précédente rendue dans cette affaire en mars 2023 exhortant la police à traiter cette affaire avec célérité, il semblerait que l’enquête policière n’ait pas beaucoup progressé et qu’il y ait eu un retard injustifié en ce qui concerne les factures de téléphone détaillées reçues. En soi, cela pèserait lourdement en faveur de la libération sous caution du requérant.» Le magistrat Arvin Ramsohok n’est pas passé par quatre chemins pour évoquer la lenteur dans l’enquête entourant l’arrestation en 2022 de Louis Thierry Théophile dans une affaire de saisie d’héroïne de Rs 8 191 500 au Citadelle Mall. Le suspect a retrouvé la liberté.

Pour rappel, dans cette affaire, l’en¬quêteur avait soutenu que le rapport du FSL confirmait la présence d’héroïne dans la substance saisie mais il n’était pas en mesure de dire le nombre de fois que la police avait retardé l’enregistrement de la déclaration du requérant sur ses relevés téléphoniques, qui font 140 pages.

Libération d’un accusé de trafic de drogue d’une valeur de Rs 10 millions

Autre libération est celle de James Laurent L’entêté, arrêté en 2022 en possession de drogue d’une valeur de plus de Rs 10 millions par l’équipe de la Special Striking Team sur la route de Pointe-Koenig, à Petite-Rivière-Noire, où l’équipe de policiers a intercepté un convoi de véhicules, à savoir un véhicule conduit par le requérant. C’est ainsi que lors de la fouille que la police a mis la main sur 853,9 g de cannabis qui ont été examinés par le FSL et dont la valeur est estimée à Rs 10 264 680.

Mais la magistrature s’est appuyée sur le témoignage de l’enquêteur, qui a reconnu en cour qu’il n’existe aucun rapport médico-légal démontrant que les pièces à conviction portaient les empreintes digitales du demandeur.

Importation de cannabis de plus de Rs 52 millions de l’île soeur

Abou Bakar Siddic Seethamah a aussi été libéré après son arrestation en 2021 dans une affaire d’importation de cannabis d’une valeur de Rs 52 millions de La Réunion, dont 48,8589 kg de cannabis ont été récupérés sur le hors-bord de Pointe-aux-Canonniers à Grand-Baie. La magistrate Zeenat Cassamally a pris en considération l’enquête toujours en cours sur cinq autres suspects et le fait que rien n’indiquait quand l’enquête serait terminée ni quand le requérant serait jugé devant la cour d’assises. D’où sa décision de lui accorder la liberté.

Trafic de drogue entre La Réunion-Maurice de Rs 63 millions

La magistrate Cassamally a, une fois de plus, imposé un ultimatum aux autorités leur intimant de compléter l’enquête pour venir de l’avant avec un procès contre Jacques Damien Coureur, arrêté en 2021. Cela, après que l’enquêteur a mentionné que l’affaire est complexe, qu’une demande de facture détaillée a été faite mais que l’enquête a été retardée en raison du Covid-19. «Il est pertinent de noter que rien n’indique quand une accusation formelle sera déposée contre le demandeur», a fustigé la magistrate.

Quels dangers ces suspects peuvent-ils représenter pour la société après leur mise en liberté ?

Sollicité, Me Vinesh Boodhoo, qui a pratiqué le droit en Angleterre, nous livre ses impressions. «Je ne suis pas forcément d’accord avec une telle démarche car dans certains cas, elle peut ne pas répondre à ‘‘la dangerosité’’ du suspect. Le système devrait évoluer et être amélioré. En Angleterre, par exemple, où j’ai exercé pendant mes quatre premières années en tant qu’avocat, un suspect est formellement inculpé dans les plus brefs délais par un policier et donc la libération sous caution est évaluée avec précision et en conséquence. Il n’y a pas de stade provisoire d’une affaire pénale là-bas.»

Me Germain Wong Yuen Kook, a, pour sa part, cité le cas de Christophe Caterino. «En 2007, Christophe Caterino, un steward, remis en liberté alors qu’il avait transporté plus de 50 000 tablettes de Subutex. Il a quitté le pays en bateau en catimini et son crime est resté impuni.» Il ajoute toutefois que tout accusé jouit de deux principes constitutionnels : primo, la présomption d’innocence et deuzio, le droit à la liberté. «Ce n’est que si la Cour ne peut pas minimiser les différents risques en imposant des conditions strictes qu’elle refusera la remise en liberté d’un suspect», précise l’homme de loi.