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Démanteler la peur

5 février 2025, 07:00

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Maurice vit une étrange époque où chaque souffle porte l’écho de complots et d’espionnage. Le Premier ministre s’est voulu rassurant hier en affirmant que le système de surveillance massif des citoyens a été démantelé depuis son accession au pouvoir mais le rapport préliminaire des experts donne froid dans le dos. L’affaire Missie Moustass résonne comme une vieille fable où les esprits malins s’entrelacent dans une danse secrète. Les milliards engloutis par l’ancien régime dans ce système de surveillance suscitent une question : comment un tel mécanisme, conçu pour asseoir l’ancien régime, a-t-il pu précipiter sa chute ?

L’image est forte, presque irréelle : un homme au nom d’emprunt, Missie Moustass, rôde, vers la mi-2022, dans les recoins de Baie-du-Jacotet. Il scrute les flux numériques, surveille les communications, tandis qu’autour de lui se déploient des intrigues où l’Inde, la Chine et d’autres puissances croisent leurs ambitions. Ce jeu d’ombres technologiques, aux allures de guerre froide moderne, a transformé notre île en enjeu stratégique. Mais à travers ce labyrinthe d’espionnage, ce sont surtout les fragilités démocratiques mauriciennes qui apparaissent au grand jour. Car derrière le masque de la sécurité nationale se cachent les dérives d’un pouvoir qui se surveille lui-même.

Entre sécurité et liberté : le fil de l’équilibre

L’histoire nous enseigne que les pouvoirs absolus redoutent toujours la lumière de la vérité. À Maurice, la censure temporaire des réseaux sociaux sous prétexte de sécurité nationale en est une illustration. La mesure, justifiée par des vidéos prétendument subversives, avait suscité, l’an dernier, peu avant les législatives, un tollé parmi les opposants politiques, qui y voyaient une attaque directe contre les libertés fondamentales. En temps d’élections, ces restrictions font figure de manœuvres inquiétantes.

La question est universelle : comment concilier sécurité publique et liberté d’expression ? La réponse, dans bien des cas, se trouve dans la transparence des institutions. Mais qu’en est-il lorsque cette transparence vacille ? En France, l’affaire Sarkozy, dite affaire «Bismuth», éclaire d’un jour nouveau ce dilemme. Condamné sur la base d’écoutes téléphoniques, l’ancien président a vu sa vie privée mise à nu. Si la justice a établi la vérité, c’est au prix d’un questionnement profond sur les limites du contrôle judiciaire.

À Maurice, les écoutes téléphoniques sont également utilisées dans le cadre de la lutte contre la drogue et contre le terrorisme. Cependant, lorsque ces dispositifs sont détournés à des fins politiques, ils deviennent une arme dangereuse. Les journalistes, les lanceurs d’alerte et les oppo- sants s’exposent alors à une surveillance permanente, où chaque mot peut devenir une preuve à charge. La société civile doit rester vigilante, car une démocratie saine repose sur la capacité des citoyens à s’ex- primer sans crainte d’être muselés.

Maurice, ce pays d’hospitalité et de diversité, a décidé, selon Navin Ramgoolam, de son futur : préserver les droits fondamentaux et ne pas céder à la tentation du contrôle absolu.

Les Principes de Tshwane, qui encadrent la gestion des informations sensibles au nom de la sécurité nationale, offrent des balises précieuses. Ils exigent que toute restriction à la liberté d’expression soit justifiée, proportionnée et encadrée par la loi. En l’absence de telles garanties, la dérive autoritaire n’est jamais loin. La leçon française, avec ses écoutes judiciairement encadrées mais politiquement controversées, rappelle l’importance d’un pouvoir judiciaire indépendant et rigoureux.

Dans ce climat d’incertitudes, les dirigeants, les institutions et les citoyens doivent engager un dialogue honnête sur les contours d’une société équilibrée, où la sécurité et la démocratie coexistent harmonieusement. Pour que demain, chaque voix trouve sa juste place, libre de s’exprimer sans craindre les ombres du passé.

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