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Bras de fer gouvernement-Business Mauritius
Des employés pas tous égaux devant la fiche de paie
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Bras de fer gouvernement-Business Mauritius
Des employés pas tous égaux devant la fiche de paie
Le réajustement salarial, annoncé début août 2024, suscite des débats intenses entre le gouvernement, les employeurs et Business Mauritius. Ce réajustement, qui vise à rétablir la relativité salariale après la hausse du salaire minimum, concerne les employés touchant jusqu’à Rs 50 000. Cependant, des questions sont soulevées sur la légalité du processus alors que les employés expriment colère et frustration.
«Patron dir pa pou gagne», «patron inn admet lopital, tansion in monte», «touzour zero. A ki lafot?», «mo labouzi inn fini, pann gagne mem», «not even a jhaant». Ces réactions de colère et de frustration, déversées après notre appel à témoins sur la page Facebook de lexpress.mu – on dénombrait plus de 800 commentaires à hier matin – illustrent le mécontentement de nombreux employés du secteur privé qui, en cette fin de septembre, attendent toujours le réajustement salarial qui leur a été promis. La frustration se fait sentir car certains travailleurs peinent à comprendre pourquoi ils n’ont pas encore reçu leur dû. «Zot lame lour pou payé», déclare un employé qui estime que les règlements ont été gazetted depuis le 13 septembre, ce qui aurait dû pousser les entreprises à appliquer les augmentations.
Pour certains, les excuses sont devenues répétitives. «Le comptable dit que le texte de loi n’est pas encore officialisé, donc la régulation se fera quand le document officiel sera sorti», affirme une employée, déçue par l’inaction de sa direction. D’autres pointent du doigt un conflit plus large et estiment que les salariés sont pris en otage dans le bras de fer entre le gouvernement et Business Mauritius. «Le patronat doit respecter la loi», insiste un employé, rappelant que le gouvernement avait mis en place des mesures pour soutenir les entreprises pendant la crise de Covid-19. «Ils ont oublié quand le gouvernement avait aidé les entreprises», ajoute-t-il, fustigeant l’inaction des employeurs. «Nous n’avons rien reçu jusqu’à présent», déplore une employée, déçue de voir que son salaire n'a toujours pas été ajusté. Dans une situation similaire, une autre employée se plaint : «Nanye pann gagne. Lapey mem pankor gagne.»
La situation contraste avec celle de travailleurs, qui ont déjà bénéficié de leur augmentation. «À mon niveau, j’ai été payé. Je suis contente que ma compagnie ne soit pas entrée dans le jeu politique ou d’attendre la décision de qui que ce soit», affirme une employée satisfaite d’avoir vu son salaire réajusté sans retard. Cependant, pour d’autres, les explications ne suffisent plus. «Nous avons été officiellement informés que les ajustements ne seront pas appliqués en septembre en raison de la nécessité d’automatisation et de paramétrage», explique un employé avec amertume, doutant de la justification avancée par sa direction.
Même ceux qui ont reçu leur réajustement ne sont pas pleinement satisfaits. «Oui, nous avons reçu, mais lorsqu’on calcule les ajustements entre décembre 2023 et janvier 2024, l’augmentation est médiocre», affirme une jeune employée. Le sentiment d’incertitude reste omniprésent, certains travailleurs attendant toujours une confirmation. «La compagnie où je travaille m’a dit que c’est en attente. Jusqu’à présent, je n’ai aucune confirmation», avance un employé. Pourtant, certaines entreprises ne semblent pas avoir attendu une solution officielle. Sollicitée pour une réaction, une entreprise textile située dans le nord du pays a déjà effectué le paiement de la relativité salariale à ses employés. «Nous n’avons pas attendu qu’un communiqué soit émis pour agir. D’ailleurs, depuis juillet, nous avions pris nos dispositions pour que nous puissions payer les travailleurs», explique une source de l’entreprise.
En effet, le bras de fer entre le gouvernement et Business Mauritius sur ce réajustement qui vise à rétablir l’équilibre salarial après la hausse du salaire minimum, a provoqué une onde de choc parmi les travailleurs. Après une semaine de guerre de communiqués, Business Mauritius a annoncé vendredi son intention de se tourner vers la Cour suprême pour demander une judicial review des Remuneration Regulations. Selon l’organisation patronale, «il est crucial de clarifier le principe juridique concernant les pouvoirs d’un ministre».
Toutefois, elle a invité ses membres à «prendre leur propre décision en fonction de leur situation et spécificités». De son côté, le ministère du Travail a réaffirmé, dans un communiqué, que les 32 amendements des Remuneration Regulations ont été effectués dans le respect des dispositions légales en vigueur. Il a également averti que les entreprises non conformes encourent des amendes allant jusqu’à Rs 25 000 – un montant de Rs 50 000 avait été annoncé mardi – par infraction. Dès le mardi, des officiers mèneront des visites dans les entreprises pour vérifier la mise en œuvre des nouvelles dispositions.
Des membres de Business Mauritius ajustent les salaires à leur discrétion
Du côté des employeurs, colère et amertume sont aussi de mise. Malgré l’annonce de l’aide de l’É tat pour ceux qui ne peuvent appliquer ce réajustement, le fardeau financier est lourd à porter. D’autres, qui le peuvent ont choisi de payer. Dans un communiqué émis vendredi, Business Mauritius souligne d’ailleurs qu’«indépendamment du principe juridique en question, certaines entreprises ont procédé aux ajustements ou se sont engagées à le faire à leur discrétion».
Réitérant sa «conviction que le sujet en cours ne relève ni d’un montant ni de la volonté de payer les ajustements», l’organisation souligne également «comprendre les attentes des employés concernant le réajustement salarial». Cependant, elle estime qu’étant donné les différentes interprétations juridiques, «il est crucial de clarifier le principe juridique concernant les pouvoirs d’un ministre sous les articles 94 et 106 de l’ERA, en relation avec ses pouvoirs définis par les articles 91 à 93 de la même loi». Elle ajoute que «cette clarification permettrait de s’assurer que toute action future se fera dans les paramètres de la loi et d’aligner toutes les parties prenantes autour d’une compréhension commune».
Le ministère du Travail invite de son côté les employés qui n’ont pas reçu leur ajustement de se rendre dans ses différents bureaux régionaux. Pour les secteurs non couverts par les 32 règlements, le ministre recommande aux employeurs de procéder aux ajustements en attendant les recommandations du National Remuneration Board. À cet égard, il demande d’utiliser la même méthodologie de calcul. Pour ceux qui perçoivent moins de Rs 20 000 (salaire de décembre 2023 + Rs 4 925), incluant la compensation salariale, et ceux qui touchent entre Rs 20 000 et Rs 50 000, recevront une augmentation de Rs 2 925 par mois.
Jane Ragoo évoque une grève
Ayant pris connaissance du communiqué émis par Business Mauritius après son assemblée générale tenue vendredi, la syndicaliste de la confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), Jane Ragoo, estime que Business Mauritius ne fait «rien que du cinéma». D’ajouter : «C’est cheap et triste qu’elle soit entrée dans une telle chose. Les travailleurs sont extrêmement en colère.» Jane Ragoo estime qu’en agissant ainsi, Business Mauritius «a donné un mauvais signal» car les entreprises du secteur privé ont bénéficié des «largesses financières du gouvernement» pendant la période de Covid-19.
La CTSP publiera demain la liste des entreprises ayant payé la relativité salariale et d’autres actions menées par Business Mauritius à l’encontre des travailleurs. «Tout le monde se rappelle la prise de position de la CTSP concernant le fait que Business Mauritius n’avait aucun droit de dire à ses membres de ne pas procéder au réajustement salarial. C’est Business Mauritius qui a commencé, alors que la loi existait déjà», déplore la syndicaliste. Elle précise que la CTSP a envoyé des correspondances aux entreprises où les employés sont représentés, leur indiquant qu’il faut procéder au paiement. Au cas contraire, un message sera envoyé aux employés sur la marche à suivre. «Nous avons déjà évoqué une grève», souligne-t-elle. À ce jour, la CTSP a déjà recueilli les réponses des entreprises. La plupart, ajoute-t-elle, ont déjà payé l’ajustement salarial et d’autres le feront.
Pour elle, Business Mauritius a réalisé qu’elle avait commis une «erreur» en constatant que plusieurs entreprises ont payé le réajustement. «Maintenant, elle demande à ses membres qui souhaitent payer de le faire, tandis que ceux qui ne le peuvent pas doivent attendre.» Elle ajoute que Business Mauritius cherche un avis juridique sur les articles 94 et 106 pour savoir si le ministre a la prérogative d’amender la loi à sa guise. «Cela prendra le temps que la cour jugera nécessaire, mais en attendant, il faut payer.» Répondant aux PME qui disent ne pas pouvoir payer, la syndicaliste rétorque qu’un salaire décent fera grandir l’entreprise et conteste l’idée qu’une entreprise ne puisse pas payer.
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