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Pénurie d’eau

Des pistes pour éviter que le pays ne soit à sec…

12 février 2025, 16:00

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Des pistes pour éviter que le pays ne soit à sec…

Le Midlands Dam affiche mauvaise mine.

Les réservoirs s’assèchent, la pluie se fait attendre. La situation devient de plus en plus critique au fil des jours, et cela ne va pas s’améliorer dans les années à venir. Raison pour laquelle il faut désormais songer à des solutions durables, afin que le pays ne se retrouve pas dans des situations critiques, voire dangereuses, dans le futur. Et les solutions proposées par ceux qui maîtrisent le dossier ne sont pas toujours complexes et ne coûtent pas des millions à tour de bras…

Le peu de données disponibles est clair. Avec le changement climatique, les périodes sèches s’allongent, les pluies sont moins fréquentes. «C’est une tendance qui se dessine depuis les 30 dernières années», avance Adi Teelock, activiste environnementale. Cela mène indéniablement à un problème d’eau. Cependant, cela ne veut pas dire que le pays est en manque. Tout est une question de gestion. «Tout d’abord, nous ne captons pas assez d’eau de pluies. Certes, on ne peut pas tout capter pour ne pas tuer nos rivières, mais on peut en récolter plus», explique-t-elle. Puis, il y a le volet des infrastructures à revoir. Il y a 50 % d’eau qui se perd dans le réseau de distribution. De plus, il y a des perditions dans les feeder canals entre les points de stockage d’eau.

L’autre point qu’Adi Teelock met en avant est le forage. Elle rappelle que 50 % de l’eau potable proviennent des nappes phréatiques. 30 % sont issus des réservoirs et 20 % des rivières. Une des solutions est donc le forage, mais là encore, il faut faire attention à respecter toutes les règles. Mais pour que cela marche, il y a un travail à faire en amont. «Il faut absolument un changement dans l’utilisation des terres. De nombreuses zones ont été massivement déboisées, y compris celles situées près des réservoirs.» Elle explique que la présence des arbres est primordiale à la rétention d’eau dans les réservoirs et nappes phréatiques. «Il est essentiel de limiter l’imperméabilisation des sols causée par le bétonnage et la construction des routes, car cela affecte directement les nappes phréatiques.»

L’importance d’un plan national

Krishnee Appadoo, maître de conférences en droit de l’environnement et changement climatique à l’Université de Maurice (UoM), revient aussi sur ce point. Selon elle, la déforestation et le développement sauvage ont déjà causé des dégâts conséquents, mais il n’est pas trop tard pour pallier la situation. Elle réitère l’importance de reboiser pour les nappes phréatiques. Mais pour elle, le problème est plus profond. Les sécheresses ne peuvent pas être gérées en isolement tous les ans. C’est un problème systémique, qui doit être pris dans son ensemble. «Depuis des années, on ne fait que la gestion de crise lorsque nous sommes déjà dans le rouge. Tant que l’approche ne change pas, on va parler du même problème année après année.» Pour elle, il faut que Maurice s’inspire de pays qui subissent les mêmes conditions climatiques. L’exemple qu’elle cite est La Grenade. «Cette île a un plan de gestion de la sécheresse depuis les années 1990. Nous n’avons pas un tel plan.» Toute la gestion de l’eau est basée dessus. La différence que fait un tel planning est que l’or bleu est géré toute l’année et non seulement en période de pénurie.

Le plan comprend tout d’abord la surveillance, les prévisions et l’évaluation de l’impact des sécheresses. «De cette manière, nous aurons une visibilité sur le niveau des réservoirs en permanence et nous pourrons savoir quand les niveaux commencent à décliner. C’est là que les mesures doivent être prises, pas lorsque la situation est déjà critique», avance Krisnhee Appadoo. Les autorités doivent aussi voir quelles sont les communautés et les industries les plus impactées par le manque d’eau pour pouvoir prendre des mesures afin de les soulager en amont.

L’éducation est centrale à ce plan. Il ne s’agit pas de campagnes de sensibilisation ponctuelles, précise-t-elle. Certes, elles ont leur importance, mais face au changement climatique et aux changements occasionnés dans les pluies, il faut une éducation et une sensibilisation constante pour changer les habitudes. «En Grenade, il y a un comité qui s’occupe de cela à plein temps. Et il faut que cela touche tout le monde», dit Krishnee Appadoo. L’utilisation efficace de l’eau doit être enseignée à l’école, mais elle doit aussi faire l’objet de programmes récurrents.

«Vous savez, il y a beaucoup de personnes qui, même pendant la sécheresse, ne sentent pas les coupures. Donc, elles ne savent pas par quoi les autres passent. Si, par exemple, il y a des émissions récurrentes sur les difficultés des autres, comment ils doivent s’organiser, à la longue, cela conscientisera même ceux qui n’ont pas de problèmes d’eau.» L’éducation passe aussi par de petites choses, comme parler du niveau des réservoirs tout au long de l’année, afin que les citoyens sachent, en permanence, la situation. «Tout cela, mis ensemble, fera que le public luimême commencera à faire des efforts lorsqu’il le faut.»

Un autre problème auquel le pays a fait face pendant des années est que les parties prenantes du problème, comme les ministères, services publics, ONG et secteur privé, ont toujours fait des efforts, mais chacun de leur côté. Un comité réunissant tout le monde serait plus efficace. Krishnee Appadoo estime qu’il faudrait aussi la justice de l’eau. «Il faudrait un audit de la consommation de l’eau des industries. Par exemple, on ne peut pas demander aux citoyens de faire des efforts, mais que, par exemple, des hôtels n’aient pas de restrictions. Je suis bien consciente de l’importance du tourisme pour le pays, mais il faut un équilibre dans la gestion de cette ressource.»

Rien n’avancera sans recherche, et pour Maurice, il n’y a pas beaucoup de données ni de recherches dans le domaine. Cela doit changer, car il n’y a qu’une approche scientifique qui donnera des résultats, dit, sans détour, la chargée de cours à l’UoM. «Après la catastrophe du MV Wakashio, le Mauritius Research and Innovation Council avait mis des fonds spéciaux à la disposition des chercheurs pour analyser l’impact de ce drame. Ce même système peut être mis, à intervalles réguliers, à la disposition des chercheurs afin qu’ils soient motivés à trouver des solutions. Cependant, les recherches qui finissent dans les tiroirs ne servent à rien. Dans les comités et postes à responsabilité, il faut que des personnes qui maîtrisent les technicités du problème aient les mains libres pour pouvoir implémenter les recommandations», fait-elle ressortir.

Un autre point qu’elle souligne ici est la transparence. «On vient de voir la construction de deux réservoirs inutilisables. Des fonds ont été dépensés pour remplacer les tuyaux. On voit bien que la corruption a un impact direct sur l’eau. Tant que cela ne change pas, tant que les responsables ne répondront pas de leurs actes et qu’il n’y ait pas de transparence, on ne va pas s’en sortir.»

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