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Journée internationale
Destins de femmes ∣ Anita Ramasawmy: «Mo ti pé travay dan lakaz madam, zordi mo roul mo ti bizness»
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Journée internationale
Destins de femmes ∣ Anita Ramasawmy: «Mo ti pé travay dan lakaz madam, zordi mo roul mo ti bizness»
Le vendredi 8 mars, on célébrait la Journée internationale des droits des femmes. L’occasion, à travers cette galerie comprenant quelques portraits, de rendre hommage à celles qui se battent au quotidien, celles qui traversent des obstacles, qui balaient les échecs d’un revers de la main entre des larmes, à coups de courage et de persévérance. Celles qui changent en toute discrétion la vie des autres, celles qui ont des rêves, des ambitions, celles qui montent au créneau pour défendre les injustices. Des citoyennes lambda qui n’ont pas l’habitude d’être sous les projecteurs mais qui portent en elle cette lumière si particulière.
Au marché de Quatre-Bornes, les gosiers bien entraînés des marchands sont en pleine forme en ce jeudi après-midi. Habitués au marketing verbal, chacun envoie les décibels, on tente d’appâter des clients locaux, des touristes. Au milieu des «trwa kilot pou 10», des «zoli-zoli zip zoli pri», des «pran ou lizié vinn get sa top linet-la» et autres formules originales, toutes faites ou personnalisées, d’autres attendent patiemment en écoutant la radio, en débattant de l’actualité. Il n’y a pas plus au courant qu’un «marsan bazar» qui propose ses arguments pour expliquer des factures d’électricité élevées.
C’est la recherche d’une serviette qui ne soit pas un torchon – un exercice qui donne du fil à retordre – qui nous mène jusqu’à elle. Debout devant son étal, son tika rouge sur le front, le traditionnel thali jaune accroché autour du cou, Anita Ramasawmy respire la gentillesse, expire la bienveillance. Ses serviettes sont aussi douces que sa tessiture vocale. Les prix, Rs 150 à monter, ne filent pas de mauvais coton en ces temps où le porte-monnaie est plus troué que des jeans déchirés proposés à Rs 600 l’unité ici et là.
L’habitante de la route Palma, Quatre-Bornes, propose aussi des robes de chambre. Pour réussir sa vie, elle a parfois dû sacrifier quelques heures de sommeil. «Monn bien trimé pou arrivé, zordi mo bien fier séki monn réssi fer grâce a mo travay», confie celle qui fêtera ses 70 ans dans deux mois. Sa rencontre avec la vente est le fruit du destin. Elle s’est produite il y a plus de 30 ans à travers un client de son époux, qui était alors chauffeur de taxi à l’hôtel. «Mwa mo ti pé travay lakaz Madam. Nou ti mizer. Lerla sa dimounn la – li ti pé travay dan gouvernman, linn kité pou koumans bizness – inn dir mwa pran dé-trwa linz zanfan al vandé.» C’est à travers le porte-à-porte qu’elle revend les vêtements, engrangeant entre Rs 15 et Rs 25 de profit sur chaque item dépendant de la taille, de la qualité. «Gramatin al travay lakaz Madam, tanto al vann linz, tap laport dimounn. Parfwa mo ti pé rant kot mwa 9 er diswar…»
De fil en aiguille, de barboteuse à grenouillère, elle trace sa route qui la conduit jusqu’à Port-Louis à un certain moment. Les ventes décollent petit à petit et Anita commence à voir plus grand. Elle se met à vendre d’autres vêtements, des savates – pas question de faire dodo sur les lauriers de cette réussite naissante. Puis, il y a 28 ans, elle s’installe sur un étal au marché de Quatre-Bornes. Elle essuie les revers à l’aide de ses serviettes. Sa persévérance s’avère payante. Son travail acharné lui permet d’élever ses deux enfants; aujourd’hui, elle a trois petits-enfants dont l’aîné a 31 ans. «Trwa garson sa. Enn travay lor bato, enn lot CEB, lotla travay pou limem», lâche Anita, le regard brillant.
Une phrase qu’elle répète sans cesse : «Mo bien kontan mo travay, monn akonpli boukou kitsoz. Tou klian, Morisiens, touris tou kontan mwa…» La retraite ? Elle n’y pense pas pour le moment. «Bolom inn fini pran rétret li, li ousi linn bien travay pou nou réssi. Mwa mo kontinié tan ki mo éna kouraz.»
Ce qu’elle souhaite aux autres, la Journée internationale des droits des femmes ayant été célébrée vendredi ? «Nou fam, nou ena boukou kouraz. Si vraimem nou anvi fer kitsoz, nou pou fer li. Mo ankouraz tou mo bann ser lance zot dan bizness ek pa dékourazé.» D’ajouter avec humilité et fierté: «Get momem mo ti pé travay dan lakaz Madam, zordi mo roul mo ti bizness…»
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