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Violences à la prison de Melrose

Détenus blessés et traumatisés, familles bouleversées, l’État interpellé

22 juillet 2025, 07:00

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Détenus blessés et traumatisés, familles bouleversées, l’État interpellé

■ Plusieurs familles ont pu voir leurs proches blessés, hier

Après une opération violente à la prison de Melrose, plusieurs familles ont enfin pu voir leurs proches blessés, hier. Les images et témoignages révèlent une brutalité inouïe, avec des détenus souffrant de fractures, de plaies sanglantes et de traumatismes. Tandis que l’administration pénitentiaire multiplie les versions contradictoires, la pression monte pour que justice soit faite. Ce scandale d’État met en lumière les graves défaillances du système carcéral mauricien et l’impérieuse nécessité de protéger les droits fondamentaux des détenus.

Après des visites enfin autorisées à la prison de Melrose, hier, des scènes de douleur et de colère ont éclaté. Des mères en larmes, des femmes traumatisées, des enfants bouleversés. Les blessures visibles sur les détenus – fractures, plaies ensanglantées, membres tuméfiés – ont choqué leurs proches. Une sœur raconte que son frère fait une hémorragie et a de la fièvre. Plusieurs blessés ont été transférés à la prison de Petit-Verger, mais aucun n’a été conduit à l’hôpital. À Melrose, l’infirmerie manquerait cruellement de médicaments et le personnel médical ne semblerait pas qualifié pour soigner correctement.

Ces violences sont survenues dans le cadre d’une opération menée par les gardes-chiourmes, avec la participation de la Special Mobile Force et du Groupement d’intervention de la police mauricienne. Selon plusieurs témoignages, cette intervention sauvage pourrait être liée à la saisie récente de téléphones portables ou à un règlement de comptes entre un assistant surintendant de police (ASP) et certains détenus. Son nom revient de façon récurrente dans les récits des familles, qui réclament des sanctions exemplaires.

Il est crucial de rappeler que tous les détenus à Maurice ne sont pas des criminels endurcis. Beaucoup sont incarcérés pour avoir fumé du gandia, pour des délits mineurs ou pour des faits qualifiés d’homicide involontaire, liés à des accidents ou erreurs non volontaires. «Ils ont déjà été condamnés. Il n’est pas nécessaire d’en finir avec eux ensuite. Ils purgent déjà leur peine. Certains sont même innocents ou ont simplement commis une erreur sans avoir fait de mal à personne. Une petite quantité de gandia, un problème de drogue, un accident… On ne peut pas continuer à construire notre système sur la violence», martèlent des familles.

Face à ces événements, le commissaire des prisons, Dev Jokhoo, a multiplié les versions. Samedi, il parlait de «rumeurs» et de «palabres» et évoquait une bagarre entre détenus pour minimiser l’affaire. Puis, dimanche, il affirmait être «fier» de ses collaborateurs, assumant «toute responsabilité» dans leurs actions, tout en déclarant que leurs conditions de travail seraient «plus difficiles que celles des détenus eux-mêmes». Hier, silence. Il a promis de rappeler… mais n’a pas donné suite.

Les familles, l’activiste Bruneau Laurette ainsi que la société civile exigent la vérité complète et la justice. Une enquête officielle est en cours, mais la lenteur et le silence des institutions aggravent la douleur. Plusieurs familles ont déposé plainte à la National Human Rights Commission, à Ébène, ainsi qu’à l’Independent Police Complaints Commission. Des avocats ont été mis à leur disposition sur place grâce à la solidarité des proches des détenus blessés.

Les familles demandent que l’ASP et les autres gardiens mentionnés soient suspendus immédiatement, fassent l’objet d’une enquête indépendante et transparente. Ce scandale d’État est une honte nationale qui bafoue les droits humains et la dignité des prisonniers, pourtant protégés par la loi, déplore-t-on.

Mᵉ Satyajit Boolell, président de la National Human Rights Commission, a indiqué qu’une enquête avait été officiellement ouverte à la suite des plaintes reçues de la part des familles de détenus. Celle-ci est conduite par la National Preventive Mechanism Division, qui a commencé à recueillir les témoignages des personnes incarcérées.

L’objectif, selon lui, est de comprendre les circonstances et les causes ayant mené à cette situation. Des recommandations seront formulées à la lumière des constats établis, notamment pour éviter qu’un tel épisode ne se reproduise. Il précise également que si les officiers en charge de l’enquête constatent un besoin médical, ils peuvent référer les cas au commissaire des prisons.

Enfin, Mᵉ Satyajit Boolell ajoute que, si nécessaire, la commission pourrait recommander au Premier ministre d’instituer un Fact Finding Committee, en fonction des conclusions des enquêtes en cours.

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Des appels restés sans réponse

Nos appels répétés à l’ASP, nommé par plusieurs familles comme responsable de l’opération, sont restés sans réponse. Nous avons également tenté de joindre Touria Prayag, de la National Human Rights Commission, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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