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Deux PM, deux dettes, un même pari
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Deux PM, deux dettes, un même pari

■ Navin Ramgoolam et François Bayrou.
Alors qu’il fignole le Finance Bill avec ses technocrates, Navin Ramgoolam garde un œil attentif sur Paris. Car ce qui se joue sous les dorures de Matignon n’est pas qu’un débat hexagonal : c’est une préfiguration – en plus brutal – de ce qui attend les gouvernements qui ont trop longtemps vécu à crédit.
François Bayrou, héritier centriste propulsé à Matignon par la fatigue de la Macronie, a dévoilé un plan de redressement budgétaire à la hache : 43,8 milliards d’euros d’économies. Deux jours fériés supprimés, gel des pensions, coup de rabot sur les agences publiques et même une «année blanche» pour les fonctionnaires. Résultat immédiat : une volée de bois vert venue de toutes parts – syndicats, oppositions, hôteliers, retraités, écologistes et jusqu’à certains piliers de la majorité.
Port-Louis ne vibre pas au rythme des ponts de mai ni des décrets parisiens, mais les résonances sont troublantes.
Ramgoolam et Bayrou partagent aujourd’hui un défi commun : imposer la rigueur à des pays qui ne veulent plus entendre parler de sacrifices.
L’un tente de ramener la dette sous les 80 % du PIB d’ici 2027, l’autre veut éviter une sanction des agences de notation et convaincre le FMI que Maurice peut rétablir sa crédibilité budgétaire sans hausse d’impôts. Mais dans les deux cas, les citoyens n’achètent pas ce récit de rigueur vertueuse. Le sentiment dominant, c’est que les efforts sont à sens unique.
Le parallèle est saisissant : Bayrou demande aux Français de «travailler plus pour produire plus», Ramgoolam promet une réforme des retraites. À Paris, c’est la suppression du 8 mai ; à Port-Louis, ce sont les mères au foyer de 59 ans qui n’auront, cette année, ni BRP ni pension contributive. Partout, des mesures techniques, comptables, parfois nécessaires. Mais vendues avec une froideur technocratique qui accentue l’injustice perçue.
François Bayrou, comme Navin Ramgoolam, parle de «courage» budgétaire. Le mot est noble. Mais ce n’est pas de courage qu’il s’agit – c’est d’arithmétique sans affect. Or, une démocratie ne peut pas se gérer comme un tableau Excel.
La vérité, c’est que les deux Premiers ministres jouent gros : leur crédibilité, leur autorité et la paix sociale.
Mais il y a aussi une différence de méthode.
Bayrou a voulu créer un effet de choc. Il parle de «moment de vérité», comme s’il fallait brutaliser la nation pour l’éveiller à sa réalité budgétaire. Ramgoolam, lui, avance à pas feutrés : ses réformes sont étalées, enveloppées de phrases rassurantes sur la justice sociale et les acquis. Mais l’impact est le même : mécontentement diffus, scepticisme sur l’équité de l’effort demandé.
En regardant Paris, Ramgoolam doit tirer une leçon essentielle : l’austérité, même nécessaire, ne peut se faire sans exemplarité ni contreparties.
La suppression d’un jour férié choque en France, car elle ne s’accompagne d’aucune remise en cause des niches fiscales pour les ultra-riches. À Maurice, comment expliquer aux citoyens qu’on réforme leur retraite sans toucher à celle des élus ou aux salaires de l’exécutif ? L’exemple ne vient toujours pas d’en haut.
Les deux Premiers ministres partagent un même angle mort : la pédagogie du risque. Ils ne répètent pas assez ce qui adviendrait sans réforme. Leurs relais sur le terrain doivent faire du porte-à-porte, comme en campagne électorale, pour convaincre. Or, sans un effort collectif, ce sont les agences de notation qui dicteront leur tempo. La perte de crédibilité coûterait plus cher que deux jours fériés ou un gel de pension.
Mais ce que Bayrou a raté – et que Ramgoolam peut réussir – c’est d’inscrire l’effort budgétaire dans un récit d’avenir. Un horizon partagé. Car une nation n’accepte les sacrifices que si elle en comprend la finalité. Le récit du redressement ne peut pas être un monologue comptable. Il doit être porteur de sens, de cohésion, d’ambition collective. À défaut, il sera rejeté comme une punition.
Le risque est clair : en voulant rassurer les marchés, Bayrou a réveillé la rue. Ramgoolam, s’il ne change pas d’approche, risque de subir le même effet boomerang.
Car à l’heure des réseaux, des sondages instantanés et des colères diffuses, une coupe budgétaire mal expliquée devient une crise politique. Et une réforme imposée sans dialogue devient un levier de mobilisation. À Paris comme à Port-Louis.
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