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Dossier d’Ehsan Juman vu par Pravind Jugnauth
Dev Jokhoo : «L’officier qui lui a remis le dossier est à blâmer, c’est inapproprié»
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Dossier d’Ehsan Juman vu par Pravind Jugnauth
Dev Jokhoo : «L’officier qui lui a remis le dossier est à blâmer, c’est inapproprié»
Dev Jokhoo, ancien Deputy Commissioner of Police et patron du National Security Service.
C’était lors de la réponse parlementaire à une question «plantée», posée par Joanne Tour, mardi. Le Premier ministre, qui en a profité pour parler d’une «intrusion» au port du député travailliste Ehsan Juman le 5 Janvier 2021, a affirmé avoir vu le dossier de police. «When I look at the case file, all the evidence – I say all and I am speaking as a lawyer – are not only damming; all of them go in one direction», a-t-il dit. Avant de formuler de vives critiques contre le Directeur des poursuites publiques (DPP) qui avait recommandé de ne pas donner suite à l’affaire contre Ehsan Juman.
Par la suite, le DPP, Me Rashid Ahmine, a émis un communiqué mercredi, précisant que le bureau a recommandé un «non-lieu» car les preuves examinées ont démontré, entre autres, que le député Juman, en sus d’avoir été dûment autorisé, «a signalé l’incident lui-même le même jour à la police portuaire». Le bureau du DPP a estimé injuste que sa décision soit critiquée de manière aussi extensive au Parlement. D’autant plus que cette décision a été endossée par le commissaire de police (CP).
Ehsan Juman estime que «c’est plutôt qu’ils voulaient cibler et attaquer le DPP. En mai 2021, Pravind Jugnauth avait dit au Parlement que suite à cet incident, des mesures supplémentaires avaient été prises pour renforcer la sécurité du lieu. C’est dans ce but que je me suis rendu sur place, non pas pour faire de la politique, mais pour alerter l’opinion publique sur le fait que nous avons un problème de sécurité». Ehsan Juman affirme également qu’il ne compte pas entamer une action contre ce qui s’est passé mardi. «Je ne sais pas ce qu’ils voulaient démontrer. Pour moi, cela s’arrête là. Je ne m’engagerai pas dans des poursuites et je ne ferai pas quelque chose qui n’est pas correct.» Par ailleurs, le DPP considère dans son communiqué qu’il est très inquiétant qu’un dossier de police puisse être vu par un tiers.
L’ex DPP, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, souligne que les dossiers de police ne peuvent être divulgués à des tiers en vue de maintenir aussi la confidentialité concernant l’identité des officiers traitants. Des informations peuvent être fournies sans que le dossier ne soit divulgué.
Dev Jokhoo, ancien Deputy Commissioner of Police et patron du National Security Service, explique pour sa part que lorsque l’on fournit des informations à un parlementaire en vue de répondre à des questions, le dossier de police ne peut jamais être transmis. «The Commissioner of Police is bound to submit material for a reply. Il peut le faire en mettant le Premier ministre au courant oralement de l’affaire. Ainsi, le Premier ministre peut dire dans sa réponse : ‘I have been informed or advised by the CP that...’» Si des informations incorrectes sont données, le Premier ministre peut rectifier le tir lors de la séance suivante en disant : «I was wrongly advised», le blâme et la responsabilité revenant à la police. Dev Jokhoo explique également que même lorsque le contenu essentiel d’un dossier est fourni par écrit et que des informations additionnelles sont fournies pour répondre à des questions supplémentaires, «les officiers assis à l’arrière prendront note et les feront transmettre au Premier ministre. Ils savent ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas être révélé. Un dossier ou un statement ne peut être remis à personne. Le Premier ministre, en fin de compte, reste un politicien».
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Un incident similaire s’est également produit en mai 2000, lorsque Navin Ramgoolam était Premier ministre, rappelle Dev Jokhoo. L’affaire concernait Éric Stauffer, un Genevois de 35 ans se présentant comme le directeur d’une société financière, qui portait de lourdes accusations contre Xavier-Luc Duval à l’époque, pour lequel il avait travaillé durant sa campagne électorale. L’affaire se corsa lorsque Navin Ramgoolam avait brandi en public et devant la télévision mauricienne, le 1er mai, un rapport accusateur à l’encontre de l’homme d’affaires suisse, affirmant que ce rapport émanait d’Interpol. L’Office fédéral de la police (OFP), qui représente Interpol en Suisse, avait précisé que des informations avaient bel et bien été fournies aux autorités mauriciennes.
Navin Ramgoolam avait donc divulgué des informations d’Interpol qui auraient dû rester confidentielles. Le leader des Rouges avait également dû faire face au dépôt d’une plainte à Genève. «Cela a créé des remous et beaucoup de problèmes entre les services locaux et internationaux d’Interpol. L’échange d’informations est toujours destiné à la police ou à la poursuite, c’est-à-dire au bureau du DPP. Si quelque chose doit être révélé, ceci se fait au tribunal. Un dossier de police n’est pas destiné à un usage politique», réitère Dev Jokhoo.
Si, dans le cas présent, les déclarations du Premier ministre sont en elles-mêmes sous le couvert de l’immunité parlementaire, afin de pouvoir répondre à la question, «qu’on lui a remis le dossier, ne l’est pas. L’officier qui lui a remis le dossier est à blâmer et il n’est pas couvert par l’immunité. C’est inapproprié. C’est devenu un règlement de comptes au Parlement. (...) It is a very cheap game», dit Dev Jokhoo.
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